"Défaire le développement, Refaire le monde"
Texte de lintervention dans latelier n. 9:
Lillusion et la chance.
Une philosophie pour les Systèmes déchange local
Paolo COLUCCIA
Martano (LE) - sud-Italia
Lilliput Edizioni
http://digilander.libero.it/paolocoluccia
e-mail: paconet@libero.it
2002
Argent et pouvoir ne peuvent
ni acheter ni imposer
de la solidarité et du sens.
(Jürgen Habermas)
"Sur une planète riche decosystèmes et de hautes technologies il ny a pas de justification pour la pauvreté et pour la pollution. La raison de ce double drame se trouve dans lillusion que les hommes possèdent la matière première. Cette sottise économique a créé largent".
Cest avec ces mots que Global Resource Bank (GRB) inaugure son site Internet. Le projet prévoit une complexe connexion des individus pour une "gestion globale des ressources", grâce à "une institution démocratique directe".
Il est encore possible de se réapproprier la richesse de la Terre pour "jouir de la prospérité globale et dun environnement naturel"(www.grb.net).
Le modèle économique de lOccident porte à lindividualisation et à la dispersion des communautés locales. Il faut refléchir et agir, aussi en contextes délimités géographiquement, pour innover les comportements des individus et donc inventer une méthodologie auto-référencée pour un projet local.
Aujourdhui il est important de proposer un projet local (Magnaghi, 2000). Mais il faut abandonner la logique dominante de confier toujours à ladministration publique la gestion de projets.
Le citoyen peut proposer en autonomie ses nécessités à la communauté.
Il faut imaginer un nouveau secteur social, spontané et informel, basé sur lhorizontalité, sur le bien-fondé et sur le copartage. Ces caractéristiques napartiennent pas au secteur public, ni au secteur économique, ni au secteur du volontariat et de léconomie solidaire ou, comme on dit en Italie, au troisième secteur : ce dernier, malheuresement, prisonnier comme dit Rifkin - "entre le secteur public et le secteur privé (économique) [...] depouillé de son identité autonome et rendu dépendant des autres secteurs pour sa survie" (2000, p. 339).
Nous ne souhaitons pas que ce soit le "quatrième secteur", celui "de léconomie sousterraine, du marché noir et de la culture criminelle" (Id, p. 340) à prendre le dessus dans le système social.
Inventer un espace social, donc, pour redéfinir les relations entre les individus, les groupes, les institutions, en un mot redécouvrir "lespace commun de la libre association humaine" (Donati, 1997, p. 68).
Les systèmes déchange local non monetaire (LETS, SEL, Tauschring, Clubs de Trueque, Banche del tempo etc.), avec tous les mouvements alternatifs et innovateurs apparus récemment dans la société et sur toute la planète, pouvent inaugurer un espace commun. Si ces micro-systèmes socio-économiques comptabilisent leurs échanges, cela leur permettera de mettre en évidence la richesse relationelle générée, quaucun Produit Intérieur Brut (PIB) ne pourrait comptabiliser.
La leçon sur le don de Marcel Mauss (1965) est toujours présente à mon esprit; mais aussi lanalyse anthropologique de Malinowski autour du sens du Kula (1973). Il ny a pas de communauté et déchange social sil ny a pas de liens et de relations solidaires. Les associations déchange local non monétaire sont laïques (laòs, peuple). Dans les SEL lego et lalter fusionnent comme une osmose et produisent le nous, un nouveau sens de lexistence. Ils sont des modèles socio-économiques qui représentent une chance pour la future cohabitation locale-globale, "glocale" (Magnaghi, 2000; De Rita/Bonomi, 1998; Goldsmith/Mander, 1998) .
La pensée unique fait le contraire: nous pensons à la démentielle "pyramide de la richesse" de Lester Thurrow (2000), pour une production infinie de croissance économique. "Seulement un gâteau économique qui grandit rapidement, dit-il, peut créer les sociétés riches, dans lesquelles chacun peut participer à la creation de la richesse" (Id., p. 37).
Beaucoup déconomistes sont fiers de cela, surtout quand ils encaissent des récompenses copieuses, données à pleines mains par des gouvernements inconscients, pour des consultations et pour des programmes qui produisent un effet contraire, qui mettent dans lembarras beaucoup de gens.
La route de la croissance infinie et indéfinie conduit inévitablement à une société duelle: quelques-uns sont toujours plus riches et dautres deviennent toujours plus pauvres. "Il faut combattre lactuelle tendance à la dualitè de notre société" (Touraine, 2000, p. 40), affirme Alain Touraine, mais "il faut aussi changer notre conception de la croissance [...]. Une croissance substantielle est impossible sans prévenir les risques cruciaux: écologiques, nucléaires, sanitaires, sociaux, culturels. Innovation et solidarité sont les éléments fondamentaux pour une croissance économique soutenable" (Id., p. 132-133).
Mais, dans un système social déséquilibré le développement soutenable "est une grande hypocrisie" (Amoroso, 2001, p. 202), ou, comme dit Latouche, il est un "oximoron".
À léconomie du marché on peut répondre avec lauto-référencialité des systèmes locaux déchange non monétaire, basés sur la liberté et sur linclusion. "Rappelons que, pour la plupart dans lère moderne, nous avons associé au concept de liberté celui dautonomie, et nous avons fait coincider lautonomie avec la capacité doffrir notre travail sur le marché. Les fruits du travail - la propriété - ont été considérés comme les symboles de notre liberté. Le droit dexclure les autres de ce qui nous appartient a été considéré la meilleure façon de protéger notre autonomie et notre liberté personelle. Mais, la vraie liberté est fille du copartage, pas de la possession: on ne peut pas être vraiment libres, si on ne peut pas partager, éprouver un sentiment dempatie envers lautre, sétreindre" (2000, 353).
Globalisation, richesse, développement, progrès, croissance: ces mots circulent frénétiquement: le système social mondial est désormais prisonnier du système économique-financier. Les flux incéssants de monnaie électronique font des victimes innocentes dans le monde, aussi dans les nations mêmes au sommet du développement économique et financier. François Terris, fondateur du premier SEL en France, a synthétisé: "La richesse des trois-cent-cinquante habitants les plus riches de la terre est égale à la richesse (ou la misère?) des deux milliards trois cent millions des habitants les plus pauvres. Ainsi, ce système monétaire archaïque et périmé continue à régner en faisant des ravages dans lhumanité et nos télescopes sont tellement puissants que nous ne pourrons plus voir ce qui se passe ici, chez nous!" (www.selidaire.org).
Donc, "comment pouvons-nous rester insensibles en face de linsuccès des actions politiques dintégration sociale basées sur la croissance économique et sur la re-distribution sociale, exactement quand les distances sociales entre les riches et les pauvres augmentent autant à léchelle mondiale quau coeur de plusieurs societés nationales?" (Touraine, 1998, p. 54).
Le "processus doccidentalisation" (Latouche, 1992) semble désormais incessant. On veut exporter partout le modèle de la société européenne et occidentale, exagéré par lextrémisme de la production et de la consommation américaine et japonaise. Ce modèle, de façon différente, entraîne souvent le paternalisme et la pathétique attitude dassistance, qui au fond laisse inaltéré, pour un rapport dans sa structure asymétrique, le déséquilibre entre les riches et les pauvres. La réflexion suivante de Giovanni Sarpellon à propos de laction volontaire "du jour aprés" est emblématique. Il dit: "Même si je sais de ne pas me rendre sympathique, je pense à certaines formes de volontariat qui, même si elles sont méritoires pour ce quelles font, apparaîssent comme des parenthèses fermées dans une vie complètement différente: des moments daltruisme qui laissent intacts les mécanismes qui causent la souffrance quon cherche ensuite de soigner. Peut-être dans plusieurs cas, on ne peut pas faire autrement et, plutôt que rien... Mais au moins rendons nous en compte" (2001).
La solidarité nest pas lassistance, mais "elle est tout le contraire de lassistance" (Touraine, 1998, p. 154). La vraie solidarité repose sur la réciprocité. La symétrie et la reconnaissance requalifient lexistence humaine. En effet, dans le donner et dans le recevoir dun système déchange local il ny a pas dattente de gain ou de salut de lâme, mais une différente "dimension stratégique" de lexistence (Zamagni, 1997; Fukuyama, 1999).
Le scénario de crise du projet de la modernité est désormais évident. Nous naviguons en mer haute, nous sommes en dérive. Les systèmes sociaux, institutionels, politiques et culturels ne savent plus nous donner de réponses concrètes aux problèmes et aux risques de lenvironment et de la société.
La compléxité structurelle est évidente. Le risque est la seule certitude. Il est difficile de " trouver une route " et, malheuresement, il est compliqué de décider " de virer cap pour cap ". "Souvent - observe Ulrich Beck - les apparences du bien-être, de la consommation, de la magnificence nous empêche de voir à quel point labîme est proche" (Beck, 2000, p. 6).
Il ny a plus de géants desquels sinspirer: nous ne pouvons plus monter sur leurs épaules, nous, des petits nains post-modernes, pour regarder plus loin. "Lunique issue pour le naufragé est de se contruire un radeau pour survivre" (Touraine, 1998, 58). Et souvent le LETS a représenté pour beaucoup de gens la chaloupe de sauvetage du Titanic!
La société montre les risques, les dangers, les illusions, le bien-être, lexclusion, la pauvreté. Les individus cherchent une dimension plus humaine et solidaire de la sociéte: toutes "les conséquences - les chances comme les charges - se transfèrent sur les individus" (Beck, 2000, p. 9) .
Les systèmes sociaux ainsi tendent à imploser: le lien avec les institutions sociales se casse. Émergent la division sociale, linsuffisante participation au vote et à la vie publique, les nouvelles formes dexclusion et de pauvreté, lindividualisme exaspéré, lisolement, la crise des familles, la rupture entre les générations.
Il sagit de "pathologies sociales", que souvent il est difficile de comprendre dans leur spéficique essence et dérivation. Gestes irresponsables et contradictoires (omicide des parents, suicides, vandalisme, violence de genre et de race, exploitation etc.) paraissent dans le scénario social: il sont des signaux connus de la turbulence derivant dun insuffisant re-lien des individus et de labsence de solidarité en général (Habermas, 1987).
La richesse économique des classes moyennes et aisées permet une consommation effrénée et devient opulence, gaspillage et rituel. On pousse avec la publicité les individus à limitation pour augmenter la consommation: mais la croissance infinie, ce type de croissance, ne peut représenter un remède.
Si la théorie utilitariste a contaminé et conditionné en général les sciences sociales, léconomie, en particulier, souvent qualifiée comme une science sociale "dure" et, quelquefois, " triste " - (avez-vous remarqué la dureté-tristesse du visage des économistes?) - sest engagée dans un parcours duniformité unilaterale, en ignorant lessence de lóikos et en imposant exclusivement les paradigmes de lutilitarisme, du développement et de la production infinie de richesse, en cultivant la rationalité instrumentale, organisée par le Lógos epistemonikós, qui a chassé dans les derniers siècles la Phrónesis (prudence), "tous le deux fils de Minerve" (Latouche, 2000), en imposant les principes d"Efficacité, Calcul, Prévision, Contrôle", en nous serrant dans la cage dacier pensée par Max Weber et dans la "mcdonaldisation [qui] envahit chaque coin de la société" (Ritzer, 1997, p. 65).
Lexaspération rationaliste a désenchanté le monde, en le rendant irrationnel et inhumain: linhumanité est, il est inutile de le dire, une irrationalité fondamentale de la rationalité" (Id., p. 275).
Tout le monde est impliqué, personne ne peut se soustraire: la nouvelle religion est celle de la consommation, avec ses cathédrales (les centres commerciaux, Disneyland, fast food, casino pour le jeu de hasard etc.), les pélerinages de masse et les rites du wee-kend (Ritzer, 2000) (les parties de football, les mega-concerts, les nuits en discothèques luisantes ecc.), par conséquence, des embouteillages, des queues de voitures, des accidents de la route...
Que faire pour recharmer le monde?
Nous avons besoin de lillusion et de la chance pour pouvoir vivre dans un système social différent, simple et tranquille. Ce ne sera pas facile. "Certainement - observe Latouche - on ne refait pas le monde du jour au lendemain... [Mais] cest le temps désormais de commencer à décoloniser notre imaginaire" (2000, p. 137).
Et ainsi le don devient politique, réussit à "construire société" (Caillé, 1993, 1998), dit Alain Caillé. "Le don est la façon par excellence pour constituer des relations sociales" (Caillé, 2000), même sil ne sagit pas du don gratuit et unidirectionnel (la charité, la bienveillence, la philanthropie), mais de don libre, celui des nouveaux styles de vie, comme les systèmes déchange local non monétaire, la finance éthique, le commerce équitable-solidaire, le tourisme responsable, lachat critique ecc.
On donne dignité à tout le monde en échangeant dégal à légal, en achetant un produit à un prix équitable et compensatoire, en assumant une attitude critique dans les consommations, en montrant responsabilité dans lécoulement des ordures, en respectant les cultures, les lieux et lenvironment.
Dans ces nouveaux systèmes de vie on réalise la complexe dimension de lin-timité, cest à dire la juste reconnaissance (timós) (Platone, La Repuplica; Aristotele, Etica Nicomachea. Cfr. Fukuyama, 1996) de lautre. Le don est toujours spontané; mais, en même temps, il est une obligation, comme dit Godbout, une "tension fondatrice du lien social, en face duquel le sociologue devra toujours rester modeste, reconnaître ses limites, et être prêt à faire place, ou à céder la place aux autres disciplines des sciences humaines, aux philosophes et aux poètes" (1998, p. 84).
Et surtout les économistes auront peu à dire! Ils ne savent pas expliquer et justifier le don.
Avec le paradigme du don la société peut encore être "capable dintervenir sur soi-même et avec ses idées, ses conflits et ses espoirs", pour povoir vivre encore ensemble, "libres, égaux et differents" (Touraine, 1998, p. 9).
Cela est-il possible? Je crois que oui! Et on peut le faire en conjugant la grande variété dinnovations qui fondent ces nouveaux styles de vie. Tonino Perna dit: "À travers de mille formes et contradictions, les nouveaux mouvements qui ont promu le fair trade, la finance éthique, la coopération populaire, léchange non monétaire, un réseau de relations basées sur le principe de réciprocité, sont en train de contribuer à créer un réseau déconomie autre, qui pourra exercer un rôle fondamental dans les années prochaines" (1998, p. 152).
Il est important de ne pas perdre de vue la dimension locale, parce que dans la communauté les innovations ont plus de chance. Mais, en même temps, il faut promouvoir des systèmes de connexion, de connaissance et déchange en général. Aujourdhui les Technologies de lInformation et de la Communication (TIC) offrent de nouvelles possibilités (1996).
Beaucoup de nos systèmes déchanges nexisteraient pas sans le reseau dInternet. Mais il est dans la dimension locale que laction de solidarité sociale et économique dun système déchange non monétaire se concrétise théoriquement et pratiquement.
Une communauté peut survivre si ses habitants réussissent à dédier une part de leurs actions, de leurs énergies, de leur temps à leur pays, amis, parents, voisins. "La vraie richesse dune pays ce sont les heures que chacun va donner à sa communauté!" (1998) dit François Terris à Martano.
À Martano, ma ville, à lextrème sud-est de lItalie dans la région du Salento, le système déchange local dénommé ASSEM (Association pour le Développement Social et Économique de Martano), est née au mois doctobre du 1996 par linitiative dun groupe damis, de parents, de voisins. Très semblabe à un LETS au début, il sest transformé plus tard, au printemps du 1997, en un système de réciprocité indirecte, plus précisement en une banque du temps un peu particulière, autonome et autogérée, différente des autres banques du temps nées à la même époque en Italie, mais presque toutes financées par les municipalités. Lunité de change a été dénommée mistòs, mot dérivé dune ancienne langue locale dorigine grecque. La signification de "mistòs" est "soldo" (sou), mais aussi "récompense" (Benveniste, 1976). Au début un mistòs était égal à une lire italienne, par la suite le mistòs a été comparé au temps, cest à dire que dix mistòs équivalent à une heure. En outre, à cette base objective il était possible dajouter une valeur ultérieure subjective volontaire, pour le gré de reconnaissance éprouvé par le récepteur de la prestation. Pour lenregistrement des échanges on dressait une attestation de don à trois talons. Les adhérentes netaient pas considérés des clients de la banque, mais des utilisateurs du système. Ils connaissaient chaque information qui y circulait. Il était prévu dautre part la constitution dun "fonds de participation au développement des communautés locales" (Statuto dellASSEM, in Coluccia, 2002), toujours en unité de compte de mistòs, pour la dévolution à la colléctivité. Linitiative a rencontré beaucoup de difficultés de compréhension auprès des institutions locales (municipalité, associations, église cattolique, groupes politiques etc.) et auprès de la population elle même. Actuellement, après beaucoup de contrastes, le système est suspendu. Il est à la dérive! Il y a quelques uns qui continuent encore à échanger, à un niveau informel, sans comptabiliser, grâce à la relation sociale consolidée pendant lexpérience. Pour ceux qui veulent approfondir les contenus théoriques et pratiques de cette expérience déchange locale, ils peuvent visiter mon site Internet à la page
http://digilander.iol.it/paolocoluccia.Il est important de souligner la signification étymologique du mot "communauté": il dérive du latin et signifie simplement "cum munus" (avec don), cest à dire lego qui entre en communication avec lalter crée le lien et la relation sociale et fonde le nous! En renversant le mot "communication" on obtient en effet la locution "action-commune". "Nous appelons communication - observent Humberto Maturana et Francisco Varela - la mutuelle induction de comportements cordonnés qui se vérifient entre les membres dune unité sociale" (1999, p. 167). En effet: "Sans amour, sans acceptation de lautre de la part de chacun, il ny a pas de socialisation, et sans socialisation il ny a pas dhumanité" (Id., p. 204). Et pour notre paix et serenité "nous avons à disposition seulement le monde que nous créons avec les autres, et seulement lamour nous permet de créer un monde en commun avec les autres" (Id., p. 205).
Dans le système social existent et peuvent coexister differents sous-systèmes (Luhmann, 1989, 1990) (politique, économique, juridique, religeux etc.), mais ne peut pas manquer la réciprocité, la culture de la relation et la pratique du don. Les systèmes déchange local non monétaire, les banques du temps, peuvent exercer un rôle crucial pour assurer une re-couture de la société. Ils sont un parcours obligé pour la médiation et la communication sociale. "Les banques du temps, le Tauschring et tous les systèmes déchange local non monétaire [...] sont des utopies réalisées qui nous montrent une idée du futur encore en gestation. Ils nous obligent à penser, à créer notre manière dimaginer, de nous faire une idée de la société, pas seulement pour les petits objectifs de la société (cest à dire du vivre ensemble, de léchange local dans la diversité), mais de la société entière" (Servet, 1998).
Ces systèmes, orientés à la solidarité et à la réciprocité, comblent les différences de niveau et les asymétries sociales. Le Prix Nobel 2001 pour lÉconomie a été donné à trois économistes (George A. Akerlod, Michel A. Spence, Joseph E. Stiglitz) qui ont conduit quelques recherches empiriques sur linformation asymétrique de léconomie du marché, cest à dire les possibilités de duperie économique causées par connaissance non exacte de ce quon achète, comme par exemple quand on achète une voiture doccasion, les défauts, sous la capot et du châssis, sont connus seulement par le vendeur. "De cette asymétrie dinformation descendent quelques distorsions du marché", mais surtout "liniquité des issues (lenrichissement illégitime de linsider)" (Il Sole24Ore, 11-10-2001).
Je ne crois pas que les éxperiences déchange local pourront recevoir un Prix Nobel pour leffort dinformation symétrique quelles cherchent dinstaurer entre les membres de leurs systèmes. Mais la réciprocité est fondée sur la symétrie, sur léchange dégal à égal de services, de loyauté et dinformation.
"Tous connaissent tout de tous: offre, demande, besoin; échange, comptes, monnaie; créativité, illusions et rêves". Chaque information est à disposition du groupe. "Même si dans les références pratiques ce qui se matérialise est léchange de petits biens, de modiques préstations, services et savoirs, lésprit de fond possède une forte matrice anti-utilitariste et encourage une concrète symétrie sociale" (Coluccia, 2001, p. 104).
Unique défaut, pour ainsi dire: pas dargent dans léchange! Et alors... Adieu Prix Nobel pour lÉconomie!
Ce Colloque International, où nous sommes engagés à défaire le développement et à refaire le monde, pour se-réapproprier largent, mais ainsi pour aller au-delà de largent, me donne loccasion de me souvenir, en un moment de transfiguration réflexive, des mots de Roland Barthes:
"Je voudrais donc que le mot et lécoute qui se noueront ici soient semblables à un va-et-vient dun petit enfant qui joue autour de sa maman, qui sy éloigne, et ensuite à elle revient, pour lui offrir un caillou, un fil de laine, en dessinant ainsi, autour de ce centre de paix, tout un halo de jeu, dans lequel le caillou, le fil de laine comptent moins que le don plein de transport qui est fait" (Discours tenu en 1977 à loccasion de sa nomination au Collège de France).
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Bibliographie
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Fiche de présentation de l'auteur:
Biographie:
Paolo COLUCCIA (e-mail: paconet@libero.it), docteur en Pédagogie et chercheur social indépendant est né en 1953 et il vit à Martano (LE), un pays du Salento, extrême péninsule au sud-est de lItalie. Sensible aux thèmes de lenviromment, de la culture, de la societé et de léconomie, à une formation philosophique et psycho-pédagogique il associe une bonne connaissance de la législation sociale et du travail. Employé dans le Secteur du Développement Économique/Service Politiques du Travail de lAdministration Publique, il est divulgateur, promoteur et animateur de " Banche del Tempo " et de "Systèmes déchange local non monetaire".
Son site Internet: http://digilander.libero.it/paolocoluccia
Bibliographie:
- La cultura della reciprocità. I sistemi di scambio locale non monetari, Arianna Editrice, Casalecchio (BO) 2002.
- La Banca del tempo. Unazione di solidarietà e di reciprocità, Bollati Boringhieri, Torino, 2001.
- Il dono del tempo perduto e ritrovato, in "Da QUI" Rivista di letteratura arte e società fra le regioni e le culture mediterranee, Edizioni Poiesis-Veltrend, n. 6, gennaio 2001.
- La banca del tempo: un progetto per la comunità, Edizioni-Lilliput, Martano 2001.
- Le Sistème de Réciprocité Indirecte de Martano (LE), in "S!lence" Revue de Ecologie, Alternatives, Non-violence, Lyon (F), nn. 246/247, luglio-agosto 1999.