Alain Peyrache

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Alain Peyrache est un pratiquant rare. Sa parole publique est rare, elle aussi : d’une fidélité sans faille à la démarche traditionnelle, sa démarche consiste à limiter son enseignement à ceux qui l’ont choisi comme professeur.

Pour être droit et cohérent, son parcours est complexe. L’homme se livre peu, mais il donne sans compter. Sa pratique repose sur des bases qui puisent loin leurs racines, mais tous ceux qui le suivent savent combien elle évolue, s’adapte, reste en constante recherche et attentive aux mouvements du monde. Les quelques lignes qui suivent tentent de baliser son parcours pour qu’au-delà du maître, on comprenne qui est l’homme.

Né en 1950, Alain Peyrache aime raconter - non sans humour - que sa première rencontre avec l’aïkido fût le fruit d’une erreur : il croyait ce jour-là assister à un cours de judo. Mais un tel hasard ne saurait expliquer une fidélité de plus de 45 ans à cette discipline martiale.

Alain Peyrache débute l’aïkido à l’âge de 14 ans au sein du groupe Ueshiba dirigé par André Nocquet, qu’il abandonnera rapidement, se heurtant très vite, malgré son très jeune âge, aux limites des enseignants qu’il rencontre alors. Il s’entraîne également quelques temps avec le groupe Mochizuki, qui rejoignit la fédération de judo en 1964, son président ne reculant devant rien pour faire carrière. Il suit d’ailleurs le groupe Nocquet, qui venait d’être assimilé par la FFJDA, formant ainsi le groupe Ueshiba après le retour de Me Abe au Japon.

Alain Peyrache eu donc l’occasion d’assister - à cette époque comme par la suite - aux différents rebondissements de l’histoire de l’aïkido en France, certains comportements étant parfois très surprenants... Ainsi, pour mémoire, il constata qu’après avoir quitté l’école Mochizuki, Alain Floquet se retrouva propulsé du jour au lendemain de 4e à 6e dan dans une nouvelle discipline qu’il venait d’inventer : l’aïkibudo. Ce scandale interrogea plus d’un pratiquant : était-il possible de se comporter ainsi avec crédibilité ?

En 1967, à la suite d’une blessure de son professeur, Alain Peyrache se retrouve responsable du dojo. A 17 ans, il doit se former par ses propres moyens. Soucieux de la qualité de sa formation, il se dirige vers l’enseignement des plus grands experts japonais, les élèves de Maître Morihei Ueshiba, fondateur de l’aïkido, à l’époque où ils n’étaient qu’une dizaine sur les tatamis.

Il fréquente ainsi les maîtres Nakazono, Noro, Tada, Asaï, Ichimura et Chiba, mais c’est plus particulièrement la rencontre avec Maître Tamura - dont il sera l’élève pendant près de 30 ans - qui déterminera sa recherche dans la voie de l’aïkido et ce que l’on peut aujourd’hui appeler une authentique vocation. Aux côtés de ces maîtres, il acquiert cette technique implacable, précise, sobre et épurée qui le caractérise.

Chaque fin de semaine, Alain Peyrache sillonne les routes pour travailler avec tous les élèves du fondateur de passage en France et en Europe. Parallèlement, il étudie la Médecine Traditionnelle Chinoise et engage des recherches philosophiques. Par ailleurs, il fonde en 1970 son propre dojo.

Années 70-80 : transmettre sans compter

Au début des années 70, Alain Peyrache entre au comité directeur de l’ACFA - association culturelle française d’aïkido - dont le président est Guy Bonnefond et où se retrouvent des grands noms de l’aïkido français : Pierre Chassang, Paul Müller, Gérard Gras, Gérard Blaise… L’ACFA disparaît en 1972, remplacée par l’UNA, une nouvelle structure destinée à la réunification de l’aïkido français sous la pression de la fédération de judo et du ministère de la jeunesse et des sports.

Alain Peyrache forme un grand nombre de professeurs et dirigeants français actuels, dans un premier temps à l’école des cadres du Lyonnais, puis en Bourgogne pendant de nombreuses années. C’est ainsi qu’il fait la connaissance - entre autre - de Kader Bentata, Marc Coudurier-Curveur, François Collinot… Plus tard arriveront Nicole et André Gonze, impliqués dans la fédération européenne d’aïkido. Une grande partie des élèves d’Alain Peyrache entrent au comité directeur de l’UNA. La Bourgogne connaît un essor important, devenant l’une des régions les plus dynamiques, celle qui allait bientôt organiser le premier stage lors de la création de la FFLAB.

En 1982, à la suite de désaccords avec la fédération de judo, Alain Peyrache se dépense sans compter comme responsable technique national pour mettre en place la FFLAB, usant de sa profonde connaissance de l’ensemble des rouages fédéraux qu’il veut mettre à profit pour permettre le développement de l’esprit véritable de la pratique. Malgré l’insistance de Maître Tamura, il refuse la présidence de la commission nationale des grades, restant d’une fidélité sans faille à l’esprit du dojo traditionnel.

Lorsque l’éthique de la discipline est menacée au début des années 80, certains comme Alain Peyrache suivent leur professeur Maître Tamura. D’autres restent par manque de courage sous la tutelle du judo en se regroupant au sein de la FFAAA, s’attribuant ainsi des postes vides qu’ils n’auraient jamais pu occuper autrement (en savoir plus : lire l’interview sur Aikidojournal). La situation demeure de nos jours conflictuelle entre ces deux groupes, la position de certains membres restant difficile à accepter de la part de pratiquants d’un art martial censé développer la capacité de jugement. Cette séparation explique la situation actuelle - 30 ans plus tard - de deux fédérations qui n’ont jamais pu s’entendre malgré les pressions récurrentes du ministère des sports.

C’est à la fédération FFLAB puis FFAB - ayant entre temps perdu son « L » de « libre » - qu’Alain Peyrache occupe pendant plusieurs années les postes de délégué technique national, de membre de la commission des grades, du comité directeur, de la commission d’enseignement, jury des diplômes d’Etat…

Pourtant, contre l’avis de tous ceux qui ne comprennent pas qu’on puisse tourner le dos à tant d’honneurs et de gratifications, intègre, las des fédérations qui gèrent l’aïkido comme un sport, il démissionne de ses fonctions. Les opportunistes florissant avec le succès, les aïkidokas s’engageant souvent sur les pentes les plus faciles, les politiciens prenant davantage de pouvoir que les pratiquants, les fédérations faisant inéluctablement l’inverse de ce qu’elles prétendaient faire initialement, Alain Peyrache constate que ses efforts pour un aïkido traditionnel ont été gaspillés. Il continuera dès lors à enseigner un aïkido sans compromis au sein de ses propres dojos.

Autour de lui, nombreux sont ceux - tout aussi mécontents - qui n’ont pas le courage de démissionner et continuent à cautionner ce système néfaste à l’aïkido tout en le critiquant, sans infléchir en quoi que ce soit leur parcours mais en ayant préservé, tel un but ultime, leurs postes et leurs titres. Certains membres du comité directeur conseillent à Alain Peyrache de créer une pyramide au sein de la FFAB, c’est-à-dire un groupe ayant un peu plus d’autonomie mais au final tout autant soumis aux engagements de la fédération, ce qui ne présentait évidemment aucun intérêt pour la discipline.

Par la suite, Me Tamura fut très rapidement trahi par certains de ses proches qui, au lieu de défendre ses intérêts, l’ont sacrifié à leur destinée fédérale nationale. Devant le manque de candidats à la reprise du flambeau, certains évoquèrent un retour d’Alain Peyrache pour diriger la manœuvre... Me Tamura, très lucide, leur répondit : « vous ne l’achèterez ni avec des grades ni avec des postes, il fera ce que bon lui semble... ». Une dizaine d’années après le départ d’Alain Peyrache, certains membres du comité directeur feront référence à cet authentique choix d’homme, en déclarant : « Peyrache avait raison : il nous avait prévenus ».

Il n’y avait pourtant aucun espoir de voir un jour la FFAB revenir à l’enseignement traditionnel de l’aïkido : la structure influe directement sur ce que l’on y fait. Les personnes qui ont participé initialement au développement de ces structures étaient majoritairement de bonne volonté. Mais le fonctionnement fédéral les a peu à peu déviés de l’essence de l’aïkido et au final contraints à atteindre l’inverse de leur objectif. En effet, un fonctionnement adapté à un art martial traditionnel - au sein d’un dojo - contribue à produire un aïkido traditionnel, alors qu’un fonctionnement sportif - assujetti à une fédération - dénature l’aïkido en sport. C’est une vérité de Lapalisse.

Autonomie, responsabilité

Alors après plusieurs années de réflexions et avec le recul nécessaire, Alain Peyrache crée au début des années 90 ce qui n’existe pas encore en Europe : E.P.A. - I.S.T.A., une structure fonctionnant comme un dojo mondial qui respecte la conception traditionnelle de la discipline : « un maître, un dojo ».

En effet, fort de son incomparable expérience de l’aïkido et des dérives fédérales, Alain Peyrache savait pertinemment que créer une structure similaire avec d’autres personnes à sa tête - comme le suggéraient de manière pressante certains de ses élèves - n’était pas une solution, quels que soient d’ailleurs ces dirigeants, puisque le fonctionnement aurait été identique. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les problèmes rencontrés par la FFAB seraient très rapidement réapparus. Il fallait donc créer autre chose, adapté à la pratique de l’aïkido. Cette réflexion lui prit quatre ans, période pendant laquelle il resta simple professeur de dojo.

Profond connaisseur de la tradition orientale, Maître Peyrache s’investit de toute sa personne dans ce qui fait l’essence de la pratique, ne perdant pas son temps à distribuer des gratifications inutiles à ses élèves. Sans jamais user de jargon incompréhensible, il met à leur portée une technique d’une extrême pureté, avec simplicité et efficacité. Reconnu mondialement, il est sollicité pour sa compétence dans toute la France et convié aux quatre coins du monde : Belgique, Canada, Espagne, Pays-Bas, Italie, Israël, territoires d’Outre-mer…

Ceux qui connaissent Alain Peyrache savent que l’un de ses soucis majeurs consiste à lier en permanence théorie et pratique : « l’aïkido ne peut être compris réellement que si l’on se familiarise avec le contexte culturel dans lequel il s’est développé : la tradition et la philosophie orientales ».

Alain Peyrache s’appuie sur une connaissance approfondie de la pédagogie, son enseignement est d’une qualité rare. chaque cours est structuré, développe un principe, est axé sur une progression. Si l’étude technique est précise et rigoureuse pour ne pas dénaturer l’aspect martial de l’aïkido, il s’attache aussi, et avant tout, à mettre en évidence les principes de base qui sous-tendent ces techniques.

Pour Maître Peyrache, un enseignement digne de ce nom ne doit pas s’arrêter à la question des moyens, mais poser clairement celle de l’objectif, la voie : DO, les finalités.

Un sens critique aigu et la sincérité de sa recherche ont ainsi permis à Alain Peyrache d’éviter les principaux écueils qui ont hélas parfois dénaturé l’enseignement des arts martiaux : déviation sportive/musculaire, commerciale, mystique/sectaire. Tout au long de son parcours exceptionnel, son intransigeance dans ce domaine ne lui a pas toujours valu, on s’en doute, que des amis, mais a contribué à le faire reconnaître comme l’un des plus grands maîtres d’aïkido.

Il est l’auteur d’un ouvrage de référence : Traité didactique d’aïkido traditionnel Il dirige la collection : Les guides du pratiquant d’aïkido Il est le fondateur de E.P.A. - I.S.T.A.

Suivre ce maître authentique dans son exigence et sa rigueur est une voie difficile et d’une richesse incomparable. Loin de ceux qui ont perdu les repères fondamentaux de l’aïkido - quand ils les ont eus un jour - s’investissant de toute sa personne dans ce qui fait l’essence de la pratique, d’une générosité sans égale, il transmet sans compter son expérience et son savoir à ceux qui l’ont choisi comme maître.

Alain Peyrache est un maître d’aïkido recherché pour sa compétence avérée, celui qui entre tous incarne l’esprit traditionnel de l’aïkido : « un maître, un dojo ». En 2010, Maître Tamura demanda d’ailleurs à le voir quelques mois avant de mourir...