Omar Wisyam

la fine dell’Internazionale Situazionista con le parole degli stessi situazionisti

 

“Nous sommes entrés en hibernation”. Riesel

“La crise qui s’est toujours approfondie dans l’I.S. au cours de la dernière année, et qui a des racines beaucoup plus anciennes, a fini par révéler en totalité ses éléments; de même que s’est sans cesse alourdi son résultat, en tant que progression foudroyante de l’inactivité dans la théorie et la pratique. Mais la manifestation la plus frappante dans cette crise (étalant à la fin ce qui était précisément son centre originel caché), ce fut l’indifférence de plusieurs camarades devant son développement concret, mois après mois. Nous savons très bien que personne n’a exprimé, à aucun degré, une telle indifférence. Et c’est justement là le centre du problème, car nous constatons que, sous la proclamation abstraite du contraire, ce qui a effectivement été vécu, c’est bien ce refus de prendre quelque responsabilité que ce soit dans la participation tant aux décisions qu’à l’application de notre activité réelle; même dans un moment où elle apparaissait si indiscutablement menacée.
Considérant à la fois que l’I.S. a mené, pour l’essentiel tout au moins, une action correcte et qui a eu une grande importance pour le mouvement révolutionnaire de la période qui s’est achevée en 1968 (avec cependant une part d’échec qu’il nous faudra expliquer); qu’elle peut avoir encore une notable utilité à cet égard dans la nouvelle période, en en comprenant avec lucidité les conditions, y compris ses propres conditions d’existence; et que l’indigne position où l’I.S. se trouve depuis tant de mois ne peut pas durer davantage - nous avons constitué une tendance.
Cette tendance veut rompre complètement avec l’idéologie de l’I.S., et son corollaire: la gloriole dérisoire qui couvre l’inactivité et l’incapacité, et qui les entretient. Elle veut une définition exacte de l’activité collective dans l’organisation I.S., et de sa démocratie effectivement possible. Elle en veut l’application effective.
Après tout ce que nous avons vu depuis des mois, nous rejetons par avance toute réponse abstraite, qui viserait encore à simuler l’euphorie confortable, en ne trouvant rien à critiquer ou autocritiquer de précis dans le fonctionnement - ou le non-fonctionnement - d’un groupe où tant de gens savent si bien ce qui leur a manqué. Après ce que nous avons tous vu depuis des mois, sur la question de notre activité commune, tien ne peut plus être accepté comme avant: l’optimisme de routine devient mensonge, la généralité abstraite inutilisable devient rase. Plusieurs des meilleurs situationnistes deviennent d’autres, qui ne disent pas ce qu’ils savent, et qui ne savent pas ce qu’ils disent. Nous voulons une critique radicale, c’est à dire ad hominem.
Sans vouloir préjuger de leurs éventuelles réponses plus approfondies et plus sérieuses, nous déclarons notre désaccord avec les camarades américains qui ont constitué une tendance dont les bases sont tout à fait futiles.
A l’heure présente, la futilité enfantine des pseudo-critiques est un bluff aussi inacceptable que la noble généralité du pseudo-contentement; tout ceci étant au même titre une fuite devant la critique réelle. D’autres camarades, pendant des mois, n’ont jamais entrepris de répondre de quelque manière que ce soit, aux questions évidemment brûlantes accumulées par les faits eux-mêmes et par les premières critiques écrites, de plus en plus précises, que nous avons formulées depuis des mois. Le terrain même du scandale et sa dénonciation ont grandi ensemble et tout silence est intimement complice de toutes les carences. Que l’on ne croit pas à notre naïveté, lançant ici quelque nouvelle exhortation pour secouer une fatalité incompréhensible et paralysante; exhortation qui rencontrerait, aussi vainement que les précédentes, la même absence! Nous ne nous dissimulons pas que certains n’ont pas voulu répondre.
Et bien! voilà un silence honteux qui va cesser immédiatement, parce que nous, maintenant, nous exigeons, au nom des droits et des devoirs que nous donnent le passé de l’I.S. et ce que nous sommes présentement, que chacun prenne ses responsabilités sur le champ.
Il est certainement inutile, en ce moment, de rappeler quelles sont les questions centrales sur lesquelles nous attendons des réponses. Ces questions sont dans la tête de tous; et même déjà posées par écrit.
Disons seulement qu’il va de soi que nous n’accepterons aucune réponse qui soit en contradiction avec l’existence réelle de celui qui la formule.
S’il existait chez certains des buts cachés différents des nôtres, nous voulons qu’ils apparaissent, et se traduisent, normalement, en actions distinctes sous des responsabilités distinctes. Et s’il existait quelque part une véritable absence de but, aussi étrange que nous paraisse chez n’importe qui l’intention de conserver le misérable statu quo ante, disons seulement que nous ne pouvons pas contribuer à couvrir une pseudo-unité enrichie de penseurs à la retraite ou de révolutionnaires en chômage.
Notre tendance adresse la présente déclaration à tous les membres actuels de l’I.S., sans formuler aucune exclusive préalable. Nous déclarons nettement que nous ne recherchons l’exclusion de personne (et que moins encore nous pourrions nous contenter de l’exclusion d’un quelconque bouc émissaire). Mais, comme nous tenons pour très peu probable qu’un accord authentique puisse se faire si tardivement avec tous, nous sommes prêts à toute scission dont la discussion imminente fixera les frontières. Et dans ce cas nous ferons tout, de notre côté, pour qu’une telle scission se produise dans les conditions les plus correctes, notamment dans le respect absolu de la vérité en toute polémique future, comme nous avons su, tous ensemble, maintenir cette vérité en toutes les circonstances où l’I.S. a jusqu’à présent agi.
Considérant que la crise a atteint un seuil de gravité extrême, et selon l’article 8 des statuts votés à Venise, nous nous réservons dès maintenant le droit de faire connaître nos positions en dehors de lI.S.”

Il testo riportato sopra costituisce la Déclaration dell’11 novembre 1970 di una “tendenza” costituitasi tra Debord, Riesel e Viénet (“Cette tendance veut rompre complètement avec l’idéologie de l’I.S., et son corollaire : la gloriole dérisoire qui couvre l’inactivité et l’incapacité, et qui les entretient. Elle veut une définition exacte de l’activité collective dans l’organisation I.S., et de sa démocratie effectivement possible. Elle en veut l’application effective”). Da questa dichiarazione ricavare una volontà di “effettiva” democratizzazione è cosa piuttosto singolare se non semplicemente derisoria, perché “effettivamente possibile” ed effettivamente applicabile in quel contesto poteva esserci solo lo scioglimento dell’organizzazione.

Si può facilmente cogliere il tono da regolamento dei conti in cui i tre personaggi si esprimono. Meno di un anno dopo (il 7 settembre 1971) Debord troncò i rapporti con Riesel. Il pretesto sarebbe stato ricercato in un pettegolezzo, in qualche parola di troppo della sua compagna: “Je viens d’apprendre - par Jean-Marc - que ta femme, dont tu ne peux certainement pas ignorer que je la tiens, sur le plan intellectuel, pour une misérable conne, et sur le plan esthétique, pour un veau, a prétendu que je lui aurais un jour demandé de coucher avec elle. Cette vantardise, comme on disait pour Claude Gallimard, est très au-dessus de ses moyens”.

La conclusione sarà dunque inevitabile e sanzionerà (come al solito) l’incapacità teorica, in questo caso di Riesel: “On ne peut s’étonner de constater, dans ce contexte, le prompt essoufflement (cf. ta très mince participation à la rédaction d’I.S. 13) de tes capacités théoriques, si ce dernier mot n’est pas trop fort, dans le seul domaine que tu avais naguère commencé à connaître: la politique révolutionnaire. Mille pro-situs aujourd’hui sont plus forts que toi, et parmi les situs récemment remis à leur place, plusieurs pouvaient paraître au-dehors en faisant moins rire tout le monde”.

Sembra una situazione da commedia degli equivoci, ma il tono è deciso e tagliente; da lettori si viene colti da uno spiacevole imbarazzo. La volontà di Debord comunque è inequivoca.

Il 28 luglio del 1969 Debord annunciava con una lettera alla sezione francese dell’I.S. (e per conoscenza “aux sections américaine, italienne, scandinave”) di non avere più intenzione di dirigere la rivista omonima. Questo credo che sia il momento nel quale Debord decise unilateralmente di chiudere l’organizzazione e di far sapere agli altri che intanto si era aperta ufficialmente la cosiddetta crisi (poi egli avrebbe gestito gli sviluppi della faccenda coerentemente alle premesse).

“Le vieux principe révolutionnaire de la rotation des tâches, après si longtemps, suffirait à justifier cette décision. Il a d’autant plus de poids en la circonstance que plusieurs textes de l’I.S. ont grandement mis l’accent sur la cohérence et les capacités suffisantes de tous ses membres. D’autre part, beaucoup de nos adversaires étant portés à me présenter sottement comme le chef de l’I.S., je crois que nous devons prendre garde, au point de vue des fabriquants extérieurs de vedettes, à me faire rentrer dans l’ombre autant que nous pourrons. Il serait encore pire, d’un point de vue interne, qu’une confiance accordée automatiquement par l’I.S. finisse par accréditer l’illusion que je pourrais avoir, en quoi que ce soit, un rôle irremplaçable. Ces raisons sont si convainquantes qu’il est inutile d’évoquer quelques motifs personnels, que j’ai en surplus”.

Quelle parole erano intessute di ironia gelida, e in mezzo a tanta malizia l’accenno al “vecchio principio rivoluzionario della rotazione dei compiti” risulta del tutto fuori posto, se non assurdo, poiché Debord non aveva fatto altro, dall’inizio degli anni Cinquanta fino a quel momento, che dirigere riviste. Si trattava con tutta evidenza di un pretesto, ma egli fece in modo di farlo prendere sul serio.

Nelle Notes pour servir à l’histoire de lI.S. de 1969 à 1971 Debord ricorderà i membri del comitato di redazione e il loro prevedibile fallimento (ed infatti previsto da Debord): “le comité de rédaction français, composé de Beaulieu, Riesel, Sébastiani et Viénet, ne réussit pas, pendant plus d’une année, à produire même quinze lignes utilisables. Non que leurs écrits fussent jamais repoussés par d’autres; tout simplement, ils ne pouvaient rien écrire qui les satisfasse eux-mêmes. Et sur ce point il faut reconnaître qu’ils se montraient lucides”.

Alla lettera di Debord del 28 luglio, Riesel rispondeva il 26 agosto con la seguente ammissione: “La meilleure part de nos activités dans les derniers mois correspond à l’extension de l’I.S. et au fait que l’Internationale soit maintenant une réalité; en particulier, la fertile activité de la section italienne et les rapports étroits qu’elle entretient avec la section française au moins. Mais c’est pendant le même temps - sans parler seulement de l’état ridicule de nos liaisons avec la section américaine - que nous sommes entrés en hibernation: absence de tout débat théorique, réunions de routine sous-amicales; nous en sortons à peine”.

Dopo aver riconosciuto una situazione del genere proponeva per uscire dal congelamento delle misure sconsideratamente “formali” che non potranno che restare lettera morta:

“Je propose donc quelques mesures formelles qui correspondent à l’état actuel des discussions et qui devront être transformées en rapport de décisions plus générales que nous aurons à prendre. Leur avantage sera essentiellement de vérifier les capacités de tous, et de les utiliser toutes.

1.  Périodicité semestrielle (au moins trois numéros tous les deux ans). Au lieu que, comme cela s’est passé jusqu’ici, chaque numéro couvre une tranche d’événements de grande importance, il faudrait perdre un peu de l’éloignement historique pour arriver à des analyses immédiates de faits exemplaires.

2.  Le directeur devra être pris parmi les camarades qui pourront l’être également.

3.  Il fera partie du comité de rédaction réduit de deux à quatre membres qui aura le travail réel de direction de la revue et devrait changer à échéances de deux ou trois numéros par exemple.

4.  Je pense que chaque numéro (d’une soixantaine de pages) devra contenir le maximum d’articles non signés dans le style des actuelles grandes notules et effectivement écrits par une commission de plusieurs camarades désignés à cet effet.

5.  Les articles signés devraient être l’expression des tendances dont nous avons admis la possibilité, s’il s’en trouve, ou d’hypothèses à discuter.

6.  Textes théoriques sous forme de brochures entre chaque numéro de revue (qui pourraient être prolongés dans la revue par les articles signés).


Pour juger de l’efficacité de ces mesures, qui sont formelles, comme de notre efficacité, il est vrai que nous sommes notre seul tribunal, mais il est non moins vrai que nous sommes les plus impitoyables des juges”.

Ecco i giudici impietosi all’opera. Il 3 ottobre viene cacciato dall’I.S. Alain Chevalier con questa motivazione: “Alain a d’abord organisé, ensuite couvert, et finalement essayé de justifier, les mauvais procédés de sa compagne envers une de nos amies qui, comme vous savez, devait se rendre à Belgrade. Cet épisode, déjà scandaleux, servait en plus de prétexte à un usage touristique dissimulé d’une somme, d’ailleurs dérisoire, prise à l’I.S. Il va sans dire que nous n’avons pas voulu sanctionner l’aspect financier de cette affaire, mais seulement signifier que nous avions perdu toute confiance en Alain. Vu la nature de l’autre aspect ici évoqué, nous n’entrons pas par écrit dans des détails que vous imaginez sans doute, et connaîtrez de vive voix”.

Nelle Notes pour servir à l’histoire de l’I.S. de 1969 à 1971 (che costituiscono il primo annesso al libro La Véritable Scission dans l’Internationale) Debord ripercorrerà la questione delle espulsioni del 1970 (dunque non solo quella di Chevalier): “Certaines insuffisances et erreurs dans ce débat ou dans la conduite pratique entraînèrent, avant la rupture plus générale que nous avons entamée en novembre 1970, le retranchement d’un certain nombre de membres de l’I.S. Successivement et sur cinq affaires distinctes, Chevalier, Chasse et Elwell, Pavan, Rothe, Salvadori furent exclus pour avoir gravement manqué aux règles organisationnelles de l’I.S. Beaulieu et Cheval durent démissionner, mais pour des motifs bien opposés: Beaulieu parce qu’on lui reprochait sa bêtise et son manque de dignité, Cheval parce qu’il avait, après une beuverie plus mal supportée que les autres, tenté de défenestrer Sébastiani, qu’il n’avait pas reconnu, et qui enfin fut obligé de se défendre (on concevra que l’I.S., justement parce qu’elle met en jeu une certaine violence, ne puisse accepter que celle-ci s’exerce, à quelque occasion que ce soit, entre ceux qui en font partie). On doit souligner en conclusion que Patrick Cheval, Eduardo Rothe et Paolo Salvadori, en dépit des regrettables incidents qui nous ont contraints de nous séparer d’eux, sont des camarades estimables qui sans doute pourront apporter quelque notable contribution à des moments ultérieurs du processus révolutionnaire de ce temps. Les autres, non”.

Pochi giorni dopo, il 15 ottobre, viene stilata dalla sezione francese dell’Internazionale Situazionista una nota in cui si può leggere che “dans les autres sections, non seulement il y a plus d’égalité dans la participation aux débats et à l’écriture, mais surtout on y constate plus d’intérêt réel pour notre théorie et son emploi: il y a plus d’activité personnelle, plus de lectures, plus d’idées. Les Français ont paru se reposer sur leurs vieux lauriers historiques, non seulement de 1968, mais quasiment de 1957. Presque personne n’avait continué à s’instruire sur quoi que ce soit. Pas une idée nouvelle n’a été formulée dans les réunions de cette période (alors que l’époque change). Là est la racine de l’inertie qu’il nous faut supprimer, par autant d’exclusions qu’il sera nécessaire. Il est sûr que trois situs dont les rapports seraient bons constitueraient une bien meilleure et efficace section que sept ou huit s’ennuyant en commun”.

Nella nota si invitano tutti a relazionare sulla situazione generale in seguito alla Conferenza di Venezia del settembre 1969: “Pour commencer sur cette base, il paraît utile que chacun écrive tout de suite quelques notes précises (de dix à quarante lignes) sur les conclusions qu’il tire de la Conférence de Venise: sa signification générale, ce à quoi elle nous engage, et les points principaux souhaités pour notre activité prochaine. Outre ce minimum initial, il va de soi qu’on ne soulèvera jamais trop de questions théoriques et pratiques (si possible par écrit, mais sans faire des phrases)”.

Nelle Notes pour servir à l’histoire de l’I.S. de 1969 à 1971 Debord esprime il suo giudizio a posteriori (postumo, forse è meglio dire) sulla Conferenza di Venezia: “La VIIIe Conférence de l’I.S. se tint à Venise du 25 septembre au 1er octobre 1969, dans un bâtiment très bien choisi du quartier populaire de la Giudecca. Elle fut constamment environnée et surveillée par un grand nombre de mouchards, italiens ou délégués par d’autres polices. Une part de cette Conférence sut formuler de bonnes analyses sur la politique révolutionnaire en Europe et en Amérique; et notamment prévoir le développement de la crise sociale italienne dans les prochains mois, ainsi que les interventions que nous aurions à y faire. Mais, si un tel débat montrait certainement à l’œuvre le groupement politique le plus extrémiste, et le mieux informé, existant alors dans le monde, les meilleurs aspects de ce que signifiait aussi l’I.S. en tant que théorie fondamentale, critique et création dans l’ensemble de la vie, ou simplement capacité de dialogue réel entre individus autonomes - association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous -, s’y montrait complètement absent. L’esprit pro-situ se manifesta à Venise d’une manière grandiose. Tandis que systématiquement quelques camarades imitaient de Vaneigem le silence prudent, la moitié des participants usèrent les trois quarts du temps à redire avec la plus grande fermeté les mêmes vagues généralités que venaient d’affirmer chaque précédent orateur; et le tout était traduit à mesure en anglais, en allemand, en italien et en français. Chacun de ces éloquents camarades n’avait évidemment que le but de souligner qu’il était tout autant situationniste qu’un autre; en quelque sorte donc de justifier sa présence dans cette Conférence, comme s’il avait pu s’y trouver par hasard, mais aussi bien comme si une ultérieure justification plus historique n’était pas abandonnée dans la seule poursuite de cette reconnaissance formelle qui eût dû être considérée comme déjà assurée. Bref, les situationnistes étaient là dix-huit, qui avaient de l’esprit comme quatre”.

In una nota, del 17 marzo 1970, per una riunione congiunta delle sezioni francese ed italiana, Debord scrive che “on a dû souvent chasser de l’I.S. ceux qui s’y trouvaient défectueux. Mais ce critère est trop exclusivement défensif. Pour qu’il y ait une égalité réelle, il ne suffit pas que les situationnistes évitent les défauts patents. Il faut que chacun soit, de quelque manière, admirable pour tous les autres”.

Si incoraggia l’adozione di un criterio più offensivo (e sarà applicato, anzi lo applicherà).

Vi è un problema economico da denunciare: “tout recul devant les questions concrètes (et au premier plan devant la question triviale de notre financement) doit être immédiatement dénoncé, et éliminé”. Poi la questione della pigrizia nel lavoro teorico: “Tous les camarades doivent reprendre (ou commencer) un travail théorique rigoureux”.

Si dovranno esaminare in particolare due problematiche:

·         “dans la formation de l’organisation révolutionnaire consciente, l’extrême débilité des groupes constitués en France après l’admirable leçon de mai.

·         dans le processus d’une lutte purement spontanée qui portait le prolétariat à mettre objectivement en question le pouvoir de classe en Italie, l’extrême facilité de la réussite d’une provocation intelligente (la bombe de décembre); échantillon relativement minime d’une pratique à laquelle tout État moderne n’hésitera jamais à recourir devant toute menace aussi vitale”.

A proposito di questo accenno all’Italia, va ricordato che una settimana dopo la bomba di Piazza Fontana era stato diffuso un volantino a firma de “Gli amici dell’Internazionale” dal titolo Il Reichstag brucia? in cui si poteva leggere che “l’atto con cui oggi la borghesia tenta di scongiurare la guerra civile è in realtà il suo primo atto di guerra civile contro il proletariato”.

Tornando alla nota di Debord si trova infine un accenno sbrigativo e borioso agli sviluppi futuri del Consigli che non si comprende perché mai essi dovrebbero divenire situazionisti (ipotesi piuttosto singolare e sorprendente considerata l’unanime denuncia di vistose debolezze e di stallo prolungato evidenziati dal modello organizzativo situazionista in Francia): “malgré leur très grand intérêt historique et programmatique, les Conseils ouvriers du passé sont évidemment des expériences insuffisantes, et les organisations conseillistes réelles à venir sont encore assez loin d’exister. Une vague mode conseilliste se développe, jusque chez les crétins. Nous n’avons d’aucune façon à nous y ranger; mais à la déranger dès à présent. Au sens du contenu total que les Conseils doivent atteindre, au sens de ce que l’I.S. peut et doit faire pour que ce pouvoir existe en réalité, je résumerai ma thèse par une phrase: ce ne sont pas tant les situationnistes qui sont conseillistes, ce sont les Conseils qui auront à être situationnistes”.

Il 15 ottobre del 1969 era uscita una nota sul funzionamento della sezione francese (da quel momento in avanti). In essa era denunciata l’inerzia francese: “dans les autres sections, non seulement il y a plus d’égalité dans la participation aux débats et à l’écriture, mais surtout on y constate plus d’intérêt réel pour notre théorie et son emploi: il y a plus d’activités personnelles, plus de lectures, plus d’idées. Les Français ont paru se reposer sur leurs vieux lauriers historiques, non seulement de 1968, mais quasiment de 1957. Presque personne n’avait continué à s’instruire sur quoi que ce soit. Pas une idée nouvelle n’a été formulée dans les réunions de cette période (alors que l’époque change). Là est la racine de l’inertie qu’il nous faut supprimer, par autant d’exclusions qu’il sera nécessaire. Il est sûr que 3 situs dont les rapports seraient bons constitueraient une bien meilleure et efficace section que 7 ou 8 s’ennuyant en commun”.

Anche in questa nota si affaccia l’ipotesi di cacciare diverse persone dall’I.S. Si cerca di formalizzare l’ipotesi: “au cas où quelqu’un serait en retard ou absent pour l’exécution de ses engagements, et si la majorité de la section ne veut pas admettre qu’il se trouve excusé par des circonstances précises, on devra prendre acte formellement du fait. S’il se renouvelle, l’exclusion est automatique”.

In vista della riunione del marzo 1970 o a seguito di essa ci sono documenti scritti di altri situazionisti: Vaneigem, Riesel, de Beaulieu, Sebastiani e Verlaan. Per la riunione del 28 aprile uno di Sebastiani e uno di Viénet oltre a una nota di Debord a commento degli interventi e dei dibattiti precedenti.

In un passo piuttosto significativo di una nota redatta tra marzo e aprile del 1970 da Riesel si legge una diagnosi della situazione dell’I.S.: “Dans le sens où aucune hypothèse théorique avancée nouvelle n’a été émise parmi nous depuis le mouvement des occupations, il ne faut plus dissimuler que la définition de l’I.S. en tant que groupe international de théoriciens est, elle aussi, remise en cause, alors même que nous n’avons pas défini le nouveau terrain de notre intervention, le dépassement possible du groupe de théoriciens. Mais, d’autre part, je crois qu’il faut voir combien la diffusion et la communication de la théorie déjà élaborée ont été mal faites en ce qui nous concerne directement, faute de moyens surtout (en France, faible diffusion du livre de Viénet; aux USA diffusion presque nulle de S.I.; en Scandinavie, il faut garder en tête les chiffres dérisoires que Martin a révélés à Wolsfeld, même en considérant le nombre important de textes publié par l’officine de traduction de l’ex-groupe Libertad; l’Italie est sans doute le pays où nous avons pu faire le plus de choses - sans que ce soit le moins du monde suffisant - mais il s’agit maintenant de reprendre le temps que la crise nous y a fait perdre)”.

E a riguardo dell’ultima riunione avvenuta ecco una considerazione preoccupata di Riesel: “Notre dernière rencontre était prévue pour discuter des problèmes dont certains sont abordés ici. Le fait que trois camarades seulement sur six aient alors apporté des notes doit être pris comme dernier symptôme du mauvais climat actuel. Il est certes rassurant que les textes présentés se soient recoupés pour l’essentiel, mais il est alarmant que tous les camarades n’aient pas apporté de notes. On pourrait se demander si, tout en reconnaissant les problèmes définis, ils les sentaient eux aussi présents; et quelle est la profondeur du très normal accord qu’ils peuvent avoir avec les analyses émises”.

Nelle righe scritte da de Beaulieu nell’aprile del 1970 si può trovare un riferimento al preannunciato scandalo da realizzare nelle fabbriche in queste parole: “Un coup de Strasbourg des usines est à préparer dès maintenant pour ce qu’il pourra demander de connaissances que nous ne nous sommes peu préoccupés d’acquérir depuis deux ans. La critique théorique de l’économie spectaculaire-marchande est certainement beaucoup moins ennuyeuse qu’un pudique silence ne le laisse penser”.

Sia Riesel che de Beaulieu accennano agli americani; il primo in questo passaggio: “si les idées développées dans la revue de la section américaine sont assez bonnes, leur style d’exposé n’est presque pas situationniste; en dépit de quelques jokes ou pointes de raillerie ou de sarcasme, il reste assez peu dégagé de la marxologie américaine à la Contemporary Issues”. Il secondo in quest’altro: “Un peu plus de vigilance aurait pu assainir ce qui rampait en Italie ou en Amérique (c’est peut-être ce qui a fait de Verlaan un prophète sans le vouloir et ce qui a permis à quelques-uns de maintenir impunément leur présence dans l’I.S. plutôt que le projet commun)”.

Sebastiani firma una nota per la riunione del 13 aprile che comincia così: “Sans vouloir revenir sur ce qui a déjà été dit au cours des deux dernières réunions à propos des quatre mois d’inactivité théorique de l’I.S., je voudrais néanmoins préciser ceci: ce que nous n’étions pas c’est, comme l’a justement noté Riesel, un groupe international de théoriciens, mais plutôt des théoriciens sans théorie (au sens créativité théorique). Ce que nous avons été obligés de faire, il était absolument nécessaire que nous le fassions; c’est en ce sens que c’était encore une activité situationniste - la plus lamentable, mais, à ce moment, l’indispensable pour sauver l’I.S. des Bob Chasse et des Claudio Pavan. Il est triste mais vrai qu’il nous faut dire: l’I.S. ça a aussi été ça. Et c’est bien parce que nous avons été capables une fois de plus, de faire apparaître la vérité parmi nous, que nous devons être capables d’accomplir ce que nous avons décidé - et allons décider”.

Verlaan partecipa al dibattito con alcune osservazioni da cui si riporta questo passaggio:

“Les gens qui nous en accusent sont le plus souvent des étudiants ou des intellectuels ayant la conscience (souvent à tort) d’être eux-mêmes des déclassés. Ils savent et nous le savons avec plus de raison que nous partageons l’appartenance à cette catégorie sociologique.

En plus nous savons, ce qu’ils ignorent, d’être déclassés de leur fonction sociale d’étudiants et d’intellectuels.

Le premier piège, du fond duquel ces sirènes nous chantent quand nous nous embarquons avec les conseils ouvriers, c’est l’argument d’avoir parié sur la classe qui n’est pas la nôtre; une classe de laquelle leur catégorie sociale, érigée en classe en soi, prendra la relève révolutionnaire étant historiquement une classe pour soi. En somme nous nous sommes trahis, pire, nous les avons trahis! Leurs fausses chansons qui ne charmeraient aucun révolutionnaire dialecticien, crèvent, amplifiées par le pouvoir, les oreilles dans bien des payes, en général les plus développés. Dans ces pays, il s’agit même pour pouvoir entamer notre projet de les faire sauter, comme si on n’avait pas de poudre à perdre. C’est là où la critique de leurs idéologies les plus modernes (l’Écologie et la Technologie, libératrice en soi) s’impose.

Une autre implication serait que les travailleurs ne sont pas en ne sauront pas être assez radicaux pour être révolutionnaires. Il nous faut affirmer qu’ils pourront l’être et qu’ils seront les seuls à l’être effectivement. C’est là justement où nous nous embarquons avec eux dans notre spécificité critique de ne pas être des travailleurs à cause de notre refus de l’être. C’est à cause de notre vacance de leur esclavage, matériellement et idéologiquement dans le travail, que nous avons socialement l’occasion, aussi par notre côté intellectuel c’est-à-dire d’être habitués à manœuvrer des concepts-outils, de vois plus clairement les mécanismes de tout l’esclavage.

Où nous avons besoin de faire de la théorie pour nous comprendre, le mouvement révolutionnaire sans son ensemble a besoin de nous pour se comprendre. Pour que notre théorie soit vraiment d’une classe, il faut que cette classe puisse se l’approprier en s’y reconnaissant”.

Nel testo di Verlaan, sotto forma di una nota a margine, si trovano degli accenni interessanti (più interessanti di quelli forniti nelle loro relazioni da altri, perlomeno):

“Les relents surgissent avec persistance dans des périodes de retard léthargique de conscience de classe par rapport à ses propres nécessités matérielles et l’abondance de leurs satisfactions possibles. Ainsi dans la période de 1928/1933, un certain Kooymans (le premier à être édité par Boucher) le maître à penser, par personne interposée, des provos, avançait: - théoriquement il était impossible que le prolétariat puisse survivre, même prendre le pouvoir, en tant que classe victorieuse (comme le disaient les marxistes de son époque), étant donné que l’existence du prolétariat en tant que classe tenait à celle des autres classes. La bourgeoisie émergée sur les épaules du prolétariat devait crever ensemble avec lui mais à qui à prendre le pouvoir. Dès lors, une réjection catégorique du marxisme - pratiquement il voyait dans une période de surproduction et de chômage simultané aucun effort (même par sa conscience, au contraire) par le prolétariat dans la misère de s’approprier ses propres produits en abondance relative. Cependant les déclassés c’est-à-dire les artistes, les petits truands, les lumpen et quelques chômeurs entamaient des actions de protestation et de détournement de biens. De sorte qu’il en concluait que ces déclassés tant que la classe que comme porteur de conscience de l’humanité toute entière étaient les seuls à pouvoir faire la révolution. Cette position est reprise sous variantes par Contemporary Issues, Bookchin, Confrontations. L’apparence de raison était renforcée, où les idéologies qu’assuraient les travailleurs s’opposaient avec la même ténacité aux déclassés que l’idéologie des bourgeois, sur la base du travail selon les variantes travaillistes, stakhanovistes, racistes etc. Cette théorie reprise sous différentes variantes joue à plein maintenant dans le colmatage du pouvoir dans les pays comme la Hollande et les U.S.A. vers l’illusion d’une humanité toute réunie. Donc la lutte des classes dépassée. Il s’agit d’une part de l’idéologie de la technologie libératrice (para-stalinienne) qui selon les adeptes variés, trancherait dans la lutte des classes sans issue parce que l’usage même de la croissante technologie serait par sa quantité même inévitablement juste. D’autre part l’écologie, comptant sur la pollution, et l’épuisement de l’environnement pour acculer l’humanité toute entière devant le choix d’utiliser d’autres techniques de production (et assurant que ça amènera un changement du mode de production et donc d’organisation sociale) ou de périr tous ensemble, propose toute une série de modèles d’organisation sociale (communes, villes désaliénées) qui se tiennent à une bonne application de la technologie et de la science. Il faut les attendre au tournant, par une critique de la technologie et de la science”.

Un’altra annotazione a margine di Verlaan offre degli argomenti di riflessione: “La pratique de la théorie dans la section américaine, jusqu’à sa dernière crise suffit pour nous mettre en garde. Le style même dans lequel les idées, par ailleurs assez bonnes, sans être trop originales, étaient conçues, est symptomatique des différences de goût. Le terrain où cette théorie en pratique démontre la différence de goût où ça nous importe, le goût même de la théorie. Pour oublier que nous ne sommes rien et que c’est par le goût pour la vie que nous faisions de la théorie, ils ont pu croire qu’en tant que théoriciens ils seront quelque chose. La polémique entre théoriciens qu’ils mènent avec McLuhan, Lundt ou Marcuse les met seulement en leur présence et ne fait que les mesurer. Il importe de voir pourquoi leur pratique cantonnée dans la théorie a été leur raison et leur excuse pour l’absence de toute pratique réelle de la théorie situationniste tant que pratique quotidienne se rapportant au mouvement révolutionnaire. Une absence qui les placera à côté de lICO - Information et correspondance ouvrières. La lutte des classes théoriquement retrouvée à travers lI.S., ne fut pas reconnue dans sa réalité, même si les évolutions erronées de la contestation (d’autant plus complexes, par son retard par rapport à l’infrastructure) ne facilitent pas l’opération. Il s’agissait de reconnaître les moments vrais du mouvement d’opposition, dont la conscience est largement fausse et la pratique relativement arriérée, de les faire connaître dans une perspective d’ensemble pour que l’opposition faussée puisse être dépassée dans la vraie lutte des classes. Négligeant la réalité de la lutte de classe, ils défendent, dans le néant, des positions théoriques qui deviennent des sortes de refuges. De sorte que de nous organiser tous fut d’autant plus pressant où ça fut leur seule activité pratique”.

Nella sua nota Debord cita le parole di Verlaan che offrono, secondo lui, la migliore espressione dialettica di un gruppo di “teorici critici”: “en somme, nous resterons aussi des théoriciens, qui cependant appliqueront la théorie de plus en plus près des activités concrètes. Ce qui pourrait devenir un des meilleurs moyens - desquels nous avons besoin - pour la faire connaître effectivement”.

Debord dichiara di aderire alla proposta di Vaneigem di cacciare i “lettori non interessanti” (l’argomento non è estraneo alla questione della “democrazia” nell’organizzazione, né al superamento di una logica elitistica propria di un movimento che era, all’inizio, un avanguardia artistica): “ceci doit signifier notre refus explicite de l’intérêt que ces gens nous manifestent; notre refus pratique de tout contact avec eux; le développement par l’I.S. d’un contenu qui les rejette toujours plus dans la déception et la fureur (voir ce qu’ils appellent notre ouvriérisme). Mais ceci n’est en rien une solution pratique pour choisir effectivement nos lecteurs où nous voulons qu’ils soient. Le plus extrême volontarisme ne pourrait s’égarer jusqu’à croire que nous aurons le pouvoir d’empêcher les imbéciles de nous lire. Et il serait sans doute trop puriste de prétendre qu’une certaine part (inévitable) de médiation des imbéciles n’a jamais eu que des résultats absolument mauvais dans la diffusion d’une critique révolutionnaire. L’imbécile, surtout quand il est scandalisé, est une bonne caisse de résonance”.

Poi aggiunge: “En allant au-delà de l’impatience et de la mauvaise humeur que nous inspirent normalement les roquets admiratifs qui voudraient même nous mordre, je crois qu’il nous faut comprendre la base sociale de leur existence et de leurs perspectives. L’analyse de Tony Verlaan montre l’essentiel de l’opposition: nous sommes - sociologiquement - des déclassés qui voulons abolir les classes, ils sont des pseudo-déclassés qui rêvent de devenir une classe (ou bien en devenant ouvriers ou bien petits cadres de la révolution; et plus souvent en prétendant à cela pour essayer d’être furtivement ceci)”.

In questa nota trovano spazio anche degli accenni a scritti teorici e a realizzazioni cinematografiche. Per esempio “une brochure (petit livre?) qui s’appellerait, par exemple, les problèmes de la société sans classes et qui, considérant froidement par hypothèse comme démontrés tous les caractères possibles et désirables de la prochaine révolution, analyserait toutes les difficultés, les graves incertitudes et les points vraiment obscurs qu’elle aura forcément à surmonter (ce serait comme le correspondant inverse du Manifeste)”. Ed anche “un autre travail (livre sans doute) pourrait se proposer d’établir (toutes les erreurs de Marx exactement citées) comment l’histoire du capitalisme depuis 125 ans a complètement justifié tous les points fondamentaux de la critique de Marx”. Poi ancora una raccolta di citazioni dell’I.S. e una storia di essa. Per quanto riguarda il cinema si annuncia un lavoro di Viénet sulla rivolta di Watts e uno dello stesso Debord su La società dello spettacolo ed infine l’intenzione di girare un film sul Trattato di Vaneigem (“je voudrais bien aussi tourner le Traité de savoir-vivre”). Se si pensa a quello che accadrà in seguito, quando Debord scriverà che nel Traité “Vaneigem n’avait que préfacé sa vie inexistante”, pare un’iniziativa piuttosto incredibile.

Nella nota si accenna a una discussione con Salvadori a proposito di un Manifesto la cui stesura esige “le développement cohérent de beaucoup de points qui n’ont été qu’esquissés par notre théorie jusqu’à ce jour”.

Riesel nel documento del 18 aprile che, come quello di Debord, riprende temi e suggerimenti presenti negli scritti e nei dibattiti del 17 marzo e del 7 e 14 aprile, si chiede: “il s’agit de savoir s’il se manifeste maintenant une convergence dans nos appréhensions sensibles du projet commun, et quelle est cette convergence? On comprend que ce genre d’interrogation puisse se poser parmi nous puisque l’I.S. ne doit pas être, et n’est pas, une organisation comme les autres”.

Egli parla di una “communauté des goûts” e poi di una “communauté organisationnelle situationniste”, cioè di un luogo di sperimentazione comune (“la communauté organisationnelle situationniste est aussi le lieu où s’expérimente un style de réalisation et de pratique du projet commun”). La parola “comunità” sembra esprimere un auspicio.

Infine un accenno all’imminente (anche se non vedrà mai la luce) “Manifesto” situazionista: “le manifeste des situationnistes devra être aussi prophétique que celui de Marx; mais il devra aussi receler moins d’imprécisions; parce qu’il est appelé à trouver dans l’immédiat sa vérification détaillée”.

In un documento di Vaneigem del 21 aprile si trova questo spunto critico sulla ideologia modernista ovvero “situazionista”: “Je propose d’appeler en bloc toute l’idéologie moderniste: le situationnisme. Sur l’art, le prolétariat, la vie quotidienne, l’urbanisme, le spectacle, c’est ce que nous avons dit, moins l’essentiel, qui se trouve répandu partout. Il faut montrer clairement, dans un texte contre le situationnisme, notre parti pris de l’histoire à faire contre l’histoire faite. Montrer comment l’histoire récente s’est faite avec nous et contre nous, expliquer pourquoi; dénoncer le situationnisme, en l’analysant et en donnant des exemples de la confusion idéologique autour de nous. Voilà une façon pratique de marquer une distance avec nos lecteurs dominants ainsi assimilés au monde dominant, par un retournement que nous avons bien le droit d’appliquer à nos récupérateurs”.

Un breve richiamo al numero 13 della rivista dell’I.S. (che non uscirà mai) e al Manifesto (idem) chiudono il testo di Vaneigem, con una proposta di détournement: “En corollaire de la résolution souhaitable de nos problèmes financiers, ne pourrait-on prévoir l’impression d’un faux journal Combat, de quatre pages (petit format, papier dégueulasse, impression peu soignée) avec de la littérature de choc?”

Vaneigem nel marzo del 1970 aveva già redatto le Notes sur l’orientation de l’I.S. in cui si può leggere nel settimo paragrafo:

“Un intellectuel n’est pas a priori plus con qu’un autre con ouvrier de son état. Mais pour cesser d’être débile, c’est-à-dire pour cesser d’être un intellectuel, le premier doit parcourir un chemin difficile et hasardeux. Le chemin du second est direct : il lui suffit de prendre conscience de son pouvoir - car il tient entre ses mains le sort de la marchandise - pour sortir de l’abrutissement et n’être plus un ouvrier. Sa positivité est immédiate. L’intellectuel est au mieux du négatif; son chemin est labyrinthique et le goût du labyrinthe, c’est précisément le vieux Minotaure qui l’attend au tournant. Nous en avons la preuve dans l’incapacité où ces traumatisés de l’usine à penser se sont toujours trouvés quand il s’agissait de former des groupes autonomes révolutionnaires. Pour nous, il est assez clair que nous sommes entrés et sortis du labyrinthe en trouant les murs. Ceux qui continuent à s’y perdre n’ont pas la moindre excuse - et surtout pas l’I.S. Notre critique doit maintenant porter essentiellement sur le milieu ouvrier qui est le moteur du prolétariat. Il faut maintenant négliger la fraction gélatineuse de la révolution - celle qui pénètre mollement partout en se décomposant et en décomposant tout ce qu’elle touche - pour frapper sur la fraction dure en préparant une sorte de coup de Strasbourg des usines. Il est honteux que ceux qui disposent des moyens réels de la révolution ne s’en servent pas ou s’en servent si mal; c’est ce qu’il va falloir répéter preuve à l’appui, jusqu’à ce que la critique situationniste du prolétariat pénètre dans les masses. Mais à la différence de la critique des milieux intellectuels, la critique du milieu ouvrier ne peut se faire qu’en l’associant à la diffusion de techniques d’agitation directement liées à des significations théoriques”.

Sebbene, come scrive Vaneigem, “notre critique doit maintenant porter essentiellement sur le milieu ouvrier qui est le moteur du prolétariat”, non si può non notare che uno scandalo - come quello di Strasburgo - nelle fabbriche non ci sarà. La vergogna (“rendre la honte plus honteuse encore...”) dagli studenti discendeva sugli operai dato che non si erano decisi a diventare situazionisti. Il commento: “il est honteux que ceux qui disposent des moyens réels de la révolution ne s’en servent pas ou s’en servent si mal”.

Si deve riconoscere che Vaneigem, nel 1974, tornerà sulla questione (d’altronde l’aveva annunciato nelle Notes del 1970: “la critique du milieu ouvrier ne peut se faire qu’en l’associant à la diffusion de techniques d’agitation directement liées à des significations théoriques”) con De la grève sauvage à l’autogestion généralisée, firmando il testo con  lo pseudonimo “Ratgeb” (interessante anche il sottotitolo dell’opuscolo: Contributions à la lutte des ouvriers révolutionnaires, destinées à être discutées, corrigées et principalement mises en pratique sans trop tarder). Per quanto il testo non potesse essere situazionista, ne manteneva la proverbiale sicumera. Sembrava, a leggerlo, che si fosse a un passo dalla rivoluzione: “D’abord, les conditions nous sont favorables. Les techniques, hautement développées, sont à notre portée et pour peu que nous voulions les tourner contre nos exploiteurs, tout est possible et rien n’est utopique. Jamais la survie n’a tant régné et jamais elle n’a suscité tant de révolte. Jamais l’Etat n’a mieux disposé de la force du mensonge et jamais il n’a été si vulnérable à la vérité quotidienne. Jamais le système marchand n’a poussé si loin le conditionnement des hommes à l’argent, au paraître et au pouvoir et jamais il n’a vu se dresser pour le détruire totalement autant de rage raisonnée, autant de créativité et de passion.”

La presunzione di superiorità (ed anche il ridicolo che comporta) è eretta a metodo, poiché gran parte dell’opuscolo è costituito secondo uno schema catechistico di domanda-risposta; ed a domande retoriche di triviale quotidianità (a meno che siano intese letteralmente!) come la seguente: “A la première occasion, avez-vous l’intention de casser la gueule à votre chef ou à quiconque vous traite en subordonné?”, seguono illuminanti risposte precedute da una medesima formula: “Si oui, vous avez compris que”, ed ecco, proseguendo l’esempio, ciò che hanno compreso gli operai (grazie al loro pedagogo rivoluzionario preferito) se hanno risposto di sì:

“a) Devenir un chef, c’est cesser d’être humain. Le chef est l’emballeur et l’emballage de la marchandise. Hors du système marchand, il est sans usage. Comme les marchandises, il se reproduit et s’accumule ; il se mesure en quantité de pouvoir, de haut en bas de la hiérarchie. Et son pouvoir, il le tient du pouvoir que le spectacle exerce comme volonté économique et comme représentation sociale sur la plus grande partie de la vie quotidienne.
b) Plus le pouvoir s’émiette et s’étend partout, plus il se renforce et s’affaiblit.
Plus il y a de chefs, plus ils sont impuissants. Plus ils sont impuissants et plus la machine bureaucratique tourne à vide, plus elle impose à tous l’apparence de sa toute-puissance, et plus les gens apprennent à refuser globalement la servitude.
c) Partout où il y a autorité, il y a sacrifice, et inversement. Le chef et le militant sont la même pierre d’achoppement de la révolution, le point où elle se renverse et devient le contraire de l’émancipation.
d) L’acte terroriste qui consiste à liquider, dos à dos, d’une même balle, bureaucrate et patron ne change rien aux structures et ne fait qu’accélérer lé renouvellement des cadres dirigeants. Pour liquider l’Etat et les organisations hiérarchisées, qui le reproduisent tôt ou tard, il faut anéantir le système marchand.
e) L’Etat est le régulateur, le centre nerveux et le réseau protecteur de la marchandise. Il s’efforce d’équilibrer les contradictions économiques, d’ordonner politiquement le travail social en droits et devoirs du citoyen, d’organiser le battage idéologique et les mécanismes répressifs qui transforment chaque individu en serviteur du système marchand.
f) La collusion de l’État et de la marchandise peut s’estimer au premier coup d’oeil à la rapidité d’intervention des flics (et des milices patronales et syndicales) dès qu’une grève sauvage éclate”.

Arrivati a questo punto, infine Vaneigem spiega diligentemente agli operai il significato di ciò che prima facevano senza averne piena coscienza: “De fait, vous luttez déjà pour une société sans contrainte ni sacrifice, où chacun est son propre maître, et vit en de telles conditions qu’il n’a jamais à traiter un autre homme en esclave ; une société sans classes, où le pouvoir délégué aux conseils s’exerce sous le regard permanent et par la volonté de chaque individu en particulier”.

Tuttavia non risulta che gli operai abbiano apprezzato particolarmente il “contributo alla lotta” dell’ex-situazionista, nonostante le iperboli (poetiche, naturalmente, ma non solo) come quelle che seguono, scelte a caso tra le molte possibili:

“L’autogestion généralisée est le plus court chemin vers l’abondance. Le travail y tend vers zéro, la créativité vers l’infini”.

“La lutte pour la destruction radicale de la marchandise est inséparable de la construction quotidienne d’une vie passionnante, libérée des tabous et des contraintes. Tout projet révolutionnaire s’appuie nécessairement sur la recherche d’un enrichissement passionnel, sur un calcul et un jeu du risque et du plaisir (risque minimum, plaisir maximum)”.

“Il ne s’agit pas de condamner un désir, une passion tournés vers l’angoisse ou la destruction mais de les rendre caducs par la multiplicité des jouissances possibles. Toutes les demandes passionnelles méritent ainsi d’être présentées à l’assemblée d’autogestion généralisée afin d’y être réalisées, harmonisées par offres et demandes, développées du simple au composé, multipliées et raffinées. S’il est vrai que les révolutionnaires formeront les premières assemblées d’autogestion, ce sont aussi ces assemblées qui formeront les révolutionnaires”.

“Le renforcement des possibilités et l’enrichissement des régions et de leurs assemblées est la meilleure garantie de rapports internationaux fondés sur le don et le ludique. D’autre part, l’internationale des assemblées et de leurs conseils assure les plus grandes chances d’harmonisation des désirs et fonde réellement le règne de l’abondance”.

“Le règne de la gratuité signifie la fin des échanges qui régissent l’ensemble des comportements sociaux dans le système marchand. Quand l’intérêt passionnel l’emporte sur la course au profit et au pouvoir, l’usage des objets et la notion d’utilité se modifient et détournent les gestes quotidiens de leurs anciennes habitudes. C’est ainsi que disparaîtront les réactions d’avarice, d’appropriation privative, de jalousie, de mensonge, de prestige et de spectacle”.

“Nous voulons que la jouissance de tous les droits soit le droit à toutes les jouissances”.

Tornando a seguire lo svolgimento dei fatti, dopo l’excursus sull’opuscolo di Vaneigem del 1974, si trova una nota di Viénet per la riunione del 5 maggio, in cui ritorna sulla questione della stasi del gruppo:

“La lutte contre le situationnisme: qui est d’autant plus urgente que notre vie publique, même si nous ne nous sommes pas réfugiés dans le désert, est inexistante depuis le n° 12 (de la revue Internationale Situationniste)”. Il termine “situationnisme” è usato in senso negativo, come indice di un recupero ideologico in corso della teoria rivoluzionaria.

Inoltre Viénet accenna a un’iniziativa editoriale che “volgarizzi” il messaggio dell’I.S. (“je rappelle qu’il faut établir le programme de vulgarisation auquel je faisais allusion la dernière fois: un Que sais-je? sur l’I.S., etc.”).

Del maggio 1970 sono le “tesi provvisorie” di Paolo Salvadori, il quale riafferma che “l’urgence d’une redéfinition de notre part (théorie de l’organisation) est la raison même qui a provoqué ce débat, comme le montrent le même texte de Riesel, celui de Vaneigem, celui de Verlaan et tous les autres”.

“Je saisis ici l’occasion pour relever ce fait, encore qu’il soit loin d’être notre problème principal, est assez étrange que nous soyons encore en si petit nombre en divers pays (constater que nous sommes peu ne signifie pas s’en désoler; l’important est d’être tous), que c’est une étrange conjoncture astrologique qui nous a poursuivis depuis 1968: retour de la révolution en France et en Italie accompagné par l’élargissement de la section française (américaine et scandinave) et par la création de l’italienne; reflux temporaire accompagné par la réduction forcée des participants et par le dépérissement de l’activité interne: simultanément, le premier mouvement d’expansion, en créant une nouvelle situation organisationnelle (qui, par exemple, a contribué à paralyser la Conférence de Venise) nous menait à reconnaître le besoin de nouvelles formes d’action, orientées vers la praxis en tant que question désormais décisive, et le second nous porte à restituer une place centrale à la théorie, à réemployer l’expression relativement faible de “groupe de théoriciens”, et dans la théorie elle-même à constater la nécessité d’une amélioration et d’un élargissement de nos thèses formulées (en réactivant aussi les thèses des premiers numéros d’I.S.) plus qu’à voir la nécessité de nouvelles hypothèses. Il ne s’agit ici que de simples correspondances qui permettent seulement de tirer des conclusions générales sur le point où nous nous trouvons et sur les transformations qui en découlent quant à notre méthode organisationnelle elle-même”.

Quello di Salvadori è un intervento piuttosto prolisso e egli ripercorre tutti i punti del dibattito apertosi da tempo.

“Avec une formulation qui n’est que légèrement excessive, on peut dire qu’à propos de l’I.S. la part de promesse dépasse encore la part de réalisation, au sens qu’elle a calibré son langage sur une importance historique dont doit découler une vérité indiscutable: non seulement du vieux programme de donner aux prolétaires leurs raisons, mais de celui, encore plus vieux, d’être totalement populaires, pour lequel nous en sommes aujourd’hui aux préliminaires. Si l’I.S. se révèle aux yeux du monde comme le vrai centre de son antithèse déjà présente, comme spectre international de la subversion, et de toutes les idées les plus criminelles, elle ne sera rien d’autre, pour un nombre délimité d’années, que ce qu’elle a toujours su devoir devenir, et ce sur quoi elle a toujours calculé les jugements, la solidarité (quand l’extension de l’I.S. aura rejoint les cinq ou dix sections effectives, avec un nombre de membres cinq fois supérieur; quand elle sera désormais objectivement placée comme une force pratique en face du Pouvoir; quand surtout elle aura commencé à se répandre parmi les ouvriers dont elle aura la confiance et le soutien). Alors nous aurons perdu la déplaisante impression de pouvoir à tout instant nous arrêter de danser”.

Quello che mi sembra rimarchevole è che Salvadori, più di altri, sollevi il problema del rapporto con gli operai (che non doveva essere un granché, al momento).

In un paio di passaggi della nota di Riesel per la riunione del 12 maggio si può intuire come la fine dell’organizzazione sia prossima:

“Le seul moyen qu’a l’I.S. de continuer à être une organisation révolutionnaire est de faire plus et autre chose que ce qu’elle a déjà su faire. Voilà une banalité, mais qui mérite d’être dite pour bien localiser le centre de la crise”.

“La rédaction du n° 13 de la revue permettra de voir si nous sommes au moins capables de confectionner une revue égale (et donc supérieure) en qualité à celles déjà parues. Ce test ne saurait être que le dernier”.

Comunque ciò che “concerne l’existence même de l’I.S. en France” scrive Riesel, concerne “donc son mode d’existence”.

Nella Nota di sintesi per la riunione del 19 maggio Vaneigem esordisce così: “L’accord répété sur nos faiblesses n’a pas encore abouti à un accord pratique sur la positivité de ce que nous tentons de réaliser ensemble”.

Per il resto si ritorna alle questioni organizzative, al manifesto, al numero 13 della rivista, ecc. Un accenno critico alla comunità: “Il s’agit moins d’être ensemble dans une sorte de communauté organique, dont nous ne voulons pas, que d’agir ensemble. Et il est ridicule de supposer que la chose soit seulement possible et souhaitable quand nous nous rencontrons une fois par semaine (on a pu évoquer récemment la tendance, qui semble se manifester maintenant, de penser à heure fixe)”.

Sebastiani in una nota per la medesima riunione del 19 maggio, cita un passaggio di una nota di Viénet per l’incontro della settimana precedente:

“Un danger nous guettait, à savoir que dans la section française il y avait deux théoriciens et que les autres situs n’étaient d’une certaine façon que leurs hérauts d’armes”.

Il commento di Sebastiani: “Voilà ce qui doit maintenant changer” (e invece non cambierà).

A proposito de “la lutte immédiate contre le situationnisme”: “Si la récupération ne peut qu’idéologiser la critique radicale en essayant de la faire passer pour une marchandise de plus, c’est bien parce que la critique radicale se banalise à la vitesse de l’aliénation moderne”.

Infine una segnalazione sul Manifesto.

“Il faut faire extrêmement attention qu’il n’est pas certain que le manifeste sera soutenu par une sorte de Strasbourg des usines. Il faut en tenir compte. Si les ouvriers ne viennent pas à nous (c’est-à-dire à eux-mêmes) on aura bonne mine. Aussi il ne faudra pas être tendre avec eux dans le sens qu’écrivait Raoul Vaneigem: il est honteux que ceux qui disposent des moyens réels de la révolution s’en servent pas ou si mal.”

De Beaulieu nella sua nota per la medesima riunione riprende la questione della “comunità”, riaffermando “la nécessité de définir ce qui doit fonder la communauté situationniste” riaffermando “pour le monde la spécificité de l’I.S. et pour l’I.S. la spécificité de chaque situ”.

De Beaulieu non si sforza molto, perché si limita a riaffermare la necessità di “lutter contre le situationnisme tel que l’a défini Raoul Vaneigem en accélérant la compréhension de la décomposition et l’abolition des séparations”. Egli ricorda anche che si dovrà preparare un carnet sul “Grèviste Sauvage” oltre al n.13 e al Manifesto: una “triade”.

Sanguinetti nel giugno redige delle note per il dibattito strategico (Notes sur le débat stratégique), che si aprono così:

“On est tous d’accord: dans le moment où la réalité semble chercher de plus en plus la pensée situationniste partout en Europe (mais même ailleurs), ce fut le développement même de cette pensée qui ne se laissait trouver nulle part. La Conférence de Venise a été sans aucun doute exemplaire de ce non-développement intensif. Et la période après Venise a été bien exemplaire des dimensions réelles du développement extensif de l’I.S.

Jamais, je crois, l’I.S. n’a eu tant de membres qu’en 1969, qui l’aient servi moins; ou bien, ce qui revient au même, de membres qui se soient moins servi de l’I.S. Cela va sans dire, mais il a été vraiment honteux que ceux qui disposent de la plus moderne et cohérente organisation révolutionnaire internationale d’aujourd’hui s’en soient servis si peu et si lentement; presque comme si on avait dans quelques moments un doute sur le fait qu’elle soit vraiment à la disposition de ceux qui veulent et savent s’en servir.

S’efforcer d’être au centre de l’organisation, comme dit Raoul Vaneigem, et être admirable pour tous les autres, c’est la même chose. Et ce qui est vrai pour chaque situ doit devenir vrai pour chaque section: l’I.S. doit cesser d’avoir, de fait, un seul centre à Paris et plusieurs périphéries, est (il va de soi que ce ne sont plutôt les camarades des autres pays qui doivent commencer à l’être, compte tenu, évidemment, des difficultés spécifiques). Même à ce sujet la section italienne doit pouvoir beaucoup: elle doit fournir au minimum un exemple de comment on peut aujourd’hui construire bien l’activité d’une section de l’I.S. dans un pays autre que la France.

En d’autres termes, la section italienne et son succès souhaitable doivent être tout de suite un exemple et surtout un précédent pour d’autres, futures ou présentes, au moins comme la section française l’a constamment été depuis plus de dix ans, car parmi les autres sections nous sommes dans la position la plus favorable”.

In sostanza egli ripete qualcosa su cui tutti sembra che siano d’accordo: lo sviluppo estensivo dell’I.S. non ha portato con sé un ulteriore sviluppo intensivo (e il dibattito diventa sempre più strano: un gruppo di teorici che sembrano unanimi sul vuoto di una teoria che sarebbe al tempo stesso la più avanzata e coerente).

Sanguinetti aggiunge l’auspicio che gli italiani possano dare l’esempio e costituire un precedenti per tutte le altre sezioni.

Dopo aver proclamando la necessità di non essere indulgenti verso gli operai, Sanguinetti dice che “il va de soi qu’il est inutile, voire académique, que nous critiquions les ouvriers avant d’être en état de communiquer avec: voilà l’importance que le Carnet du Gréviste Sauvage va forcément assumer”. Ecco la certezza che si tratta di un’astrazione.

Altre speranze: “Il est temps, par exemple, que l’I.S. ait une bonne revue en langue anglaise. Il me semble que nous la méritons, d’autant plus que les prolétaires des USA, d’Angleterre et d’Allemagne, nous méritent de plus en plus. Sans doute, avec un ou plusieurs films, il nous sera plus facile de pénétrer dans ces pays plutôt qu’avec des textes (voilà une raison en plus pour se dépêcher avec le cinéma)”.

Sanguinetti propone di interessarsi ai problemi economici (senza apparentemente averne voglia): “je propose une plus grande attention théorique aux problèmes économiques, même si le sujet n’est certainement pas l’un des plus passionnants. D’ailleurs, toutes les modifications et les véritables changements qui se sont produits dans ce dernier demi-siècle dans ce domaine, contribuent à le rendre plus intéressant”. Che non gli sia congeniale (oppure che voglia farlo intendere) lo conferma poche righe sotto: “Il nous faut maintenant, d’une certaine façon, démystifier complètement cet argument monstre”. Insomma, qualcosa dovrà assumersi l’ingrato compito.

Il suo intervento si conclude all’insegna del gioco (e del mettersi in gioco): “Il faudra, entre autres choses, être même en mesure de communiquer aux ouvriers notre goût pour le jeu; et nous-mêmes, jouer plus. D’ailleurs, aujourd’hui, jouer veut simplement dire savoir tout mettre en jeu dans la lutte pour notre libération. Il faut que les ouvriers goûtent le plaisir que procure ce genre de jeu: construire des situations qui valent la peine d’être vécues, voilà l’unique chose à laquelle aujourd’hui il vaut la peine de se dédier”.

In un appunto del 7 luglio Debord scrive che “on est désormais forcés d’en déduire que l’I.S. dans sa formation actuelle et dans son style actuel, n’est pas en état de mener sérieusement la moindre entreprise qui exige de la discrétion”. Inoltre annuncia l’intenzione di scrivere “un texte moins limité; d’une part pour formuler mon accord avec les thèses de Salvadori, d’autre part pour traiter aussi précisément que possible de quelques difficultés subalternes qui retardent encore notre mise en marche à partir de cette plateforme”.

Questo testo sarà “Remarques sur l’I.S. aujourd’hui” del 27 luglio.

L’accordo con Salvadori è completo a parte un paio di sfumature, una di queste è quando “Salvadori présente comme légèrement excessive cette formulation que, dans ce qu’a pu faire jusqu’ici l’I.S., la part de promesse dépasse encore la part de réalisation; et je trouve que cette phrase est complètement vraie, sans rien d’excessif”.

“Après déjà quatre mois de débat d’orientation, nous n’avons vu apparaître de divergences théoriques, ce qui était assez prévisible. On peut plutôt se demander si ces textes - qui vont dans le même sens et dont beaucoup contiennent d’excellentes choses - ne s’accumulent pas, comme autant de monologues, sans être guère utilisés?”

La teoria è sotto-utilizzata! Dagli altri.

Poco righe dopo Debord racconta quello che definisce un aneddoto su Khayati:

“Tout le monde sait que Khayati s’est engagé, à un moment resté inconnu de l’été 1969, dans une organisation palestinienne (cf. sa rencontre citée par lui-même à Venise, de gauchistes israéliens en tant qu’un des représentants de cette organisation, etc.). Quelques semaines ou quelques mois plus tard, il en informe l’I.S., et donc démissionne - alors seulement - puisque notre opposition à la double appartenance est absolue, et qu’il partage tout à fait ce point de vue. Nous avons alors parlé de son mauvais choix plutôt que de sa mauvaise manière d’avoir fait un nouveau choix, parce que la question était résolue unilatéralement bien avant d’avoir été posée; et nos regrets l’accompagnèrent. Pour nous faire savoir, à Venise, les impérieuses raisons qu’il avait eu de faire ce choix, et de le faire ainsi, Mustapha exposa une analyse du développement révolutionnaire possible en Jordanie et de la nécessité subjective qu’il ressentait, de participer à cette lutte. À peine arrivé en Jordanie (dont en fait, il revenait précisément au moment de ses déclarations de Venise), il découvre - d’après son propre récit récemment - qu’il n’y a plus aucune perspective! Dans une organisation (le FDPLP, Front Démocratique Populaire de Libération de la Palestine, mouvement issu du Front Populaire de Libération de la Palestine) dont il est très formellement membre, et qu’il désapprouve au moins sur plusieurs points, il ne mène aucune lutte politique, et après quelques mois s’en va, sans même laisser vingt lignes de critique pour y expliquer sa démission. Il revient en Europe, et rencontre d’abord les camarades italiens. Ceux-ci tirent de cette rencontre une conclusion principale, pour ne pas dire unique: qu’il serait excellent que Mustapha redevienne membre de l’I.S., puisqu’il est démystifié de son mirage jordanien, et puisqu’on peut espérer chez lui une telle intention. C’est réduire le problème à un à-côté négligeable, en faisant comme si nous n’avions eu avec Mustapha que certaines divergences - maintenant surmontées - dans l’appréciation politique des perspectives au Moyen-Orient. Je sais bien que les camarades italiens ont quelques raisons solides et estimables pour souhaiter le retour de Mustapha Khayati dans l’I.S. Mais ces arguments pour ne peuvent même pas être soutenus si ceux qui pouvaient les formuler n’ont pas d’abord reconnu les arguments contre (que j’ai cités au paragraphe précédent); car c’est seulement après avoir vu, et avoir dit, ces derniers arguments, que quelqu’un pourrait entreprendre de montrer qu’ils sont moins importants que les raisons contraires. Voilà pourtant un exemple où il est fort peu probable que nous ayons une divergence théorique sur la question de l’organisation, et sur le sens des engagements qu’elle implique. Je crois que les camarades italiens ne mettront pas en doute la force des arguments que je viens de citer (ni le degré de réalité des faits puisque je les tiens tous de Khayati). Alors, pourquoi ne les ont-ils pas cités eux-mêmes? N’en ont-ils pas compris l’importance? Ou bien les ont-ils perdus de vue, en discutant très finement de trente points annexes (Hussein de Jordanie, la Syrie, George Habache, Nasser, et j’en passe)? Ou bien n’ont-ils pas jugé intéressant d’envisager ces aspects du problème avec Khayati? Cette joie pour le retour de l’Enfant Prodigue après sa débandade moyenne-orientale fait honneur à leur sens de la dialectique. Un détail doit être ajouté. Avant de pouvoir apprendre de Khayati tout ce qu’il avait peut-être fait d’estimable en Jordanie, Viénet lui avait adressé une courte lettre, un peu sévère dans le ton (et surtout du fait que subsistait alors un doute sur ce qui, dans l’action exotique de Khayati, aurait pu, très partiellement, justifier son pari), mais qui marquait d’autant plus clairement ce qui, dans le choix fait par Khayati en 1969, le diminuait - aux yeux de Viénet tout au moins. Les camarades italiens avaient reçu la copie de cette lettre. Il se trouve que les éléments que j’ai évoqués sont assez décisifs pour que chacun de nous doive les découvrir et les évaluer par lui-même; et en ce sens la copie de la lettre de Viénet aurait dû être inutile. Cependant elle était là; elle était connue. Je ne trouve pas du tout anormal qu’elle n’entraîne pas l’adhésion immédiate de tous (elle était brève et très générale, exprimant assez brutalement une opinion, et non une argumentation). Mais il est anormal que cette lettre ait été totalement négligée. Les camarades qui peuvent penser sur cette question autrement que Viénet auraient dû lui répondre, essayer de combattre sa position sévère, etc. Ainsi, ils auraient été amenés à faire un effort pour contredire la conclusion de Viénet, et donner quelques raisons opposées aux raisons dont cette conclusion découle (si elles ne sont pas dans la lettre même, elles sont connues de tous, et c’était vraiment là l’occasion d’y penser!). Comme il ne s’agit certainement pas d’un mépris délibéré, il faut comprendre qu’ici l’irréflexion va loin, car dans une organisation on ne peut négliger la prise de position de personne; on peut seulement l’approuver ou s’y opposer.

Je me suis un peu étendu sur l’anecdote précédente parce qu’elle est récente, claire et, je l’espère, instructive. Ce n’est pas pour plaisanter les camarades italiens, comme s’ils étaient les seuls dans l’I.S. qui aient jamais oublié leurs armes dialectiques à cause d’un enchantement passager, plus normal dans les romans de la Table Ronde que parmi les chevaliers de la conscience historique. Tandis qu’eux, par exemple, ont montré brillamment qu’ils savaient faire vite une excellente revue de l’I.S. nous assistons depuis deux ou trois mois à Paris au fantastique spectacle de 3 camarades (puisqu’il semble que le quatrième était vraiment trop étranger à notre monde), qui eux-mêmes ont prouvé en d’autres occasions leur talent, se trouvant comme frappés de stupeur devant l’épreuve de construire et rédiger le n° 13 de la revue française. Pourtant ce qui est extraordinaire, ce n’est pas qu’ils se trouvent avec cette tâche sur les bras, c’est qu’elle leur paraisse accablante. Il est clair que les minimes questions de paresse (d’ailleurs pas plus prononcée chez eux que chez nous tous) sont dépassées. Ce n’est pas non plus une question bassement rédactionnelle, car tous écrivent assez joliment et ont au départ fait une ébauche de plan qui n’était pas critiquable. Ce qu’ils ont du mal à concevoir, et surtout à se communiquer, ce sont les moments essentiels de ce que l’ensemble de leur numéro aura à dire. Et en dehors de ceci, il est vain d’espérer arranger les choses quantitativement, simplement en écrivant, un peu au hasard et longuement, sur tous les sujets susceptibles d’être abordés dans ce numéro (c’est-à-dire, en fait: tous les sujets). Il ne s’agit pas d’avoir simplement le ton situationniste (aujourd’hui plus ou moins accessible à divers pro-situs), mais de penser et choisir qualitativement ce qui constitue un numéro. Tous les mystères qui poussent la théorie situationniste au bavardage mystique des pro-situs trouvent leur solution rationnelle dans la pratique de la formulation des thèses situationnistes, et dans l’intelligence de cette pratique. Ce sont les mêmes difficultés de méthode, qui apparaissent dans ce Comité de Rédaction et ailleurs. Ici cependant, c’est un peu plus excusable, parce que la mise au point d’un numéro de l’I.S. présente vraiment quelque difficulté, quoique les camarades-rédacteurs l’aient ignoré. Du reste ils ne l’ignoraient que parce qu’ils ne l’avaient jamais fait”.

Khayati aveva presentato le sue dimissioni a Venezia il primo di ottobre del 1969 attraverso una lettera: “Une crise révolutionnaire est en train de se développer dans la Zone Arabe et où les éléments radicaux arabes doivent se trouver. Je me sens dans l’obligation d’en être. Étant moi-même - comme l’I.S. - hostile à toute forme de double appartenance ou de noyautage (pour l’I.S. comme pour tout le mouvement révolutionnaire), je présente ma démission.
À partir de cette date tout ce que je ferai n’engage que ma seule personne.
Toutefois je tiens à affirmer que je suis absolument solidaire de tout ce qu’a fait l’I.S. jusqu’à ce jour et n’ai rien à lui reprocher. Si j’ai joué un rôle dans le développement de l’I.S. et un rôle plus modeste dans la diffusion de la théorie révolutionnaire moderne, je dois beaucoup à l’I.S. et espère être en mesure d’utiliser tout ce que j’y ai appris.
Si je m’aperçois que j’ai eu tort de faire ce choix ou si le mouvement dans lequel je m’engage échoue - et si je n’ai rien fait qu’on puisse me reprocher selon nos valeurs communes - je pense un jour reposer ma candidature. Alors l’I.S. pourra se prononcer en toute connaissance de cause.
Vive l’I.S.
Vive le pouvoir international des Conseils Ouvriers”.

Riprendendo il testo di Debord, appare chiaro che egli voglia cogliere l’occasione per regolare dei conti non tanto con gli italiani, quanto con tutti gli altri ed in particolare con i “camarades-rédacteurs” (una polemica così facile che sembra un pretesto come è realmente).

“En négligeant ce détail qu’il y a eu dans tous les numéros de l’I.S. une partie faite de contributions personnelles (souvent notables et parfois même discordantes), on peut dire que, pour l’essentiel de leur rédaction (anonyme) les numéros du 1 au 5 ont été faits d’une manière vraiment collective. Du 6 au 9, l’essentiel fut encore fait assez collectivement, surtout par Raoul Vaneigem, Attila Kotanyi et moi. A partir du 10, je me suis trouvé presque seul chargé de mener à bonne fin chaque publication. Et ce qui me paraît pour le coup franchement inquiétant et malsain, c’est que - froidement, je l’espère - je considère précisément ces trois numéros comme les meilleurs de la série! Cette situation me fut encore un peu masquée dans les n° 10 et 11 par une assez faible dose (bienvenue cependant) de collaboration de Mustapha Khayati - je parle toujours ici des articles publiés sans signature. On sait comment la disparition de Khayati, en pleine rédaction du n° 12 (quoiqu’après qu’il y ait donné le texte sur la Tchécoslovaquie) poussa les choses jusqu’au scandale, puisque simultanément la section française avait doublé en effectif. Je quittais donc aussitôt la direction de la revue, principalement pour ne pas être complice d’une sorte de spectacle mensonger, du moment que nous avions eu tous l’occasion de prendre conscience de notre éloignement, dans ce cas, de nos principes affirmés. Voici donc une année que le problème est posé, et les camarades-rédacteurs commencent à se mettre en état de le résoudre. Ils n’y arriveront sans doute qu’en s’appropriant finalement les méthodes qui sont officiellement les leurs depuis un certain nombre d’années”.

Poco dopo ritorna sui francesi:

“Ce défaut d’activité commune (ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que nous n’ayons pas discuté, décidé et réalisé ensemble un certain nombre d’actions ou d’écrits, même dans les deux dernières années) se remarque principalement - dans la section française - par une sorte de répugnance générale devant toute critique visant un fait précis, ou l’un de nous. On a bien pu le voir à la réunion française du 14 juillet. La moindre critique est ressentie comme mise en cause totale, défiance absolue, manifestation inamicale, que sais-je? Et cette réaction affective n’est pas vraie seulement de la part du camarade critiqué. Les camarades de l’I.S. sont très rapides, et fort doués, pour juger les pro-situs, c’est-à-dire quelque chose de très peu important. Mais presque tous manifestent une étrange lenteur pour juger quoi que ce soit s’il s’agit d’un membre de l’I.S. Ils laissent paraître leur malaise même à voir quelqu’un de nous le faire. Je ne peux croire qu’il y ait à l’origine de ceci une creuse politesse. Il faut donc que ce soit une certaine fatigue au moment d’aborder les questions qui marquent réellement notre mouvement: ce que nous risquons de réussir ou de manquer. Il se produit en tout cas ce phénomène qu’une critique n’est jamais complétée par d’autres camarades, et que personne (sauf parfois le camarade critiqué) ne s’attarde à en tirer une ou plusieurs conclusions qui seraient utilisables par tous pour la suite de notre action commune. Ainsi l’I.S. a tendance à se figer dans une sorte de présent perpétuel et plutôt admirable (puisqu’un passé plus ou moins admirable y continuerait). Cette harmonie peu historique et peu pratique n’est brisée qu’en deux circonstances, la première réelle, la seconde purement apparente. Quand une critique est réellement prise au sérieux et suivie d’effets (parce que l’événement parle si haut que tous exigent alors cette conclusion) un individu est exclu. Il est retranché de l’harmonieuse communion, peut-être même sans avoir jamais été critiqué auparavant, ou seulement une petite fois. Dans le cas de rupture apparente de confort habituel, une critique est faite, un défaut de notre action est signalé. Tout le monde en convient, parfois même sans se donner la peine de prendre la parole, tant le fait apparaît clair et indiscutable, mais ennuyeux (et tant on se préoccupe peu d’y remédier effectivement). Enfin, il est juste de dire que si quelqu’un a insisté sur ce point, tous admettent qu’en effet le détail est fâcheux. Et tous décident à l’instant qu’il ne faudra pas continuer ainsi; que les choses doivent changer, etc. Mais comme personne ne soucie des modalités pratiques, on se contente d’une espérance, et la chose pourra bien se reproduire dix fois: à la dixième tout le monde aura même oublié la neuvième. Le style général, non tant des réponses mais des silences, est manifestement cette idée: Pourquoi en faire un drame? Mais c’est une idée fausse, car il ne s’agit pas d’un drame, et parce que le choix n’est imaginé qu’entre le drame ou la passivité. Et de la sorte, un jour, le problème pourra être enfin traité, mais hélas seulement sur le mode du drame, comme le montrent beaucoup de nos exclusions. Entre la rupture et le contentement de principe, il semble donc qu’il n’y ait pas de place pour la critique réelle. Elle reste inutile et passe pour de la mauvaise humeur (cependant n’allez pas croire qu’une mauvaise humeur bien plus réelle n’existe pas chez presque tous, en proportion inverse de leur indulgence dans la critique ouverte: dans presque toute rencontre personnelle avec un situationniste, on voit bien une sorte de mécontentement vague qui contraste avec la tranquillité de la plupart des réunions)”.

Poi di nuovo su un piano generale:

“Je crois que tout ceci n’est rien d’autre qu’un symptôme d’une déficience corrigible: le manque de cohabitation de plusieurs situationnistes avec leur propre pratique. Je me souviens à peu près toujours des fois où je me suis trompé; et j’en conviens assez fréquemment même quand on ne me le rappelle pas. Je suis porté à penser que c’est parce que je me trompe rarement, n’ayant jamais caché que je n’ai rien à dire sur de multiple sujet que j’ignore, et gardant habituellement à l’esprit plusieurs hypothèses contradictoires sur le développement possible d’événements où je ne distingue pas encore de saut qualitatif. En parlant ici pour moi, je veux croire tout de même, comme dirait Vaneigem, que je parle aussi pour quelques autres. Et, par anticipation, pour tous ceux des camarades qui se décideront à auto-gérer consciemment l’essentiel de leur activité”.

Ancora (in questo passaggio, anziché di comunità Debord accenna a un territoire de l’accord, sebbene non sia praticamente occupato, il quale sarebbe l’essenziale dell’impresa comune nell’I.S.):

“J’espère qu’il ne faudra pas aller, dans la suite de cette discussion, jusqu’à faire tous des portraits, dans le genre du XVII° siècle, sur le style de conduite des uns ou des autres. Ce serait cependant mieux que de se taire ou de parler de nobles généralités qui deviennent des abstractions ridicules en regard de certaines arriérations de notre pratique réelle. Il faut voir, et dominer, les obstacles concrets. Il y a un véritable accord entre nous, mais le territoire de l’accord est presque inoccupé (par rapport à sa définition même, qui est exigeante mais, je crois, justement exigeante). Ce territoire de l’accord - que j’ai désigné plus haut comme celui où se joue et se vérifie le qualitatif -, c’est évidemment l’essentiel de notre entreprise commune dans l’I.S. (et non tel talent précis ou telle erreur circonstancielle) et c’est aussi l’essentiel de la vie personnelle de chacun de nous (et non certes tel goût ou telle bizarrerie individuels). C’est ici qu’il faut engager notre dialectique, car si elle ne fait pas ses preuves ici, ailleurs elle est mutilée et fausse. Et c’est également le domaine central où aucun de nous ne doit être notablement plus fort que d’autres, sinon le rapport hiérarchique existerait de facto, en dépit des illusions ou bonnes intentions de tous et de chacun”.

Se dell’essenziale si dice che è sostanzialmente del tutto inespresso, la questione della leadership reale contrasta direttamente i principi cosiddetti rivoluzionari, e perciò viene esposta in modo obliquo:

“La trivialité du réel envisagé ici (au moins comme tendance menaçante) doit nous mener à dire ou répéter des banalités que l’on rougirait d’avoir à marquer si l’on dressait seulement le plan d’une forteresse de la théorie. Et ceci par exemple: si un groupe anti-hiérarchique prend l’habitude de laisser à un seul de ses membres la fonction d’avoir raison (l’analyse de ce qu’on fait, et la connaissance de son résultat), même si les effets extérieurs se trouvaient être chaque fois heureux, ce groupe dépendrait en fait du caprice de cet individu. Car, pour qui laisse finalement choisir par un autre l’issue favorable des problèmes rencontrés, le caprice de cet autre se trouve déjà être ce qui a suffisamment raison; de même que le fait d’avoir réellement raison sans contrôle effectif se ramène au simple caprice”.

Dello stile organizzativo dell’I.S. viene detto, di nuovo, che esso è specifico (termine evidentemente capzioso) ed efficace. Non ne viene criticata né la specificità né il grado di efficacia - viene criticato “il fatto essenziale che che questo stile non è realmente applicato tra noi stessi”:

“Le style d’organisation défini par l’I.S., et que nous avons essayé d’appliquer, n’est pas celui des Conseils, ni même celui que nous esquissons pour l’organisation révolutionnaire en général; il est spécifique, lié à notre tâche telle que nous l’entendons jusqu’ici. Ce style a eu d’évidents succès. Maintenant encore, il ne s’agit pas de le critiquer parce qu’il manquerait relativement d’efficacité: si nous surmontons bien les problèmes actuels de la phase d’entrée dans une nouvelle époque, nous continuerons à avoir plus d’efficacité que bien d’autres; et si nous ne les surmontons pas, peu importe que nous ayons mené un peu plus vite ou un peu plus lentement quelques publications et quelques rencontres. Je ne critique donc pas une certaine inefficacité de ce style d’organisation, mais le fait essentiel qu’en ce moment ce style n’est pas réellement appliqué parmi nous. Si, malgré tous ses avantages, notre formule d’organisation a cet unique défaut de n’être pas réelle, il est évident que nous devons de toute urgence la rendre réelle, ou bien y renoncer et définir un autre style d’organisation, soit pour une suite de l’I.S., soit pour un regroupement sur d’autres bases, dont la nouvelle époque créera certainement un jour les conditions. De toutes façons, pour reprendre la phrase de Salvadori, la plupart d’entre nous ne s’arrêteront pas de danser. Il faut seulement arrêter de faire semblant”.

Nell’ultimo paragrafo di questa nota, Debord anticipa di fatto la dissoluzione dell’organizzazione, ma lo fa suggerendo un percorso di ri-adesione e di accordi tra “individui concreti” (ma rifiutando la costituzioni di “correnti formali” - tendances formelles):

“Puisque le problème actuel n’est pas au niveau simplement théorique (et qu’il se dissimule quand on mène une discussion théorique, d’ailleurs presque sans contenu, puisque l’unanimité s’y ferait tout de suite, sans conséquence), je ne crois pas qu’on puisse le régler en constituant des tendances formelles (et moins encore en l’oubliant). Je crois que chacun de nous pourrait essayer de trouver d’abord avec un autre situationniste, par affinité et par expérience, et après discussion très complète, un accord théorico-pratique tenant compte de tous les éléments que nous connaissons déjà (et de ceux qui pourront apparaître en continuant cette discussion). Cet accord pourrait s’étendre ensuite, avec la même prudence, à un autre, etc. On aurait peut-être ainsi quelques regroupements qui seraient capables de dialoguer ensemble, pour s’opposer ou s’accorder? Le processus pourrait être long (mais pas forcément), et ce serait probablement une manière de mettre en pratique cette perspective évoquée voici quelques mois, mais peu avancée depuis, de réadhérer à l’I.S. (sans suspendre formellement l’accord actuel, mais en préparant dores et déjà son avenir). Autant dire qu’il est temps de chercher, derrière l’abstraction, maintenant bien reconnue, de l’organisation I.S., des individus concrets; et ce que réellement ils veulent et peuvent faire. Sans prétendre obtenir quelque assurance stable pour la suite, cela permettrait au moins de traiter en pleine lumière toutes les difficultés ou les impressions décourageantes que l’on a déjà constatées. Il faudra donc encore parler de tout ceci, jusqu’à ce que les faits permettent de se taire”.

La settima conferenza dell’I.S., tenutasi a Parigi nel 1966, aveva adottato una Définition minimum des organisations révolutionnaires che è interessante perché esclude altre “specificità”:

“Considérant que le seul but d’une organisation révolutionnaire est l’abolition des classes existantes par une voie qui n’entraîne pas une nouvelle division de la société, nous qualifions de révolutionnaire toute organisation qui poursuit avec conséquence la réalisation internationale du pouvoir absolu des Conseils ouvriers, tel qu’il a été esquissé par l’expérience des révolutions prolétariennes de ce siècle.

Une telle organisation présente une critique unitaire du monde, ou n’est rien. Par critique unitaire, nous entendons une critique prononcée globalement contre toutes les zones géographiques où sont installées diverses formes de pouvoirs séparés socio-économiques, et aussi prononcée globalement contre tous les aspects de la vie.

Une telle organisation reconnaît le commencement et la fin de son programme dans la décolonisation totale de la vie quotidienne ; elle ne vise donc pas l’autogestion du monde existant par les masses, mais sa transformation ininterrompue. Elle porte la critique radicale de l’économie politique, le dépassement de la marchandise et du salariat.

Une telle organisation refuse toute reproduction en elle-même des conditions hiérarchiques du monde dominant. La seule limite de la participation à sa démocratie totale, c’est la reconnaissance et l’auto-appropriation par tous ses membres de la cohérence de sa critique : cette cohérence doit être dans la théorie critique proprement dite, et dans le rapport entre cette théorie et l’activité pratique. Elle critique radicalement toute idéologie en tant que pouvoir séparé des idées et idées du pouvoir séparé. Ainsi elle est en même temps la négation de toute survivance de la religion, et de l’actuel spectacle social qui, de l’information à la culture massifiées, monopolise toute communication des hommes autour d’une réception unilatérale des images de leur activité aliénée. Elle dissout toute idéologie révolutionnaire en la démasquant comme signature de l’échec du projet révolutionnaire, comme propriété privée de nouveaux spécialistes du pouvoir, comme imposture d’une nouvelle représentation qui s’érige au-dessus de la vie réelle prolétarisée.

La catégorie de la totalité étant le jugement dernier de l’organisation révolutionnaire moderne, celle-ci est finalement une critique de la politique. Elle doit viser explicitement, dans sa victoire, sa propre fin en tant qu’organisation séparée”.

Il rifiuto di riprodurre al proprio interno le “condizioni gerarchiche del mondo dominante” è assoluto. Si parla di una “democrazia totale”, alla quale l’unico limite posto è la coerenza della critica da parte di tutti i membri (coerenza nella teoria e nel rapporto tra la teoria e l’attività pratica). Può sembrare un limite necessario, ma su questa frontiera la democrazia totale frana.

Nell’aprile del 1968 Debord aveva redatto delle note sulla Question de l’organisation pour l’I.S.

In esse si trovano degli spunti interessanti:

“L’I.S. doit maintenant prouver son efficacité dans un stade ultérieur de l’activité révolutionnaire - ou bien disparaître.

Pour avoir des chances d’atteindre cette efficacité, il faut voir et déclarer quelques vérités sur l’I.S., qui évidemment étaient déjà vraies auparavant: mais, dans le stade présent, où ce vrai se vérifie, il est devenu urgent de le préciser.

L’I.S. n’ayant jamais été considérée par nous comme un but, mais comme un moment d’une activité historique, la force des choses nous mène maintenant à le prouver. La cohérence de l’I.S., c’est le rapport, tendant à la cohérence, entre toutes nos thèses formulées; entre elles et notre action; ainsi que notre solidarité pour les questions (beaucoup, mais non toutes) où quelqu’un de nous doit engager la responsabilité des autres. Ce ne peut être la maîtrise garantie à quiconque, qui serait réputé avoir si bien acquis nos bases théoriques qu’il en tirerait automatiquement la bonne conduite indiscutable. Ce ne peut être l’exigence (encore moins la reconnaissance) d’une excellence égale de tous sur toutes les questions ou opérations.

La cohérence s’acquiert et se vérifie par la participation égalitaire à l’ensemble d’une pratique commune, qui à la fois révèle les défauts et fournit les remèdes - cette pratique exige des réunions formelles arrêtant les décisions, la transmission de toutes les informations, l’examen de tous les manquements constatés.

Cette pratique réclame à présent plus de participants dans l’I.S., pris parmi ceux qui affirment leur accord et montrent leurs capacités. Le petit nombre, assez injustement sélectionné jusqu’ici, a été cause et conséquence d’une surestimation ridicule officiellement accordée à tous les membres de l’I.S., du seul fait qu’ils le sont, alors même que beaucoup n’avaient nullement prouvé des capacités minimum réelles (voir les exclusions depuis un an, garnautins ou Anglais). Une telle limitation numérique pseudo-qualitative augmente exagérément l’importance de toute sottise particulière, en même temps qu’elle la suscite.

Un produit direct de cette illusion sélective, à l’extérieur, a été la reconnaissance mythologique de pseudo-groupes autonomes, situés glorieusement au niveau de l’I.S., alors qu’ils n’en étaient que les débiles admirateurs (donc, forcément, à court terme, les malhonnêtes détracteurs). Il me semble que nous ne pouvons pas reconnaître de groupe autonome sans milieu de travail pratique autonome; ni la réussite durable d’un groupe autonome sans action unie avec les ouvriers (sans bien sûr que ceci retombe au-dessous de notre Définition minimum des organisations révolutionnaires). Toutes sortes d’expériences récentes ont montré le confusionnisme récupéré du terme anarchiste, et il me semble que nous devons partout nous y opposer.

J’estime qu’il faut admettre dans l’I.S. la possibilité de tendances à propos de diverses préoccupations ou options tactiques, à condition que ne soient pas mises en question nos bases générales. De même, il faut aller vers une complète autonomie pratique des groupes nationaux, à mesure qu’ils pourront se constituer réellement.

Au contraire des habitudes des exclus qui, en 1966, prétendaient atteindre — inactivement — dans l’I.S. une réalisation totale de la transparence et de l’amitié (on se trouvait presque gênés de juger leur compagnie ennuyeuse), et qui corollairement développaient en secret les jalousies les plus idiotes, les mensonges indignes de l’école primaire, les complots aussi ignominieux qu’irrationnels, nous devons n’admettre entre nous que des rapports historiques (une confiance critique, la connaissance des possibilités ou limites de chacun), mais sur la base de la loyauté fondamentale qu’exige le projet révolutionnaire qui se définit depuis plus d’un siècle.

Nous n’avons pas le droit de nous tromper dans la rupture. Nous devrons nous tromper encore dans l’adhésion — plus ou moins fréquemment — : les exclusions n’ont presque jamais marqué un progrès théorique de l’I.S. (nous ne découvrions pas à ces occasions une définition plus précise de ce qui est inacceptable — le côté surprenant du garnautisme tient justement au fait qu’il était une exception à cette règle). Les exclusions ont été presque toujours des réponses à des pressions objectives que les conditions existantes réservent à notre action : ceci risque donc de se reproduire à des niveaux plus élevés. Toutes sortes de nashismes pourraient se reformer : il s’agit seulement d’être en état de les détruire.

Pour accorder la forme de ce débat à ce que je crois devoir être son contenu, je propose que ce texte soit communiqué à certains camarades proches de l’I.S. ou susceptibles d’en faire partie, et que nous sollicitions leur avis sur cette question”.

Dunque da una parte Debord sostiene di voler allargare le basi dell’I.S. (con la possibilità ulteriore di creare delle correnti), ma dall’altra giudica essere degli idioti noiosi coloro che, nel tempo, ne sono stati esclusi (per esempio quelli del 1966). Mentre, all’esterno, i suoi lettori, cioè la base reale dell’I.S., cioè coloro che vengono contabilizzati come i “débiles admirateurs” dell’I.S., non sono considerati niente di più che che dei “malhonnêtes détracteurs”.

Tornando al settembre del 1970, in quel periodo Debord si deve occupare degli americani. Nella lettera di Horelick e Verlaan del 21 settembre si trovano degli accenni interessanti:

“Nous voyons la tendance de l’I.S. après mai 68 à être plus qu’un groupe de théoriciens, sans rechercher les bases objectives nécessaires pour un tel projet. Un tel point de départ, parmi d’autres, sert pour une reconnaissance critique des différences réelles qui existent entre nous dans le développement théorico-pratique, comment réaliser au mieux les différentes capacités tout autant qu’éliminer les inégalités limitées qui existent. L’échec, qui remonte loin, à commencer par la communication dans cette sorte de perspective, peut être relié aux symptômes de hiérarchie dans la section française, en dépit des meilleures intentions, et tout autant à l’extrémisme et au drame revêtus par chaque critique.

A Venise, nous n’avons fait que nous rencontrer les uns les autres et parader devant les autres sans jamais parler de qui nous étions et de ce que nous pensions pouvoir faire ensemble dans cette nouvelle époque de l’I.S. Après des crises interminables on a commencé à chercher un nouveau terrain, au moment où la comédie des exclusions était devenue toute la pratique situationniste. La tête mal attachée aux épaules nous pouvons parler maintenant d’une façon plus décisive. Et malgré le grand nombre de séparations récentes, le débat stratégique n’a pas encore atteint  une discussion précise des critères de participation individuelle qu’on pourrait en déduire; sinon que signifierait le fait qu’on ne puisse les formuler?

A côté du brouillard objectif de l’I.S. sur elle-même depuis pas mal de temps, c’est dans les exclusions que nous voyons une seconde force désastreuse. Là, nous avons montré que nous n’avions pas appris à attendre, ayant peut-être perdu tout discernement pour les situations organisationnelles. L’I.S. n’a pas réussi à réaliser l’autonomie de ses sections dans les moments extrêmes. La première crise italienne a immédiatement touché la section française. C’est à Paris que Pavan a commencé à discuter l’état réel et détaillé des affaires d’argent de Sanguinetti, et ce après la conférence des délégués où il aurait dû révéler tout ce qu’il savait. Les visites des Italiens à Paris qui coïncidaient avec les moments les plus aigus de la crise dans leur section n’ont pas rendu plus relatives les frontières entre les sections française et italienne, ni garanti la nécessité pour les Français de répondre immédiatement à un ultimatum dans la section italienne en dépit de son obscurité. Il semble que cela trouve un répondant dans les communications téléphoniques de Salvadori à Paris et dans les réponses qui leur furent faites.

Sur le terrain d’une pratique demeurant abstraite et avec l’apparition d’un spontanéisme organisationnel, une idéologisation implicite est intervenue par les exclusions. Les manquements eux-mêmes n’échappent pas au domaine de la dépilation subjective et au déclin individuel, lequel n’est ni un facteur ajouté au développement que nous pouvons voir, ni le résultat unilatéral d’une incohérence commune. Dans la période récente, l’I.S. a été la somme totale des échecs individuels pour parvenir à une pratique consciente, à appliquer notre sans critique à nos propres déboires, à engager individuellement une analyse théorique, à mettre en pratique un grand nombre d’excellentes propositions qui ont été versées au débat stratégique. Le trait le plus bizarre de la dernière tragi-comédie italienne est que les deux Italiens n’ont rien fait durant les six derniers mois; à moins que ce qu’ils aient fait effectivement n’ait eu aucune signification pour eux. L’aberration de Salvadori est une expression extrême d’un des aspects d’une force ultime avec laquelle nous nous mesurons: le situisme. Nous avons là les dernières enjolivures d’une fusion abstraite de la vie quotidienne avec l’organisation révolutionnaire dans leur décrépitude commune. Avec le retard pris dans la mise au point des bases d’une activité pour la nouvelle période (et lorsque quelques unes sont formulées, on s’aperçoit qu’elles sont simplement théoriques), avec l’appréhension géométriquement abstraite du terrain de la pratique, les banalités les plus basiques deviennent finalement des relations historiques magnifiées. Nous croyons que le type d’exclusion déterminée par l’échec survenu dans les situations banalisées trouve son origine dans un passé aussi lointain que la disparition de Chevalier.

Là où le domaine de la pratique qui critique sans douceur le monde existant n’est plus en prise avec l’organisation situationniste, nous devrions suspendre le ton de l’ultimatum, ainsi que les exclusions, jusqu’à ce que nous puissions voir comment les échecs infèrent concrètement avec le projet réel. De l’autre côté de l’extrémisme au service de l’arme de l’exclusion, et qui conséquemment se résout en situisme, il y a la position des trois camarades français à l’égard de Sanguinetti: idéalisation euphorique du situ, car l’échec réel n’est jamais considéré comme corrigible, et ceci en proportion directe avec l’aveuglement qu’ils ont manifesté eu égard à leur participation à ces erreurs (soumission initiale) et donc leur aveuglement envers eux-mêmes. Ce genre de malaise n’est pas automatiquement fatal. Mais à la lumière de ce développement des critères subjectifs fantasmagoriques auquel on assiste, aussi bien que du silence généralisé vis à vis des bases de la participation aujourd’hui dans une organisation révolutionnaire, et de l’échec commun de la pratique en général, nous croyons qu’il est nécessaire de reconsidérer quelque peu la totalité des échecs incorrigibles survenus récemment, en ce sens que, peut-être, quelques uns de nos anciens amis qui ont été exclus méritaient plus qu’une exclusion, c’est à dire une chance de dépassement au sein de l’I.S. Aucun des échecs individuels ne doit être considéré en fonction de notre présente faiblesse; quelques uns ne méritaient pas la moindre réflexion”.

La proposta è dunque quella di far cessare la pratica delle esclusioni. “Nous ne voulons pas jouer un jeu politique de rédemption. Nous voulons participer au sauvetage de l’I.S. - la vérité de sa théorie”.

La risposta di Debord è facile da intuire: “I don’t agree with this view: the breaks have not been made in the name of a would-be perfection, against strictly or arbitrarily designated failures, but simply on the basis of certain realities that we have not found it possible to accept. There are no unjustified exclusions. We have always been too indulgent and in no way too strict”. Troppo indulgenti semmai finora. E chi sarebbe da ri-ammettre nell’I.S. si chiede Debord: “Since you haven’t specified anyone for a future discussion about re-joining - one wonders if you are thinking about the subtle politician Khayati? or the loyal Pavan? about the democratic Chasse? about the revolutionary Garnault?” Ad ognuno il suo epitaffio.

Il 14 novembre arrivano le dimissioni dall’I.S. di Vaneigem. Egli aveva compreso perfettamente ciò che avrebbe comportato la sortita della tendenza, ovvero la dissoluzione dell’I.S. e la conseguente la ricerca di capri espiatori. Il “malessere a stare insieme” evocato nella lettera tuttavia non viene indagato. Meglio essere “radicalmente laconico”, come dichiareranno dopo i tre in una comunicazione a Sebastiani. Tuttavia Vaneigem  risponde almeno alla velenosa allusione di comportarsi come un ex combattente (che non sarà mai - affermazione che si può fare facilmente essendo passati da allora più di quarant’anni ed avendone vagliato i comportamenti). Di più: alludendo ad un futuro giudizio degli storici, Vaneigem tocca una corda molto sensibile per Debord.

“La tendance qui s’est constituée, le 11 novembre 1970, dans la section française a le mérite d’être la dernière abstraction à pouvoir se formuler dans, pour et au nom de l’I.S. S’il est vrai que le groupe n’a jamais été que la somme des capacités et des faiblesses, très inégalement réparties, de ses membres, il n’y a plus, dans le moment qui nous préoccupe, d’apparente communauté, pas même de tendance, qui fasse oublier que chacun est seul à répondre de soi-même. Comment ce qu’il y avait de passionnant dans la conscience d’un projet commun a-t-il pu se transformer en un malaise d’être ensemble? C’est ce que les historiens établiront. Je ne me sens ni la vocation d’historien, ni celle de penseur, à la retraite ou non, pour devenir ancien combattant. Outre que l’analyse aisée du peu de pénétration de la théorie situationniste en milieu ouvrier et du peu de pénétration ouvrière en milieu situationniste ne serait dans l’instant qu’un prétexte à la fausse bonne conscience de notre échec.
Mais sans doute, pour être enfin concret - car il n’y a pas de réponse concrète hors de la preuve que chacun devra donner de ce qu’il est réellement -, dois-je parler plutôt de mon échec. Pour ce qui est du passé, j’ai toujours prêté, très à la légère, à la plupart des camarades ou ex-camarades de l’I.S. au moins autant de capacités et d’honnêteté que je m’en reconnaissais, m’illusionnant ainsi à la fois sur les autres et sur moi.
Je mesure assez ce qu’une telle attitude a pu, contradictoirement, susciter, dans l’Internationale, de tactiques manœuvrières plus ou moins habiles et toujours odieuses; et créer dans le même temps des conditions d’idéologie. Ceci dit, l’histoire individuelle des camarades, la mienne et l’histoire collective feront la part de mes erreurs et de mes options correctes. (Je précise néanmoins que je crache à la gueule de quiconque, présent ou à venir, me découvrirait des intentions secrètes, quelles qu’elles soient, et avec cette bonne foi critique que l’on a vu si souvent s’étaler après coup.)
Pour le présent, il me suffit de constater ma carence à avoir fait progresser un mouvement que j’ai toujours tenu pour la condition de ma radicalité. Ce serait désarmer la naïveté même que de vouloir encore sauver un groupe pour me sauver alors que je n’ai su en faire rien de ce que je voulais vraiment qu’il fût. Je préfère donc reprendre le pari que mon adhésion à l’I.S. avait différé : me perdre absolument ou refaire absolument ma propre cohérence, et la refaire seul pour la refaire avec le plus grand nombre.
Mais avant de laisser à la révolution le soin de reconnaître les siens, je tiens dès aujourd’hui à ce que s’appliquent à mon égard les exigences que j’ai formulées sur les groupes autonomes : je ne reprendrai de contacts avec les camarades qui le souhaiteront, et que je souhaiterai revoir, que dans la réussite effective d’une agitation révolutionnaire que mon goût du plaisir radical aura su entreprendre.
Si toutefois la tendance jugeait sa critique suffisante en soi, sans autre preuve, pour reconstituer la section française, elle devrait aussitôt me considérer comme démissionnaire, avec les conséquences, que j’accepte, de ne nous revoir jamais”.

La lettera in traduzione italiana:

“La tendenza che si è costituita, l’11 novembre 1970, nella sezione francese ha il merito di essere l’ultima astrazione a potersi formulare dentro, per, e a nome dell’I.S. Se è vero che il gruppo non è mai stato che la somma delle capacità e delle debolezze, assai disegualmente ripartite, dei suoi membri, non c’è più, nel momento che ci preoccupa, apparente comunità, e neppure tendenza, che faccia dimenticare che ciascuno è solo a rispondere di se stesso. Come ha potuto ciò che c’era di appassionante nella coscienza di un progetto comune trasformarsi in un malessere a stare insieme? E’ quello che stabiliranno gli storici. Non mi sento né la vocazione di storico, né quella di pensatore, in pensione o no, per divenire un ex combattente. A parte che la facile analisi della scarsa penetrazione della teoria situazionista nell’ambiente operaio e della scarsa penetrazione operaia nell’ambiente situazionista sarebbe in questo istante soltanto un pretesto per la falsa buona coscienza del nostro fallimento.

Ma senza dubbio, per essere infine concreto - poiché non vi è risposta concreta al di fuori della prova che ciascuno dovrà dare di ciò che è realmente -, devo parlare invece del mio fallimento. Per quanto riguarda il passato, ho sempre prestato, molto alla leggera, alla maggior parte dei compagni o degli ex compagni dell’I.S. almeno altrettante capacità e onestà di quante me ne riconoscevo, illudendomi contemporaneamente sugli altri e su me stesso. Mi rendo conto in che misura tale attitudine ha potuto contraddittoriamente suscitare, nell’Internazionale Situazionista, tattiche manovriere più o meno abili e sempre odiose; e creare nello stesso tempo condizioni per l’ideologia. Detto questo, la storia individuale dei compagni, la mia e la storia collettiva distribuiranno le parti tra i miei errori e le opinioni corrette. (Preciso nondimeno che sputerò in faccia a chiunque, ora e in futuro, scopra in me delle intenzioni segrete, quali che siano, e con quella buona fede critica che si è vista sovente esibire a posteriori).

Per il presente, mi è sufficiente constatare la mia carenza nell’aver fatto progredire un movimento che ho sempre ritenuto la condizione della mia radicalità: sarebbe disarmare l’ingenuità stessa voler ancora salvare un gruppo per salvarmi, quando non ho saputo farne niente di ciò che volevo veramente che fosse. Preferisco dunque riprendere la sfida che la mia adesione all’I.S. aveva differito: perdermi assolutamente o rifare assolutamente la mia coerenza, e rifarla da solo per rifarla con il più gran numero.

Ma prima di lasciare alla rivoluzione la cura di scegliere i suoi, ci tengo da oggi che si applichino nei miei confronti le esigenze che ho formulato sui gruppi autonomi: non riprenderò i contatti con i compagni che lo desidereranno, e che io desidererò rivedere, se non all’interno della riuscita effettiva di un’agitazione rivoluzionaria che il mio gusto del piacere radicale avrà saputo intraprendere.

Se tuttavia la tendenza giudicasse la sua critica sufficiente in sé, senza altra prova, per ricostituire la sezione francese, dovrà immediatamente considerarmi dimissionario, con le conseguenze, che accetto, di non rivederci mai più”.

L’11 novembre usciva la Dichiarazione della corrente Debord-Riesel-Viénet. In essa c’era un passaggio che riguardava gli americani: “Sans vouloir préjuger de leurs éventuelles réponses plus approfondies et plus sérieuses, nous déclarons notre désaccord avec les camarades américains qui ont constitué une tendance dont les bases sont tout à fait futiles. A l’heure présente, la futilité enfantine des pseudo-critiques est un bluff aussi inacceptable que la noble généralité du pseudo-contentement; tout ceci étant au même titre une fuite devant la critique réelle”.

Non pare proprio che il giudizio espresso consenta realisticamente una non-pregiudicabile risposta (la quale dovrà essere tuttavia “più approfondita e più seria” delle precedenti; e questa limitazione fa comprendere bene invece che un pregiudizio francese c’era - eccome).

Comunque il 17 novembre una risposta arriva da New York. L’analisi degli americani risponde puntualmente alle richieste e ai rilievi mossi dai francesi (Debord) e comprende il seguente passaggio:

“We definitely see from your own analysis of mutual criticism entre la rupture et le contentement de principe, il semble qu’il n’y ait pas de place pour la critique réelle. Elle reste inutile, et passe pour de la mauvaise humeur and the relationship between public silence, and private dissatisfaction the objective absence of individual immediacy in the critical sense that also has to be applied among other things to others or, put another way, a certain paralysis to discuss directly some limited questions, necessarily criticizable, but unrelated to exclusion. Perhaps the general motivation behind such opaqueness is some unreflected concern for guarding individual spontaneity, or some unreflected concern for guarding individual spontaneity, or some belief in the perfection of situationists until the exclusion arrives.

The fundamental consequence of these tendencies revolves around critical theory itself, because there is no theory in revolutionary organization that does not begin with the use that has to be made of it. Our theoretical activity itself has always been practical? Recently it has not been employed dialectically. It has been applied too often to the wrong situation, and too little to the essential moments of our activity. The central scandal that evolves accordingly against the situationist theory is its arbitrary detachment in the abstract reduced finally to pure mannerisms. Subjectively, revolutionary organization has not appeared to supersede intellectual rapports in its interior according to the modes in which it has pierced the walls. If there has been poor application of the methods of organization of spontaneity, it is essentially because our relations in general, and our inter-subjective rapports in particular have been for a large part purely theorized, to the extent that they begin to function in theory alone, which is in direct opposition to Vaneigem’s sense of radical subjectivity as the melting pot of subjectivity. Perhaps we must recognize that we ourselves are still in the process of piercing the walls.

Over the last twelve months of activity in our organization, we heard a great deal of theory in crisis, and the echoes of organizational questions had reverberated torturously in the mind of everyone. It is unquestionable that every theoretico-practical question can be, and is expressed organizationally. But according to the qualitative dimension of our practice, that relation had been absolutely reversed, with resulting obscurity. That disassociation of the basic pattern of organizational development found its expression in the strategic debate, in the common affirmation, of returning to a rigorous practice, because it is the only state in which problems themselves are sufficiently enlightening. In other words creative subversion in every stage of development has to initiate the advances, adjusted, and made precise, in common organization; and to a significant extent our common projects should still only be the meeting place for the fusion of individual projects, that is to say, their proliferation. Creative management and the management of creativity are one and the same dependency on solid individual participation. We appreciate in particular Martin’s alertness in the past to a growing political tendency in the S.I., as well as the statement made at Venice conference by one of our best, and worst comrades, Mustapha Khayati, when he said that when every minuscule detail deserves a great, theoretical explanation, we see again ideology”.

Questo documento non può tenere conto della Dichiarazione di Debord-Riesel-Viénet non ancora ricevuta. Nel momento di inviarlo in Francia la ricevono ed immediatamente gli americani rispondono:

“At the finish of our enclosed analysis yesterday, we received your Déclaration, and naturally that analysis does not take it into account. We must introduce some introductory remarks according to it, before we can achieve a common clarity, even if it applies to our fundamental disagreement. In the S.I. today it is important to achieve if necessary the maximum possible of objective coherence in a scission.

Concerning the superficiality of our last letter of Sept. 21, we believe Guy Debord was perfectly correct to expect more precision that reciprocated our own expectation. That letter sought to begin to answer more concretely the urgency of our organizational problem as put in its proper context by Debord in Remarques sur l’I.S. aujourd’hui. Our own particular activity on the american terrain, especially in the review, has been directly connected to that problem, and its urgency. And we were not satisfied with the apparent end of its critique.

Before any further precise disagreement begins to enlarge itself through further correspondence, however long it actually is, we must refer once more to the last paragraph of our letter of Sept. 21st, where we register the delimitations of the preliminaries toward a tendency.

To ignore that paragraph is a bluff in naming it as an infantile pseudo-critique. We insist that you address ad hominem the suspicions expressed through the generalities of your Déclaration”.

Questa nota viene firmata: For the tendency for the truth of our practice da Verlaan e Horelick.

Il 19 novembre Sebastiani risponde alla Dichiarazione dei tre situazionisti francesi.

Sebastiani si offre volontariamente come bersaglio della critica ad hominem annunciata dai tre: “Je dois donc déclarer tout de suite que si ma réponse était rejetée, je ne formerais pas une autre tendance (seul ou avec d’autres camarades) qui, allant forcément contre la vôtre, ne pourrait s’intituler que: Pour l’inactivité dans l’I.S. Je précise également que vous seuls pourrez juger si ma réponse est en contradiction avec mon existence réelle ou non; si elle est abstraite ou non. Ainsi tout ce que je vais écrire dorénavant pourra être retenu contre moi. Vous voulez une critique ad hominem, allons-y ad libitum”.

Infatti continua così: “Deux aspects apparaissent nettement dans votre Déclaration: l’inactivité collective depuis deux ans, d’une part, et le silence entretenu par certains sur cette inactivité, d’autre part. L’approfondissement de plus en plus aigu de la crise, jusqu’à son point de non-retour, n’est que la résultante de ces deux phénomènes. Ce silence vous venez de le briser, et ainsi vous forcez les autres, ceux qui étaient restés encore muets, à briser le leur.

Sur mon silence je n’ai, par la force des choses, rien à dire. Je me suis tu. J’ai laissé aller en me laissant aller. Il m’est donc impossible de tirer quoi que ce soit d’un passé silencieux pour l’avenir. Il m’est impossible de commencer avec moi-même et avec d’autres avant d’avoir liquidé complètement tout silence à l’égard du passé. C’est ce que je tente de faire aujourd’hui”.

Poi dichiara che i tre hanno ragione ad essere infuriati: “La rage, parfaitement justifiée, qui se dégage de la Déclaration est due au fait que ce sont toujours les mêmes camarades qui prennent les initiatives, qui dénoncent les malaises, qui sont la conscience qui s’exprime d’une organisation qui doit être ce qu’elle n’est pas”.

Sullo stallo del n.13 della rivista: “Que l’on comprenne bien que je ne tiens pas à porter tous les malheurs de l’I.S. sur mes épaules: je sais fort bien qu’en matière d’inactivité collective il n’y a pas d’innocent. Et je serai littéralement anéanti si les autres avaient eu une activité débordante). Donc, le climat de cette dernière époque était au variable fixe, au grisâtre; quelques lueurs venaient, de temps en temps, dissiper le brouillard. Les engagements les plus terre-à-terre n’étaient pas tenus; le train-train, le laisser-aller, le courrier envahissaient de plus en plus l’espace rédactionnel qui était pourtant bien petit; plus aucun plaisir. Il n’y eut aucun travail de recherche vraiment sérieux, individuel ou collectif; rien de réellement intéressant n’a été exprimé; rien de nouveau. On avait l’impression qu’il était suffisant pour rédiger une revue de l’I.S. de se rencontrer, de se mettre à une table, de prendre une feuille de papier et un stylo, de choisir un article et de l’écrire comme ça, sans lever la plume, un peu au hasard (je caricature mais à peine, tout en sachant que ce genre de technique peut s’appliquer à quelques brèves notules.—Mais c’est déjà une bizarre méthode que de commencer par les sujets les moins importants; par exemple, n’ont même pas été soumis au moindre petit débat: modernisation de l’idéologie moderne, le point sur les U.S.A., forces productives et moment révolutionnaire, perspective d’un pouvoir des Soviets en Russie. A part l’Avertissement et La mort du Surréalisme qui sont écrits, tous les autres articles sont à peine commencés). Nous avons mis la charrue avant les bœufs, et quand nous avons été chercher ceux-ci pour la faire avancer ils n’étaient plus là. Je pourrais donner plusieurs exemples, qui n’ont rien de grave en soi mais qui reflètent bien l’ennui, l’insatisfaction inavouée de tous et de soi-même, de cette nonchalance dépassionnante, et qui n’illustrent pas l’inactivité uniquement du Comité de Rédaction, mais aussi celle qui est l’indifférence devant les problèmes précis qu’une pression objective nous a posés à l’intérieur de l’organisation. Pendant des mois et des mois le langage dans lequel tous se reconnaissent comme agissant consciencieusement n’a pas existé”.

Infine la vita privata del rivoluzionario Sebastiani sotto lo sguardo indagatorio di Riesel: “Mon style de vie est certainement très critiquable. Lorsque quelqu’un me demande comment vis-tu? je réponds toujours mal - bien que je vis mieux qu’un ministre comme disait un vieux clochard de mes amis. Mais ce que je n’accepte pas ce sont les reproches que Riesel m’a adressé le 12 au soir. Il me disait avoir été choqué de me voir en compagnie de Mustapha Khayati et quelques autres par hasard au coin d’une rue. Je dois donc déclarer que je n’ai aucun contact plus ou moins continu avec cet ex-situationniste ou que je me complairais en sa compagnie en vertu de je-ne-sais quel penchant à l’indulgence envers le pauvre compagnon égaré. De plus je trouve, comme tous, qu’il est assez énervant de voir Khayati servir d’intermédiaire dans des affaires qui nous concernent et jusque dans des affaires d’appartements mal conduites. Je n’ai pas été choqué que Riesel pense cela. Ce qui m’étonne c’est qu’il ne me l’ait pas fait savoir avant. Riesl a manqué là une occasion de me critiquer sur un aspect de ma vie qu’il trouvait critiquable. Je lui aurais d’ailleurs répondu que nous ne formions nullement une petite bande mais que nous allions simplement dîner. Peut-être n’a-t-il pas fait cette critique parce qu’elle lui paraissait inutile à ce moment là? De même qu’il paraissait sans doute inutile de critiquer notre style des relations inter-situs avant d’avoir le plus de certitude possible que ce style ne se reproduira pas? Ceci ne valait d’être écrit seulement dans la mesure où ces précisions m’avaient été fournies”.

La risposta dei tre è inquisitoria e sarcastica quanto ha consentito ed autorizzato a procedere la stessa nota di Sebastiani:

“Nous avons lu ta lettre du 19 novembre. Nous prenons note du fait que tu ne veux pas participer à une tendance qui aurait quelque chose à opposer à la nôtre. Nous comprenons donc que tu envisages une démission, dont tu nous laisses juges. Considérant que ta position, pour l’essentiel, nous permet de conserver l’estime que nous avons pu t’accorder (quelques détails de ta lettre appelant cependant des mises au point, ci-après), nous devons te demander encore des réponses sur les questions principales absentes de ta lettre:

1.  En dehors du problème superficiel de la rédaction du n° 13 - qui fait presque toute ta lettre - que signifie, à ton avis, le refus de prendre des responsabilités dans l’action de l’I.S.? L’inégalité de fait? Le silence sur cette inégalité? Notre tendance n’est pas constituée par le critère de ceux qui auraient fait le plus dans la rédaction du n° 13; mais de ceux qui ont le plus nettement rejeté l’absence et le mensonge dans l’I.S.

2.  Que penses-tu de la tendance américaine?

3.  Si tu déplores, justement, un manque d’apports théoriques dans le travail du Comité de Rédaction depuis six mois, quels sont les points que tu es prêt toi-même à traiter immédiatement?

4.  Que penses-tu, à part le fait qu’elle est radicalement laconique, de la réponse de Vaneigem?

Pour ajouter quelques détails utiles, c’est le lieu de dire que ta lettre a éludé lamentablement ces questions centrales, et qu’il vaudrait mieux dire pourquoi.

En outre, d’où tires-tu de quel droit, qu’il n’y ait eu aucun travail de recherche vraiment sérieux, individuel ou collectif? d’une part; et d’autre part, quand tu es allé voir Riesel le 12 il ne t’a aucunement dit que c’est un certain style de vie qui vous serait le plus particulièrement reproché. Ce qu’il t’a dit là-dessus est le dernier des points qu’il est voulu aborder après avoir totalement réfuté l’idée que la non-rédaction du n°13 était le centre de la crise, et t’avoir expliqué les buts généraux de notre tendance. De plus, si tu lui avais dit que, le soir où il t’a rencontré ce n’était pas une petite bande, mais que vous alliez dîner, il t’aurait répondu que la petite bande allait dîner”.

Il 28 novembre Sebastiani risponde ai tre offrendosi di nuovo alle critiche dei tre: “J’avais bien compris que le problème de la non-rédaction du n°13 n’était pas le centre de la crise. Mais, à mes yeux, il n’était pas si superficiel, en ce sens qu’il a été la concrétisation visible du refus de prendre des responsabilités. Je faisais partie du Comité de Rédaction, et ce Comité avait quelque chose à faire. Mon inactivité s’y est étalée. J’ai donc cerné mes critiques et auto-critiques autour de cette non-rédaction. Mais elles doivent être étendues à tous les domaines de l’activité situationniste. Que signifie refuser de prendre des responsabilités? C’est refuser de prendre ses responsabilités; c’est aussi prendre la responsabilité de n’en prendre aucune. C’est ne pas avoir la volonté, et donc la passion, de défendre ce qu’on a de plus cher. C’est créer objectivement les conditions où le vrai ne peut pas se vérifier; où l’inégalité apparaît de fait puisque n’existe pas cette rivalité créative inter-situationniste pour la radicalisation toujours plus poussée de l’organisation qui doit porter toujours à plus de cohérence; où les retards peuvent être dissimulés, et jamais corrigés. Dans de telles conditions les silencieux sont, objectivement eux-aussi, complices d’un tel état de fait et travaillent à son maintien; le silence devient ipso facto mensonge. En ce sens l’hypothèse soulevée dans votre Déclaration selon laquelle il pourrait exister chez certains des buts cachés ou une absence de but trouve là son terrain objectif. (Une telle hypothèse peut être rejetée, mais pas ignorée. Sur ce point je me sens assez proche de l’attitude du camarade Vaneigem). Disons seulement qu’un tel comportement conscient ne pourrait être que celui d’un saboteur visant à la disparition par inaction de l’I.S. Il n’y a pas uniquement le refus de prendre des responsabilités; il y a celui de prendre des initiatives: proposer et réaliser ce qu’on propose. Voilà, en résumé, ce qui m’apparaît maintenant que je commence à me réveiller de mon long sommeil léthargique”.

Sugli americani Sebastiani comincia sostenendo il loro punto di vista (“le loro migliori intenzioni”), ma prosegue allineandosi ai tre: “Je pense que les deux camarades américains ont les meilleures intentions quand ils dénoncent la crise dans l’I.S., et le silence généralisé vis-à-vis des bases de la participation... Sur ce plan leur attitude est moins critiquable que la mienne. Ils veulent donc sortir l’I.S. du malaise où elle est, et, disent-ils, participer à son sauvetage. Mais je trouve qu’ils s’y sont très mal pris”. Gli americani avevano sospettato nell’esclusione di Chevalier l’inizio di una manovra nascosta o l’errore sorto da una manovra pericolosa, ma Sebastiani approva la risposta di Debord (e degli altri due), approvando dunque il rifiuto di ammettere il rientro di ex-situazionisti nel dibattito (o nell’organizzazione), lui che era stato rimproverato dai tre di essersi incontrato con Khayati. Conclude con una frase esemplare (dunque sintomatica) la questione americana: “Je ne sais pas très exactement ce qu’est réellement la tendance américaine, ni ce qu’elle veut effectivement, mais je ne puis en approuver les bases”; cioè Sebastiani dichiara di accettare incondizionatamente il giudizio Debord (e degli altri due).

Continua: “Dans la situation présente il s’agit pour moi de donner les preuves de mes capacités et leur complète utilisation. Dans le cadre du Comité de Rédaction la Perspective d’un pouvoir des soviets en Russie est certainement un des points les plus importants à traiter dans l’immédiat. Je pourrais m’y attacher en proposant un plan le plus complet possible et une esquisse d’introduction. Je pourrais également apporter une contribution à la définition exacte de l’activité collective dans l’organisation I.S. en rédigeant le texte Préliminaires à toute pratique future.

Debord aveva definitivamente tagliato i ponti con quel passato (ma i due che si erano uniti alla tendance con lui ne erano al corrente?). Sebastiani sembra suggerire, più che proporre, delle mediazioni che sono evidentemente del tutto inattuali, degli incompatibili riavvicinamenti, una ripresa dei lavori comuni come se non fosse avvenuta nessuna rottura definitiva, come se si potesse ancora ricominciare qualcosa. 

Ha l’ardire nella sua lettera di parlare addirittura di Vaneigem (Sebastiani cita un passo di Vaneigem tratto dalla lettera di dimissioni dall’I.S. del 14 novembre): “Vaneigem est plus général. Le pari qu’il reprend est fondé sur ce qu’on sait qu’il est capable de faire, et qu’il a déjà fait. J’ai dit plus haut le point sur lequel je me trouvais en accord avec lui. Il y en a deux qui me paraissent discutables. Premièrement, je ne pense pas que la tendance qui s’est constituée le 11 novembre (...) a le mérite d’être la dernière abstraction à pouvoir se formuler dans, pour et au nom de l’I.S.. S’il est parfaitement juste que votre tendance s’est formulée dans, pour et au nom de l’I.S., elle n’est en aucune manière une abstraction. La Déclaration posait dans leur simple authenticité les problèmes qui sont - ou qui devraient - être dans toutes les têtes. Elle met un terme final à tout ce qui a été toléré jusqu’ici; elle est le point de départ de toute l’activité situationniste à venir. Deuxièmement, votre tendance ne peut pas juger sa critique suffisante en soi: elle serait alors en contradiction avec elle-même. C’est au contraire les réponses faites à la Déclaration qui seront jugées suffisantes ou non. Ceci dit, je crois à la sincérité de l’engagement du camarade Vaneigem. Son texte mériterait plus d’éclaircissements: notamment les trois premières questions centrales qui sont éludées lamentablement de mon premier texte ne sont pas non plus traitées dans le sien (ce n’est bien entendu pas une consolation pour moi!)”.

Nelle Notes pour servir è l’histoire de l’I.S. de 1969 à 1971 Debord sembra graziare Sebastiani (solo in parte! ma con la decisiva postilla di essere “agréable à fréquenter”), dopo che costui per due volte si era sottomesso ai rimproveri rivoltigli (comportamento che  per Debord, rivela “une incontestable honnêteté”) dal triumvirato: “Il faut citer tout à fait à part le camarade Sébastiani. Il nous a adressé à ce moment deux textes successifs, d’une incontestable honnêteté. Il s’autocritiquait sur le fait qu’il avait été beaucoup trop inactif, et notamment dans l’écriture. Mais il faudrait être bien mesquin pour reprocher à Christian Sébastiani, qui, peu avant d’être dans l’I.S., fut l’auteur de plusieurs des plus belles inscriptions de mai 1968 - et qui a donc exprimé avec un mérite éminent un des aspects les plus originaux de ce moment historique -, sa paresse devant les travaux d’écriture de jours moins brûlants. Ce que nous lui reprochions, et qui devait malheureusement entraîner la fin de notre collaboration, c’est qu’il ne s’était pas vraiment employé, comme il le devait, à gérer lui-même l’I.S.; et que même au bout de cette crise, il n’a pas semblé en reconnaître en termes théoriques toute la profondeur. Nous devons aussi nettement déclarer qu’il ne peut être identifié à l’image courante du pro-situ - ou du pro-situ membre de l’I.S. - dans la mesure où cette image comporte comme traits dominants la dissimulation, la lâcheté, la petitesse dans tous les apsects du comportement, et fréquemment l’arrivisme. Sébastiani, si on peut lui reprocher une insouciance parfois poussée jusqu’à l’irréflexion, a toujours été parmi nous franc, courageux et généreux. Il est estimable par la dignité de sa vie, et agréable à fréquenter”.

Il 29 novembre i tre (diventati quattro con Sanguinetti) saldano i conti con gli americani: “Ce que nous voulons faire maintenant, pour continuer la théorie situationniste et sa pratique, nous apparaît extrêmement éloigné des préoccupations exprimées par votre long document du 16 novembre.
D’après vos documents précédents, nous avions qualifié votre position comme étant futile. Nous maintenons cette appréciation au vu de votre plus récente production extensive de la même futilité: quand vous écrivez plus longuement, vous n’en êtes pas moins futiles. Au contraire!
Quelquefois même, vous avez dépassé la futilité: vous êtes allez jusqu’à écrire littéralement n’importe quoi; et on peut se demander dans quel but. Le 21 septembre, vous nous avez écrit que la rédaction du n°2 de votre revue, et tout autre projet, seraient suspendus jusqu’aux mises au point que vous réclamiez sur notre activité commune. Le 22 septembre, en contradiction scandaleuse avec votre résolution de la veille, vous nous avez demandé quels étaient les projets que nous avions nous, en Europe qui motivent la répartition des fonds dont l’I.S. dispose. Le 6 octobre, vous nous avez annoncé votre projet de réaliser six publications, ceci dans les douze prochains mois, avec l’annonce d’un prochain numéro à la mi-novembre, sans compter des projets annexes dans le cinéma, le rock’n roll, etc. Vous n’avez même pas fait mine de tenter de nous expliquer d’aussi comiques revirements.
Nous constatons que vous persistez dans votre exigence de recommencer des discussions pour un regroupement éventuel, avec précisément de Beaulieu et Rothe. Vous marquez ainsi votre mépris de tous les problèmes réels de l’activité de l’I.S. en associant, par une simple interprétation formaliste (très peu rigoureuse d’ailleurs) des règles de rupture, deux individus qui ne peuvent aucunement être comparés. Eduardo Rothe, quoique son erreur soit indiscutable et ait été reconnue par tous, lui compris, est un des plus estimables camarades qui aient participé à l’I.S.; de Beaulieu a été le plus con, le plus sordide, et un des pires truqueurs - qui a été fort habile de démissionner au premier instant où il était critiqué, c’est-à-dire une heure environ avant d’être ignominieusement exclu pour avoir dissimulé et falsifié la correspondance de l’I.S. avec l’Espagne. Cependant, nous qui considérons cette différence réelle que vous voulez oublier, et pour des raisons méthodologiques tout autres, nous n’acceptons plus de discuter d’un regroupement avec aucun des deux, comme vous le saviez fort bien.
Cette incompatibilité précise entre nos décisions impliquerait déjà une scission.
Par ailleurs, à propos de cette vérité que trop peu de fautes ont été considérées comme inacceptables, vous n’envisagez aucunement la critique profonde qu’elle appelle, et que nous avons commencé à formuler ici peu après. En disant que Debord n’a pas été assez sévère pour quelques erreurs superficielles, de la période précédente, vous insinuez tout simplement, sans droit, sans raison, six mois plus tard et avec une inconscience transocéanique que nous, ici, nous aurions dû exclure plusieurs camarades, notamment Riesel, Sébastiani, et peut-être Sanguinetti. Nous trouvons que la plaisanterie a bien assez duré. Au-delà de ces vétilles, il y a un point fondamental qui nous oppose.
Nous considérons votre activité et votre existence, dans la théorie, la pratique réelle, etc. - bref tout ce qui est censé justifier les relations avec vous, et une action commune organisée - et, nous trouvons que c’est vraiment très peu. Sur l’autre plateau de la balance, nous voyons un amoncellement de chicanes, d’aigreurs, d’exigences injustifiées, c’est-à-dire une pseudo-participation à grande distance, et très peu qualifiée, aux problèmes que nous vivons ici. Vous qui avez tant parlé de l’autonomie des sections, vous êtes trop absents en Amérique, et trop présents ici par correspondance; seul terrain apparent de votre pratique; incohérente au demeurant. Une telle action commune, inversement proportionnelle à l’importance de tous les sujets, ne nous paraît vraiment pas intéressante.
En conclusion donc, nous constatons dès maintenant que la scission est faite. Désormais votre activité situationniste autonome pourra, sous votre seule responsabilité, rechercher le dialogue qui vous conviendra avec de Beaulieu, ou Chevalier, ou toute autre personne avec laquelle nous n’avons plus voulu garder de contact. Nous vous proposons de continuer l’échange de nos diverses publications et naturellement de tous textes diffusés publiquement sur notre scission et les polémiques qui pourront s’ensuivre.
Mais nous ne sommes plus intéressés par une correspondance interne dont la base organisationnelle n’existe plus”.

Il disprezzo proprio di chi si sente superiore è l’arma impiegata da Debord contro gli americani, accusati di “futilità teorica”. Rifiuta sprezzantemente di condividere con loro lo spazio del dibattito, di ascoltare le loro proposte e confrontarsi con il loro punto di vista; per Debord, che vuole chiudere l’I.S., quella piccola frangia residuale e marginale rappresentata dagli americani è del tutto insignificante. Glielo fa capire in modo brutale (quello che rimane loro da fare è tradurre e diffondere i testi dei situazionisti, cioè, in sostanza, i suoi).

Nelle Notes pour servir à l’histoire de l’I.S. de 1969 à 1971 Debord scrive l’epitaffio sulla sezione americana: “Horelick et Verlaan, derniers restes de la section américaine, ne voulaient pas d’une scission. Mais pour éviter une scission, il faut que les deux côtés aient la même intention. Outre les fautes que l’on pouvait relever dans leur pratique ou leurs prétentions dans nos rapports organisationnels, nous leur signifiâmes que leur participation à nos activités avait été en tout temps trop minime pour que nous puissions continuer à nous considérer comme co-responsables de ce qu’ils feraient. Leur scission même préféra ne pas se présenter longtemps pour telle et devint, sous le titre Create Situations, un groupe autonome dans lequel Verlaan au moins poursuit une activité principalement consacrée à la traduction américaine des anciens textes de l’I.S.”. Sempre nelle Notes si trova in seguito un altro accenno agli americani: “les situationnistes américains nous avaient adressé peu avant, à quelques jours d’intervalle, trois lettres se contredisant complètement de l’une à l’autre, et dont aucune ne croyait devoir citer ou corriger la précédente, ce qui nous oblige à formuler dans ce cas l’hypothèse des buts cachés de ces camarades, car nous ne croyons pas un instant à leur débilité mentale”. Colui che tende a manipolare gli altri per i propri scopi, non può che temere che gli altri si comportino allo stesso modo.

Sanguinetti ufficializza la sua adesione alla corrente dei tre l’8 dicembre con una lettera: “Je tiens à préciser ma position vis à vis de la tendance que les camarades Viénet, Riesel et Debord ont constituée le 11 novembre et, en même temps, les raisons de mon accord avec toutes leurs positions ainsi qu’avec leur Déclaration préalable.
Le mérite principal de cette tendance est d’être le premier acte concret commis dans et pour l’I.S. depuis qu’on parle de crise: toutes les réponses parvenues à cette tendance l’ont confirmé largement”.

La nascita della corrente però non è un atto compiuto per l’I.S. ma contro l’I.S.

“La tendance est concrète aussi au sens précis que parler de la crise faisait encore partie de la véritable crise et nullement de son dépassement plus ou moins indolore. Personne ne peut en fait nier que le débat, qu’on pourrait dire entre sourds, sur la stratégie et la crise, reconstituait généralement le confort qu’il déclarait vouloir briser.
Toutes les fois que quelqu’un touchait le punctum dolens, c’était le silence. Ce silence a atteint son paroxysme après le texte de Debord de juillet. En même temps, la tendance a été l’unique réponse à ce texte. Maintenant on peut dire, rétrospectivement, que tant qu’une discussion a existé, elle semble avoir voulu, inconsciemment, exorciser ce dont elle prétendait parler: le texte de Debord de juillet parlait si haut qu’il a provoqué un silence de trois mois et demi, qui est en même temps un aveu des manques dont tous sont responsables”.

C’è forse qualche dubbio se Sanguinetti avesse compreso esattamente ciò che aveva scritto, ma aveva compreso esattamente che allinearsi a Debord sarebbe stata la soluzione giusta. Vaneigem, che era il più pericoloso avversario (perché era stato l’unico capace di tenere testa teoreticamente a Debord e forse di superarlo nella pubblica  notorietà), andava ripudiato pubblicamente. Sarebbe stato pericoloso dimostrare di non aver compreso la necessità di distanziarsi da lui (tuttavia Sanguinetti aveva avuto l’imprudenza di citare una frase di Vaneigem in un documento precedente del dibattito interno ed ecco, imperiosa, nella lettera, comparire la necessità di chiarire, sminuire e prendere le distanze): “ Détournant Vaneigem, j’écrivais dans mon texte du débat qu’il est vraiment honteux que ceux qui disposent de la plus moderne et cohérente organisation révolutionnaire internationale d’aujourd’hui, s’en soient servi si peu et si lentement. Vaneigem lui-même pensait d’ailleurs très bien quand il nous disait qu’il est néanmoins navrant de dire en clair comment chacun se comporte, on devrait se comporter spontanément, à savoir: s’efforcer d’être au centre de l’organisation. Mais il le disait de l’extrême périphérie de l’organisation. Vaneigem semble nous dire maintenant que l’I.S. n’existe désormais plus; et il appelle déjà aux historiens à venir pour avoir des explications. Mais qui a affirmé vouloir faire l’histoire se fout de ce que les historiens pourront lui raconter post-festum, connaissant bien ce qu’il a fait, ce qu’il a réussi et ce qu’il a raté. Il est exact aussi de parler du peu de pénétration de la théorie situationniste en milieu ouvrier et du peu de pénétration ouvrière en milieu situationniste. Mais alors, il faut également dire ce que l’I.S., ou chacun de ses membres individuellement, ont fait pour que cela se réalise”.

Verso gli americani Sanguinetti mostra lo stesso sarcasmo del francese (egli è capace di imitarlo bene): “La futilité des critiques et des chicanes des américains Verlaan et Horelick sert une fois de plus à ne rien changer: ils substituent ce qui a été un véritable manque de critiques réelles par des critiques réellement fausses; ils substituent le manque d’activité réelle par l’unique activité factice de faire ces fausses critiques. Du reste, ils embrassent déjà joyeusement la perspective de leur petite scission.
C’est dans ce climat que tant de bêtises ont pu se traîner de Sperlonga à New York.
Comme le disait Marx: Nous connaissons bien le rôle de la bêtise dans l’Histoire. Mais nous sommes là pour l’empêcher de jouer un rôle parmi nous”.

In un documento di qualche mese successivo, per la riunione del 28 gennaio 1971, Debord annotava: “La seule condition sine qua non de notre conclusion commune, c’est qu’elle satisfasse fondamentalement chacun de nous, et sans rien contenir comme précédemment, de trouble ou de mensonger: par exemple il est bien clair que depuis que j’ai été amené à faire quelques progrès intellectuels qui m’étaient bien nécessaires, on ne me verra jamais plus tenir le rôle inconscient, pour l’I.S., ou n’importe quoi d’autre, du chef (approuvé mais non suivi) et de l’employé (non payé)”.

Significativo quanto ironico l’attribuirsi un doppio ruolo, “le rôle inconscient, pour l’I.S., ou n’importe quoi d’autre, du chef (approuvé mais non suivi) et de l’employé (non payé)”. Come intendere altrimenti l’ipotesi che qualcuno potesse ritenerlo un capo a sua insaputa, oppure un impiegato non retribuito?

“Dans les cinq dernières années de l’I.S., où les défauts des uns soutenaient les défauts des autres (et au moins dans le cas de Vaneigem, je crois qu’un tel soutien constituait une tactique précise), on peut mettre à part quelques cas d’incapacité complète vraiment sympathique (Strijbosch) ou d’une ignoble imbécillité (de Beaulieu); et quelques cas où des individus remarquables - c’est-à-dire susceptibles de le devenir vite - ont été perdus par suite, disons, d’un trait de caractère relativement aberrant, qui les a empêchés une fois de soutenir leurs engagements sur des points qui ne présentaient aucune difficulté réelle pour des gens de cette qualité (par exemple, et pour simplifier, l’amour fort aliéné de sa femme chez Nicholson-Smith, et la fébrilité dramatisante dans la polémique chez Rothe). En dehors de ceci, je vois deux tendances distinctes, quoique alliant l’une à l’autre (à des degrés divers) de l’incapacité et du bluff. D’un côté ceux qui sont toujours restés fidèles approbateurs de ce que faisait l’I.S., sans vouloir prendre leur part des inconvénients, mais en y recherchant quelques petits avantages, plutôt du côté de leur vie personnelle (Vaneigem, Khayati, Chevalier). De l’autre côté ceux à qui la participation formelle à l’I.S. a tourné la tête, leur faisant exiger leurs droits abstraits de militants d’une entreprise qu’ils n’avaient pas réellement comprise ni enrichie (et où, pour comble de joyeux confort ils n’avaient même pas eu à militer; ceux-là avaient des ambitions tournées vers l’intérieur de lI.S. (comme tremplin vers l’extérieur); ils y voulaient le pouvoir, et précisément sa seule forme par eux saisissable: l’exclusion (vous aurez reconnu sans peine Garnault, Chasse, Salvadori, Verlaan)”.

In questo passaggio Debord, mentre giudicava e classificava (assegnando ciascuno al girone infernale che gli compete) gli esclusi dall’I.S. (considerando negativamente gli ultimi cinque anni dell’organizzazione), nomina due volte solo Vaneigem, al quale attribuisce a posteriori addirittura una “tattica precisa” alludendo, con una interpretazione a dir poco malevola, al contenuto di questo passo della lettera di dimissioni del belga: “Pour ce qui est du passé, j’ai toujours prêté, très à la légère, à la plupart des camarades ou ex-camarades de l’I.S. au moins autant de capacités et d’honnêteté que je m’en reconnaissais, m’illusionnant ainsi à la fois sur les autres et sur moi” (“Per quanto riguarda il passato, ho sempre prestato, molto alla leggera, alla maggior parte dei compagni o degli ex compagni dell’I.S. almeno altrettante capacità e onestà di quante me ne riconoscevo, illudendomi contemporaneamente sugli altri e su me stesso”).

Il documento di Debord si apriva con le seguenti parole: “En rejetant à leur néant les contemplatifs et les incapables qui croyaient pouvoir figurer perpétuellement dans lI.S., nous venons de faire un grand pas. Il nous faudra donc continuer à marcher; parce que maintenant pour l’I.S. aussi, une époque est finie, et mieux comprise”.

Il grande passo era ormai compiuto, l’I.S. falcidiata, ma ciò che rimane dell’organizzazione non marcerà che verso la conclusione prevista, cioè lo scioglimento definitivo. I punti da sviluppare del dibattito rimarranno irresoluti: “Je crois me rappeler que tous se sont accordés sur l’urgence d’aboutir à des conclusions précises sur les points suivants:
a) Critique approfondie (et théorisation utilisable dans l’avenir) de ce qu’a été la carence principale de l’I.S. Je suppose que ceci a été implicitement assez bien reconnu dans la phase précédente du débat; mais trop souvent dans le passé la conduite de l’I.S. même dans ce qu’elle a pu réaliser d’excellent, s’est trouvée fondée sur un accord ou une participation simplement implicites. Il faut que tout devienne explicite. Et par exemple, ce qui l’est déjà, c’est que nous n’allons pas considérer comme une explication suffisante de cette carence quelques anecdotes personnelles comme la propension de Salvadori à la logique furieuse (o fumeuse - il testo non è chiaramente leggibile, nota di Omar Wisyam -), ou celle de Vaneigem à la timidité radicale mal dissimulée sous une totalité en peau de lapin.
b) Définition de l’organisation I.S.; choix sérieux de notre stratégie, et notamment par rapport à nos multiples partisans (qui sont assez rarement ceux que nous avons l’occasion, ou l’ennui, de rencontrer directement; presque tous les meilleurs sont plus loin). Ici se posera une question précise: qui voulons-nous éventuellement recevoir dans l’I.S.? - ou bien personne? (Ceci étant évidemment lié à ce que nous reconnaissons clairement nous-mêmes comme les conditions réelles de notre activité).
c) Une théorie plus avancée et plus précise de l’organisation révolutionnaire, d’après l’expérience ancienne du mouvement prolétarien, celle de mai, la nôtre.
Les points a) et b) son préalables à la rédaction d’une partie essentielle du numéro 13. Le point c), très vaste, peur être développé surtout après, mais pourrait commencer à y être traité. De plus, n’oublions pas que, si désormais aucune routine ne va plus protéger aucune sorte de confort parmi nous, en revanche, nous avons une liberté totale de décision: par exemple, rien n’exige que nous fassions un numéro 13, etc.
Il faudra donc que chacun énonce son opinion (ou ses doutes) sur tout cela”.

Si capisce tra le righe che non vi poteva essere sviluppo ulteriore del dibattito, in particolare dove si annunciava “una libertà totale di decisione” dissimulando le vere intenzioni di Debord (cioè che la decisione finale era stata presa molto tempo prima).

Le conclusioni a cui giunge Debord nel documento del 28 gennaio 1971 sono precisate in quattro punti:

“Je résume mes conclusions, sur ce déplorable examen, par 4 ébauches de thèses:
1. L’I.S. a couru effectivement le risque de devenir récemment, non seulement inactive et dérisoire, mais récupératrice et contre-révolutionnaire. Les mensonges qui avaient grandi à l’intérieur commençaient à avoir un effet mystificateur et de désarmement à l’extérieur. LI.S. pouvait au nom même de ce qu’elle a fait de bon dans la précédente époque, devenir la dernière forme du spectacle révolutionnaire, et vous connaissez tous ceux qui auraient volontiers couvert et conservé ce rôle pendant dix ou vingt ans de plus.
2. Ce processus d’aliénation connu par diverses tentatives d’émancipation du passé (de la Ligue des Communistes à la F.A.I. ou même, si cet aspect doit aussi être évoqué dans notre cas, le surréalisme) était suivi par l’I.S. dans toutes ses formes bien reconnaissables: paralysie théorique; patriotisme de parti; silence mensonger sur les défauts qui apparaissent de plus en plus; dogmatisme tranchant; langue de bois destinée aux mineurs de Kiruna - encore d’assez loin, heureusement - comme aux exilés ibériques; titres de propriété invisibles possédés par des petits clans, ou bien des individus sur un secteur de nos relations ou activités, du fait qu’ils sont membres de l’I.S. comme on était civis romanus; idéologie et malhonnêteté. Naturellement, un tel processus a eu lieu cette fois dans les conditions historiques d’aujourd’hui; c’est-à-dire, aussi en grande partie, dans les conditions mêmes posées par l’I.S.; de sorte que beaucoup de traits du passé ne pouvaient y figurer. Cet ensemble de conditions pouvait rendre le renversement contre-révolutionnaire de l’I.S. d’autant plus redoutable s’il venait à réussir, mais en même temps il lui faisait la réussite difficile. J’estime qu’en ce moment ce péril n’existe presque plus: nous avons assez bien cassé l’I.S. dans les mois précédents pour qu’il n’y ait plus guère de chance pour que ce titre et cette image puissent devenir nuisible en de mauvaises mains. Sans doute, à présent, le mouvement situationniste - au sens large - est un peu partout. Et n’importe lequel de nous, comme aussi des expulsés, peut demain, au nom du passé de l’I.S. et des positions radicales qui sont à développer présentement, parler seul au courant révolutionnaire qui nous écoute; mais c’est justement ce que Vaneigem ne pourra pas faire. D’autre part, si un regroupement néo-nashiste osait se former, une seule brochure de 20 pages le démolirait. Ainsi donc, briser l’I.S. et réduire à rien les prétentions louches qui auraient pu la conserver comme modèle aliéné et aliénant, était devenu au moins le premier devoir révolutionnaire que nous avions. A partir de ces mesures de sécurité opportunément mises en actes nous pouvons sans doute faire beaucoup mieux.
3. L’I.S. a eu (nous avons encore, quoique en étant, heureusement, nettement moins en avant-garde) la théorie la plus radicale de son temps.
Dans l’ensemble elle a su la formuler, la diffuser, la défendre. Elle a su souvent lutter bien dans la pratique; et même certains de nous ont assez souvent pu conduire leur vie personnelle dans la ligne de cette théorie (condition d’ailleurs nécessaire pour en formuler l’essentiel). Mais l’I.S. ne s’est pas appliquée jusqu’à appliquer sa propre théorie dans l’activité même de la formulation de cette théorie, ni dans la condition générale de sa lutte. Les partisans des positions de l’I.S. n’ont pas été, le plus souvent leurs créateurs et leurs véritables agents. Ils ne furent que des pre-situs plus officiels et plus prétentieux. Ceci est le principal défaut de l’I.S. (évitable ou non?). Ne pas s’en apercevoir a été longtemps sa pire erreur (et pour parler pour moi, ma pire erreur). Si cette attitude avait dominé, c’eût été son crime définitif. L’I.S., en tant qu’organisation, a échoué en partie; et justement sur cette partie. Il fallait donc appliquer à l’I.S. la critique qu’elle a appliqué, souvent si bien, à la société dominante moderne. (On peut dire que nous étions assez bien organisés pour faire surgir dans le monde notre programme, mais non notre programme d’organisation).
4. Les multiples carences qui ont affecté l’I.S. se ressemblent toutes en ceci qu’elles étaient le fait d’individus qui avaient besoin de l’I.S. pour être personnellement quelque chose; et ce quelque chose ne s’identifiait jamais à la réelle activité, que l’on peut dire révolutionnaire, de l’I.S., mais à son contraire. En même temps, ils ont poussé au comble l’éloge de l’I.S. à la fois pour faire croire qu’ils y étaient comme le poisson dans l’eau, et pour donner l’impression que la hauteur de leur extrémisme personnel était au-dessus de tout vulgaire contrôle des faits.
Et pourtant l’alternative a toujours été fort simple: ou bien nous sommes fondamentalement égaux (et nous nous le prouvons); ou bien nous ne sommes même pas comparables. Quant à nous ici, c’est seulement si nous n’avons pas besoins de l’I.S. que nous pouvons en faire partie. Il s’agit d’être par nous-mêmes, et ensuite, secondairement, d’associer en toute clarté nos possibilités et nos volontés précises (et précisées) pour une action commune qui, alors, peut être la suite correcte de l’I.S.
En attendant les textes de tous, et aussi persuadé que quiconque qu’il ne saurait être question de reconstituer maintenant le style ancien du pseudo-débat tel qu’il avait commencé au printemps dernier, je voudrais citer un exemple qui m’a donné l’impression d’un retour spontané aux ennuyeuses habitudes d’autrefois. Je dois dire que j’ai trouvé grotesque la rédaction du pseudo-procès verbal de L’association des amis de l’Internationale, infligé l’autre soir par le camarade Viénet à l’estimé camarade Lehning. Nous étions malheureusement tous là, et toutes nos objections - ce jour là - n’ont pas interrompu le déroulement de ce cérémonial. Je crois que le moment actuel n’est pas à de telles plaisanteries, et que dans tous les cas ces plaisanteries gagneraient à être menées avec une légèreté plus talentueuse; et surtout quand nous ne sommes pas tous réunis pour y servir de toile de fond. Un problème de détail se pose aussitôt: je croyais que cette association avait été formée pour servir de couverture à deux activités précises de l’I.S. J’aimerais donc savoir si elle comporte maintenant, comme une logique autonome que nous n’aurions pas à connaître, d’autres projets, nécessités ou pseudo-nécessités qui s’enchaîneraient là-dessus.
Le camarade Viénet écrivait, en mai 1970, que l’avenir montrerait s’il était en mesure de dépasser le stade d’une participation blasée et presque pessimiste. Comme nous sommes arrivés à un moment bien différent, je voudrais qu’il nous dise s’il s’estime toujours blasé et pessimiste, et dans l’affirmative, à propos de qui, de quoi. Dans l’ensemble, je crains qu’il ne fasse encore trop confiance quand il s’agit de problèmes centraux que nous avons maintenant sur les bras et que par contre il ne manifeste une trop forte propension à régler tout seul, plus ou moins bien d’ailleurs, mais comme avec l’autorité indiscutable d’un spécialiste, certains problèmes subordonnés, de notre activité commune (questions d’édition ou de trésorerie). Je déplorais en juillet qu’il néglige des capacités plus générales qu’il possède à l’état sauvage. C’est le moment ou jamais de les employer.
J’espère que les textes qui répondront à celui-ci contribueront à une élucidation plus achevée de tous nos problèmes concrets”.

Il quarto punto palesa il distacco (con le solite allusioni malevole) di Debord da Viénet (il documento è del 28 gennaio 1971, la rottura con Riesel arriverà per lettera il 7 settembre dello stesso anno, quindi il triumvirato o la “tendance” ormai è solo un ricordo). Nelle Notes pour servir à l’histoire de l’I.S. de 1969 à 1971 un laconico passaggio riguarda la fuoriuscita di Viénet: “en février 1971, René Viénet a démissionné pour convenance personnelle”.

Debord nel medesimo testo si sofferma sull’esclusione di Riesel le cui motivazioni erano erano già state citate in precedenza (la minaccia della pubblica denuncia si materializza come promesso nella lettera del 7 settembre 1971: “Tu sais fort bien que tu as couvert, à cette pauvre échelle de la vie de famille, beaucoup de petits mensonges, sans mentionner les exagérations ridicules et les sottes interprétations, en comptant sur la pitié de ton entourage ou en te berçant de l’illusion que les autres ne les remarqueraient pas. Mais pour ce dernier mensonge pur, c’en est trop. Je le dénonce publiquement, ce qui va t’obliger aussitôt à prendre tes responsabilités, et à en subir toutes les conséquences”): “Enfin, et comme pour que le drame des troubles civils et des proscriptions dans l’I.S. ait vraiment quelque chose de shakespearien, il n’y a pas manqué le personnage du bouffon: René Riesel. Celui-ci avait vu disparaître avec joie plusieurs de ses rivaux, car il croyait ainsi progresser dans sa carrière. Mais la nouvelle situation l’obligeait à entreprendre diverses tâches dont il était plus incapable que personne. Révolutionnaire à dix-sept ans - en 1968 - Riesel a connu la rare mésaventure de devenir vieux avant d’avoir dix-neuf ans. Jamais un tel fruit sec ne s’était adonné si désespérément à un arrivisme si extrême, dont tous les moyens lui sont refusés. Il essayait de masquer cet arrivisme, et l’aigre envie qu’entraîne son échec permanent, sous cet air d’assurance mal assuré du faible que l’on sent redouter à tout instant un mot dur, ou un coup de pied. Mais il ne pouvait plus alors masquer pour quelques semaines de supplément sa suprême impuissance dans les activités de l’I.S. qu’en mentant piètrement aux uns et aux autres sur l’état d’avancement ou de quasi-achèvement de ses travaux inexistants. Simultanément, il s’était livré en douceur à quelques autres petites indélicatesses d’arrière-boutique et de tiroir-caisse; et s’était même vu obligé de cautionner clandestinement, auprès de certaines personnes qu’il croyait bien choisies, quelques gros mensonges par lesquels sa burlesque épouse tentait d’améliorer l’image de son standing mondain, étant évidemment laissée sur sa faim par toute la pauvre réalité de son ménage. Tout cela se trouva naturellement très vite su, comme n’importe qui d’autre que ce médiocre escroc eût pu en être assuré d’avance. Riesel dut avouer, et fut donc exclu, en septembre 1971, à des conditions que personne n’avait encore subies dans l’I.S., pas même les menteurs garnautins de 1967”. 

In generale Debord annota che “les multiples carences qui ont affecté l’I.S. se ressemblent toutes en ceci qu’elles étaient le fait d’individus qui avaient besoin de l’I.S. pour être personnellement quelque chose; et ce quelque chose ne s’identifiait jamais à la réelle activité, que l’on peut dire révolutionnaire, de l’I.S., mais à son contraire”.

I difetti e le carenze dell’I.S. sembrano riassumersi complessivamente in uno solo: i situazionisti stessi.

Non c’è altro modo di intendere il giudizio espresso sull’I.S.: da una parte il gruppo risulta essere depositario della “più radicale teoria dei suoi tempi”, dall’altra  ricettacolo di gente incapace e viziosa. Questo è l’elenco sommario delle colpe indicato al punto 2 delle conclusioni di Debord: “paralysie théorique; patriotisme de parti; silence mensonger sur les défauts qui apparaissent de plus en plus; dogmatisme tranchant; langue de bois (...);  titres de propriété invisibles possédés par des petits clans (…);  idéologie et malhonnêteté”.

Pertanto si incontra questo passaggio liquidatorio: “lI.S. pouvait au nom même de ce qu’elle a fait de bon dans la précédente époque, devenir la dernière forme du spectacle révolutionnaire, et vous connaissez tous ceux qui auraient volontiers couvert et conservé ce rôle pendant dix ou vingt ans de plus”. Dunque se all’I.S. viene data definitivamente la morte, ciò avviene - così egli afferma - per preservare la memoria di ciò che di buono ha fatto, perché non corresse il rischio di divenire parte integrante dello spettacolo (in particolare “dello spettacolo rivoluzionario”) e perché a snaturare il carattere storico dell’I.S. non siano proprio quegli individui che, se non fossero stati espulsi, ben volentieri sarebbero complici del recupero nello spettacolo globale magari per “dieci o venti anni” ancora.

Va ricordato che il processo di recupero di una teoria non può che sfuggire al controllo di un individuo (anche se si tratta di individui particolarmente attenti alle proprie mosse come Guy Debord), mentre l’intenzione del censore (Debord) è quella di colpevolizzare gli esclusi.

In sostanza quello che può apparire come un giudizio schizoide si rivela invece perfettamente coerente: la teoria più radicale del suo tempo era in realtà espressione di un singolo (praticamente il solo Debord, se fosse riuscita la demolizione di Vaneigem), mentre i difetti appartenevano a tutti gli altri (che dovevano inevitabilmente essere spazzati via, gettati nelle “poubelles” della storia).

Il 9 dicembre del 1970 quello che restava dell’I.S. (che già si poteva compendiare nel solo Debord per quanto riguarda la stesura di testi sebbene fosse firmato anche da Viénet) aveva rilasciato un Comunicato a proposito di Vaneigem.

Il Comunicato si apriva con la riproposizione della denuncia riguardo alla situazione di crisi presente all’interno dell’I.S. (per quanto I tempi della crisi sembrino essere stati programmati dalla determinazione di Debord ad esaurire quell’esperienza collettiva avendo compreso in anticipo su tutti gli altri il logoramento che avrebbe subito la propria immagine - senza ironia - nell’inevitabile sfilacciarsi e deteriorarsi di quella esperienza).

“Le terrain concret de cette crise est également, depuis l’origine, une défense du concret de l’activité de l’I.S., et des conditions réelles dans lesquelles elle s’accomplit effectivement. La crise a commencé lorsque certains de nous se sont avisés, et ont commencé à faire savoir, que d’autres leur laissaient subrepticement le monopole des responsabilités à prendre, aussi bien que la plus grande part des opérations à exécuter: la critique commencée à propos de la sous-participation (quantitative et surtout qualitative) à la rédaction de nos principales publications communes s’est vite étendue à la sous-participation, plus dissimulée, en matière de théorie, de stratégie, de rencontres et de luttes extérieures, et même de discussions courantes, sur les plus simples décisions qui nous incombent. Partout existait une fraction de fait composée de camarades contemplatifs, systématiquement approbateurs, et ne manifestant jamais rien d’autre que le plus ferme acharnement dans l’inactivité. Ils se comportaient comme s’ils estimaient n’avoir rien à gagner, mais peut-être quelque chose à perdre, en soutenant un avis personnel, et en se chargeant d’œuvrer par eux-mêmes, sur un quelconque de nos problèmes précis. Cette position, dont le silence assuré était l’arme principale, se couvrait aussi, dans ses jours de fête, de quelques proclamations générales, toujours très euphoriques, sur l’égalité parfaite réalisée dans l’I.S., la cohérence radicale de son dialogue, la grandeur collective et personnelle de tous les participants. Vaneigem est resté, jusqu’au bout, le plus remarquable représentant de cette sorte de pratique”.

Vaneigem veniva ad essere praticamente l’unico avversario di Debord, l’unico che potesse inficiare la grande operazione in corso: la dissoluzione dell’I.S. attraverso il suo svuotamento per poi volgersi ad erigere il monumento a sé stesso che doveva essere la veramente grande impresa di Debord. Quindi per l’attacco non doveva risparmiare mezzi e doveva essere condotto fino in fondo e una volta per tutte (ma il Comunicato a proposito di Vaneigem non sarà l’unico testo in cui la polemica con Vaneigem troverà spazio).

“Vaneigem, qui feint de croire que l’I.S. va disparaître parce que son absence doit s’en retirer (vouloir encore sauver un groupe, reconstituer la section française), constate qu’il n’a su faire de ce groupe rien de ce (qu’il voulait) vraiment qu’il fût. Nous ne doutons certes pas que Vaneigem a voulu faire de l’I.S. une organisation, non seulement révolutionnaire, mais d’une excellence tout à fait sublime, et peut-être même absolue (cf. Traité de savoir-vivre, etc.). D’autres camarades ont dit, depuis des années, que la réussite historique réelle de l’I.S. n’allait tout de même pas aussi loin, et surtout comportait trop souvent des défauts évitables (leur existence d’ailleurs rendant d’autant plus fâcheux le mythe de la perfection admirable de l’I.S., dont se gargarisent des centaines de stupides spectateurs extérieurs - et malheureusement aussi quelques spectateurs parmi nous). Mais Vaneigem, en prenant maintenant, post festum, ce ton du dirigeant désabusé, qui n’a su faire de ce groupe rien de ce qu’il voulait en faire, oublie de se poser cette cruelle question: qu’a-t-il jamais, lui, essayé de dire, de faire, en argumentant ou en payant d’exemple, pour que l’I.S. devienne encore mieux, ou plus proche de ses meilleurs goûts personnels proclamés? Vaneigem n’a rien fait pour de tels buts; quoique cependant l’I.S. n’en soit pas vraiment restée à n’être rien! Devant l’évidence de ce que l’I.S. a fait, Vaneigem se discrédite aujourd’hui complètement, pour tout individu qui sait penser, en lançant, si enfantinement, la contre-vérité boudeuse et burlesque d’un échec complet de l’I.S., et de lui-même en prime. Vaneigem n’a jamais voulu reconnaître une part d’échec dans l’action de l’I.S., précisément parce qu’il se savait trop intimement lié à cette part d’échec ; et parce que ses déficiences réelles lui ont constamment paru appeler comme remède, non leur dépassement, mais la simple affirmation péremptoire que tout allait pour le mieux. Maintenant qu’il ne peut plus continuer, la part d’échec dont il lui faut bien admettre l’existence est brusquement présentée, au mépris de toute vraisemblance, comme l’échec total, l’inexistence absolue de notre théorie et de notre action dans les dix dernières années. Cette mauvaise plaisanterie le juge”.

L’attacco a Vaneigem rappresenta la critica ad hominem? Eccola: “il faut rappeler que Vaneigem, quand il était sérieux, n’avait pas seulement énoncé les admirables buts qu’il réservait à l’I.S. Celui de nous tous qui a le plus abondamment parlé de lui-même, de sa subjectivité, et de son goût du plaisir radical, avait aussi d’admirables buts pour lui-même. Mais les a-t-il réalisés, a-t-il même lutté concrètement pour les réaliser? Point du tout. Pour Vàneigem comme pour l’I.S., le programme de Vaneigem n’est formulé que pour s’épargner toutes les fatigues, et tous les petits risques historiques, de la réalisation. Le but étant total, il n’est envisagé que dans un pur présent: il est déjà là tout entier, tant qu’on croit pouvoir le faire croire, ou bien il est resté purement inaccessible; on n’a rien réussi à faire pour le définir ou pour s’en approcher. Le qualitatif, comme l’esprit des tables tournantes, avait fait croire qu’il était là, mais il faut admettre que ce n’était qu’une longue erreur! Vaneigem découvre finalement que la mayonnaise dont il feignait de se délecter n’a pas pris corps”.

Debord salva dalla distruzione l’apporto di Vaneigem all’I.S. negli anni 1961-64: “Vaneigem a occupé dans l’histoire de l’I.S. une place importante et inoubliable. Ayant rejoint en 1961 la plate-forme théorico-pratique constituée dans les premières années de l’I.S., il en a immédiatement partagé et développé les positions les plus extrêmes, celles qui étaient alors les plus nouvelles, et qui allaient vers la cohérence révolutionnaire de noue temps. Si à ce moment l’apport de l’I.S. à Vaneigem n’a certainement pas été négligeable, lui donnant l’occasion, le dialogue, quelques thèses de base et le terrain d’activité pour devenir ce qu’il voulait et pouvait être d’authentique, et de profondément radical, il est aussi vrai que Vaneigem a apporté à l’I.S. une très remarquable contribution: il avait beaucoup d’intelligence et de culture, une grande hardiesse dans les idées, et tout cela était dominé par la plus vraie colère à l’encontre des conditions existantes. Vaneigem avait alors du génie, parce qu’il savait parfaitement aller à l’extrême en tout ce qu’vil savait faire. Et tout ce qu’il ne savait pas faire, il n’avait simplement pas encore eu l’occasion de l’affronter personnellement. Il brûlait de commencer. L’I.S. des années 1961-1964, et c’est une période importante pour l’I.S. comme pour les idées de la révolution moderne, a été fortement marquée par Vaneigem, plus peut-être que par tout autre. C’est dans cette période qu’il a, non seulement écrit le Traité et d’autres textes qu’il a signés dans la revue I.S. (Banalités de base, etc.), mais aussi participé grandement aux textes collectifs anonymes des numéros 6 à 9 de cette revue, et très créativement à toutes les discussions de cette époque. Si lui l’oublie maintenant, nous ne l’oublions pas. S’il veut aujourd’hui cracher dans son propre plat, tant pis, la génération révolutionnaire qui s’est formée dans les années suivantes s’y est déjà servie”.

Per il Vaneigem degli anni successivi non c’è perdono: “Dans les années 1965-1970, l’évanouissement de Vaneigem s’est manifesté quantitativement (il n’a plus guère participé à nos publications que par les trois petits articles qu’il a signés dans les trois derniers numéros d’I.S., et il fut même souvent absent des réunions où il se taisait généralement) et surtout qualitativement. Ses très rares interventions dans nos débats étaient frappées du signe de la plus grande incapacité d’envisager des luttes historiques concrètes; marquées des plus pauvres échappatoires à propos de toute relation à maintenir entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, et même de l’oubli souriant de la pensée dialectique”.

Poi ancora sui concetti di coerenza, contraddizione e totalità: “À la VIIe Conférence de l’I.S., en 1966, il fallut argumenter pendant deux heures contre une étrange proposition de Vaneigem: il tenait pour certain que notre cohérence indiquerait toujours en n’importe quel débat sur une action pratique à entreprendre, et après une discussion approfondie, la seule voie juste, univoquement reconnaissable à l’avance. De sorte que si une minorité de situationnistes ne se déclarait pas, à la fin de cette discussion, totalement convaincue, elle aurait ainsi fait la preuve qu’elle ne possédait pas la cohérence de l’I.S., ou bien qu’elle avait malhonnêtement des buts cachés de sabotage, ou au moins une opposition théorico-pratique dissimulée. Si les autres camarades ont évidemment défendu les droits et les devoirs de toute minorité dans une organisation révolutionnaire - avec cent exemples concrets -, et même plus simplement les droits de la réalité, il faut reconnaître que Vaneigem ne s’est jamais risqué par la suite à se démentir sur ce point en se trouvant, ne fût-ce que pendant dix minutes, en péril de passer pour minoritaire sur la moindre question débattue par l’I.S. À la fin de 1968, nous avons reconnu, contre l’avis de Vaneigem, le droit de constituer éventuellement des tendances dans l’I.S. Vaneigem se rallia volontiers à cette majorité, mais en précisant qu’il ne pouvait même pas concevoir comment une tendance viendrait jamais à exister parmi nous. Au printemps de 1970, une tendance s’étant formée pour résoudre vite et clairement un conflit pratique, Vaneigem, bien sûr, s’y inscrivit immédiatement. Il est inutile de multiplier les exemples.
Le refus permanent d’envisager un développement historique réel, produit par sa connaissance, et son acceptation, d’une relative incapacité personnelle (qui allait donc toujours en s’aggravant), s’accompagnait normalement chez Vaneigem de l’insistance enthousiaste sur toute caricature de la totalité, dans la révolution comme dans l’I.S., sur la fusion magique, un jour, de la spontanéité enfin libérée (celle des masses, et celle de Vaneigem) avec la cohérence: dans de telles noces de l’identification, les problèmes vulgaires de la société réelle et de la révolution réelle seront instantanément abolis avant même que l’on ait eu le déplaisir de les considérer, ce qui est évidemment une aimable perspective pour philosophie de l’histoire en fin de banquet.
Vaneigem a manié par tonnes le concept de qualitatif en oubliant résolument ce que Hegel appelait, dans La Science de la logique, la qualité la plus profonde et la plus essentielle, la contradiction. Par rapport à elle, en effet, l’identité n’est que la détermination de ce qui est simple et immédiat, de l’être mort, tandis que la contradiction est la source de tout mouvement, de toute vie. Ce n’est en effet que dans la mesure où une chose renferme en elle-même une contradiction qu’elle se montre agissante et vivante. Vaneigem, sauf pour commencer, n’a pas aimé la vie de l’I.S., mais son image morte, un alibi glorieux pour sa vie quelconque, et une espérance abstraitement totale d’avenir. Puisqu’il s’est fort bien accomodé d’un tel fantôme, on comprend qu’il le disperse totalement d’un seul souffle, justement le 14 novembre 1970, parce que le parti pris du silence satisfait n’était plus soutenable”.

La critica a Vaneigem (costruita a posteriori, com’è logico), particolarmente acida, si svolge per accumulo di dati ed eventi che sembrano poco significativi ma maliziosamente rivisitati. Solo vagamente la polemica giunge ad analizzare il pensiero di Vaneigem (e su quel poco che Debord dice non si può che convenire). Comunque essa era divenuta assolutamente necessaria nel momento stesso in cui Debord aveva letto la minaccia insita nella lettera di dimissioni del belga (a partire dalle scarne righe del comunicato che rinviavano ad un futuro giudizio storico della condotta di ciascuno). La polemica doveva attingere al patrimonio comune dell’I.S., a ciò che era stato condiviso fino al giorno prima, a ciò che era stato deliberato e approvato quasi sempre in modo unanime, eccetto che nella questione delle correnti o delle “tendances” che Debord al contrario sosteneva antivedendovi una possibilità, una procedura necessaria per il prossimo e inevitabile scioglimento dell’I.S. (il dibattito sulle “tendances” avvenne al termine del 1968, quando si stava ultimando la corposa attività di appropriazione e glorificazione dei situazionisti riguardo ai fatti del maggio).

Altre frecciate: “Vaneigem, toujours très ferme contre nos ennemis, n’a jamais rien fait ou envisagé de faire dans ces dix années qui s’oppose en rien au radicalisme de l’action déclarée de l’I.S. Il a seulement très mal concouru à l’exercice de ce radicalisme. Vaneigem semble n’avoir jamais voulu regarder en face ce simple fait que celui qui parle si bien s’engage à être un peu là dans nombre d’analyses et de luttes pratiques, sous peine de décevoir radicalement. La violence ou les perspectives réelles de l’I.S., en tant que demi-communauté, ne pouvaient le décharger de l’obligation de manifester les siennes en diverses occasions concrètes. La distance que Vaneigem avait prise depuis longtemps vis-à-vis de notre action lui dissimulait beaucoup des rapports, en réalité hiérarchiques, qui existaient dans cette action, et que son attitude de fuite acceptait et encourageait. Mais cette distance même était précisément prise pour ne pas voir cette réalité; au lieu d’aider à la surmonter. Après avoir fait confiance à l’I.S. pour être la garantie radicale de la vie personnelle qu’il acceptait, il en est venu à être dans l’I.S. comme il est dans sa propre vie”.

Infine la conclusione: “Nous avons ici répondu sérieusement à ce qui, manifestement, ne l’était plus. C’est parce que nous continuons, nous, à nous occuper des tâches théoriques et de la conduite pratique de l’I.S. et parce que, dans cette seule perspective, tout ceci a son importance. Une époque est finie. C’est ce changement réel, et non notre mauvaise humeur ou notre impatience, qui nous a obligés à trancher un état de fait, à rompre avec un certain conservatisme situationniste qui a trop longtemps montré sa force d’inertie et sa pure volonté d’autoreproduction. Nous ne voulons plus avec nous, ni Vaneigem et ce qui pourrait encore aspirer à l’imiter, ni d’autres camarades dont la participation s’est résumée presque uniquement au jeu formaliste dans l’organisation, les correspondances creuses entre sections sur des vétilles, les nuances et les interprétations fausses soutenues et retirées, d’un continent à l’autre, et six mois après, sur les simples décisions prises en dix minutes par tous ceux qui, étant là, avaient l’expérience directe de la question - alors que la participation des mêmes camarades à notre théorie et à l’activité réelle se ramène, en regard de cela, à quelque chose de presque imperceptible. Des révolutionnaires qui ne sont pas membres de l’I.S. ont fait beaucoup plus, pour diffuser notre théorie (et même quelques fois déjà, pour la développer), que plusieurs situationnistes immobilistes ; et sans se draper roidement dans la qualité de situationniste. Nous prouverons encore que nous ne jouons pas à être la direction du nouveau courant révolutionnaire, en cassant le plus précisément possible le dérisoire mythe de l’I.S., à l’intérieur comme au-dehors. L’activité réelle de l’I.S. nous plaît davantage, maintenant comme autrefois. Et la réalité de l’époque révolutionnaire où nous sommes entrés est encore plus notre véritable victoire.
Vaneigem affecte à présent, dans un style universitaire périmé, de vouloir laisser les historiens juger l’action à laquelle il a pris part.
Il a donc aussi oublié que ce ne sont pas les historiens qui jugent, mais l’histoire, c’est-à-dire ceux qui la font. Les historiens professionnels, aussi longtemps qu’ils n’auront pas été mangés (comme le disait jadis un de nos amis), ne font que suivre. Ainsi donc, sur cette question comme sur quelques autres, les historiens ne feront que confirmer le jugement de l’I.S.”

Nelle Notes pour servir... Debord sembra rammaricarsi del silenzio di Vaneigem, giacché il belga aveva scelto di non proseguire nella polemica. Non gli rimane che lamentarsene, lasciando cadere qualche altra sottile e velenosa allusione: “Vaneigem au pied du mur dut montrer au public ce qu’il était devenu par le texte de sa démission, où sa maladresse est aussi frappante que son ignominie. Le pauvre enfant à qui l’on a cassé son jouet pisse un petit coup de dépit en s’en allant: l’I.S. n’était pas du tout intéressante! Na! Il retrouve ainsi une originalité qu’il avait bien perdue depuis un bon lustre, quoique sur une position tout à fait renversée, puisqu’il est (et précisément lui…) sans doute aujourd’hui le seul au monde à prétendre que l’on peut écarter l’inquiétant problème historique et social de l’I.S. avec un si tranquille pseudo-dédain. On comprend fort bien pourquoi Vaneigem peut maintenant se demander si l’I.S. a existé: The proof of the pudding is in the eating. Vaneigem avait écrit un livre révolutionnaire dans une certaine période, livre qu’il n’a su ni traduire en pratique ni corriger avec les progrès de l’époque révolutionnaire. En cette matière, on ne peut juger de la beauté d’un livre que par celle de la vie. Alors, de plus, qu’un livre si subjectif — où abondent les redondantes confidences sur lui-même et sur ce qu’il lui faut, ou lui faudrait, de plus radical - ne peut être que le couronnement d’une vie généreusement risquée et goûtée, Vaneigem n’avait que préfacé sa vie inexistante. Maintenant, suivant son seul talent d’homme de lettres, il préface autrui. Dans un communiqué À propos de Vaneigem, rédigé tout de suite après par Debord et Viénet, l’I.S. l’avait publiquement sommé de désigner au moins une des tactiques manœuvrières qu’il prétendait avoir constaté, et qu’il aurait donc évidemment laissées passer, pendant tout le temps qu’il était parmi nous. Le personnage a préféré avouer, par son silence, sa calomnie; plutôt que de se risquer à la soutenir”.

In Sur la décomposition de nos ennemis, testo annesso a La Véritable Scission dans l’Internationale, Debord, dopo aver polemizzato con gli anarchici italiani della F.A.I. e con numerosi altri personaggi (tra cui un articolista di Actuel che lo descriveva così: “C’est un petit homme au visage d’instituteur et aux vestes mal coupées. (…) Avec l’âge, il est obsédé par ses ennemis, décèle partout trahisons et scandales: il ne veut pas les combattre, mais les anéantir. On ne connaît de lui qu’un seul livre, La Société du spectacle, discours unique et haché”), ritorna ancora una volta su Vaneigem recensendo negativamente l’introduzione che costui aveva redatto (dal titolo: Terrorisme ou révolution) per una raccolta di testi di E. Coeurderoy:

“Quant à Vaneigem, il a récemment saisi la pauvre occasion d’une présentation de morceaux choisis d’Ernest Cœurderoy, qui n’en peut mais, pour greffer très arbitrairement là-dessus son opinion sur la révolution. C’est le texte typique du pro-situ vulgaire, qui n’a rien à dire mais qui veut signer; qui voudrait vendre au mieux la faible valeur publicitaire de son nom sur la bande du livre d’un autre. Mais il lui faut aussi, pour signer, parler par lui-même sur des questions qui lui échappent. De sorte que les plus creuses formules, et les longues séries de concepts sans emploi, s’accumulent à la va-comme-je-te-pousse dans ce qui a l’air d’un mauvais pastiche du Vaneigem de 1962. Le spectacle, tout comme Vaneigem, ne cesserait de se renforcer en s’affaiblissant; et, si par malheur on n’a pas la révolution, on aura toujours plus d’affrontements terroristes entre les uns et les autres; et à mots couverts il laisse entendre que l’I.S. pourrait bien se retrouver au pôle extrémiste de ce terrorisme, du côté gauchiste. Un peu de théorie à la mie de pain vient saupoudrer ses abstractions figées et archaïques. Il montre un certain conflit entre la bourgeoisie riche et dirigeante, laquelle est pour lui simplement et littéralement représentée par des technocrates, des leaders syndicaux, des hommes politiques, des évêques, des généraux, des flics-chefs, et la bourgeoisie pauvre et exploitée des chefs de service, des flics subalternes, des petits commerçants, des curés miteux, des cadres. On voit la rigueur et la précision de ses analyses. Et plus loin il découvre que ce qui pèse sur nous, ce n’est plus le capital mais la logique de la marchandise. Il sait bien que Marx ne l’a pas attendu pour démontrer que le capital n’était rien d’autre que la logique de la marchandise; mais il a calculé naïvement que sa phrase fera moderne. De même que, par une trouvaille du vaneigemisme devenue solitaire, ce qui pèse sur nous, ce n’est plus le pouvoir d’un homme ou d’une classe consciente de sa prédominance… Mais à qui le fera-t-il croire? La classe dominante est partout aussi consciente de sa prédominance que Vaneigem est lui-même conscient de son infériorité. Par le ton même, ces hâtives remises en question ne rappellent pas Bernstein, et même pas Edgar Morin, mais Louis Pauwels. Comme un Lefebvre plus instruit, ou un Nash moins hardi dans le truquage, croyant se sauver par l’omission, Vaneigem se déclare fort en faveur du projet situationniste, en espérant que le lecteur pourra oublier combien il en a lui-même démérité, et ne pourra pas voir tout de suite que ces quelques récentes pages en apportent la preuve accablante. Combien Vaneigem ménage peu son malheureux lecteur (la faiblesse, pour supporter de survivre, a besoin de supposer que presque partout les autres sont d’une faiblesse égale ou supérieure), voilà ce que suffiront à montrer deux énormes détails: Vaneigem dit vite en passant qu’en novembre 1970 l’I.S. ne lui inspirait plus que de l’indifférence. Il croit pouvoir faire passer, sans autre explication, la chose comme un mystère soudain. Mais, de même qu’il n’y a là rien de mystérieux, il n’y avait rien de soudain. Et, tout en glissant cette vérité, quelque peu cynique de sa part, que la théorie n’est pas saisie radicalement tant qu’elle n’est pas expérimentée, il essaie de ressaisir, mine de rien, son vieux bluff dégonflé en faisant l’éloge de ceux qui étaient, en mai 1968, les insurgés de la volonté de vivre. Nous avons montré que l’I.S. a été dans le mouvement des occupations, comme avant, quelque chose de moins vague et de plus précisément historique. Mais le Communiqué de l’I.S. à propos de Vaneigem, du 9 décembre 1970, révèle aussi que la volonté de vivre de Vaneigem était déjà alors un peu loin de cette insurrection”.

Debord sembra piuttosto irritato dal fatto che Vaneigem si dica ancora favorevole al “progetto situazionista”, mentre altrove nell’introduzione affermi che l’I.S. non gli ispiri altro che “indifferenza” (e che in sostanza sia indifferente alla polemica con Debord). La possibilità di un più che probabile (almeno per Vaneigem) sviluppo terroristico dello scontro sociale, non sembra allarmare molto Debord al tempo de La veritable scission (ma l’argomento lo preoccuperà in seguito).

Nelle Thèses sur l’I.S. et son temps Debord (e il cofirmatario Sanguinetti) nomina appena Vaneigem. Questo capita nella tesi n.41: “Que certains des premiers situationnistes aient su penser, aient su prendre des risques et aient su vivre, ou que, parmi tant qui ont disparu, plusieurs aient fini par le suicide ou dans les asiles psychiatriques, voilà ce qui ne pouvait certes pas conférer héréditairement à chacun des derniers venus le courage, l’originalité ou le sens de l’aventure. L’idylle plus ou moins vaneigemiste - Et in Arcadia situ ego - couvrait d’une sorte de formalisme juridique de l’égalité abstraite la vie de ceux qui n’ont prouvé leur qualité ni dans la participation à l’I.S. ni dans rien de leur existence personnelle. En reprenant cette conception encore bourgeoise de la révolution, ils n’étaient que les citoyens de l’I.S. C’étaient en réalité, dans toutes les circonstances de leur vie, les hommes de l’approbation; étant dans l’I.S., ils ont cru se sauver en plaçant tout sous le beau signe de la négation historique; mais cette négation même, ils s’étaient contentés de l’approuver doucement. Ceux qui ne disaient jamais je et tu, mais toujours nous et on, se trouvaient souvent au-dessous même du militantisme politique, alors que l’I.S. avait été, dès l’origine, un projet beaucoup plus vaste et profond qu’un mouvement révolutionnaire simplement politique. Deux miracles coïncidaient, qui leur semblaient dus par l’ordre du monde à leur atonie discrète, mais fière: l’I.S. parlait, et l’histoire la confirmait. L’I.S. devait être tout pour ceux qui n’y faisaient rien; et qui même ailleurs n’arrivaient pas à grand-chose. Ainsi des carences fort diverses, et même opposées, s’appuyaient réciproquement dans l’unité contemplative fondée sur l’excellence de l’I.S.; et celle-ci était censée garantir aussi l’excellence de ce qui était le plus apparemment médiocre dans le reste de leur existence. Les plus mornes parlaient de jeu, les plus résignés parlaient de passion. L’appartenance, même contemplative, à l’I.S. devait suffire à prouver tout cela, dont autrement personne n’aurait eu l’idée de les créditer. Quoique beaucoup d’observateurs, policiers ou autres, dénonçant la présence directe de l’I.S. dans cent entreprises d’agitation qui se développent fort bien toutes seules à travers le monde, aient pu donner l’impression que tous les membres de l’I.S. travaillaient vingt heures par jour à révolutionner la planète, nous devons souligner la fausseté de cette image. L’histoire enregistrera au contraire la significative économie des forces par laquelle l’I.S. a su faire ce qu’elle a fait. De sorte que, lorsque nous disons que certains situationnistes en faisaient vraiment trop peu, il faut comprendre que ceux-là ne faisaient littéralement presque rien. Ajoutons un fait notable, qui vérifie bien l’existence dialectique de l’I.S.: il n’y eut aucune sorte d’opposition entre des théoriciens et des praticiens, de la révolution ou de n’importe quoi d’autre. Les meilleurs théoriciens parmi nous ont toujours été les meilleurs dans la pratique, et ceux qui faisaient la plus triste figure comme théoriciens étaient également les plus démunis devant toute question pratique”.

Certamente Debord stava denunciando ancora una volta Vaneigem, ma aveva riconosciuto le ragioni del silenzio del belga (e la sfida che conteneva): se era necessario spostare il discorso dalla polemica personale e livorosa ad un livello più generale se non storico (che era proprio quanto sosteneva Vaneigem nella lettera di dimissioni), proprio sul piano su cui Debord aveva puntato le sue carte (ed evidentemente Vaneigem aveva compreso quale era la vera aspirazione del rivale), ebbene egli a quel compito (alla costruzione della propria personale mitologia) avrebbe dedicato tutti i suoi sforzi futuri e “les historiens ne feront que confirmer le jugement de l’I.S.”, cioè il suo.

Il fuoco polemico è rivolto verso i “contemplativi” (tesi n.42): “Les contemplatifs dans l’I.S. étaient les pro-situs achevés, car ils voyaient leur activité imaginaire confirmée par l’I.S. et par l’histoire. L’analyse que nous avons faite du pro-situ, et de sa position sociale, s’applique pleinement à eux, et pour les mêmes raisons: l’idéologie de l’I.S. est portée par tous ceux qui n’ont pas su conduire eux-mêmes la théorie et la pratique de l’I.S. Les garnautins exclus en 1967 avaient représenté le premier cas du phénomène pro-situ dans l’I.S. même; mais il s’était encore étendu par la suite. À l’inquiétude envieuse du pro-situ vulgaire, nos contemplatifs substituaient apparemment la jouissance paisible. Mais l’expérience de leur propre inexistence, entrant en contradiction avec les exigences d’activité historique qui sont dans l’I.S. - non seulement dans son passé, mais multipliées par l’extension des luttes actuelles -, causait leur dissimulation anxieuse; les amenait à être encore plus mal à l’aise que les pro-situs extérieurs. Le rapport hiérarchique qui existait dans l’I.S. était d’un type nouveau, inversé: ceux qui le subissaient le dissimulaient. Ils espéraient, dans la crainte et le tremblement devant sa fin qui menaçait, le faire durer autant que possible, dans la fausse étourderie et la pseudo-innocence, car plusieurs croyaient aussi sentir venir le temps de quelques récompenses historiques; et ils ne les ont pas eues”.

I “contemplativi” sono stati la rovina dell’I.S., questo è l’anatema che Debord scaglia sui compagni (tesi n.44): “S’il est arrivé à l’I.S. d’être contemplée comme l’organisation révolutionnaire en soi, possédant l’existence fantomatique de la pure idée de l’organisation, et devenant pour beaucoup de ses membres une entité extérieure, à la fois distincte de ce que l’I.S. avait effectivement accompli et distincte de leur non-accomplissement personnel, mais couvrant de très haut ces réalités contradictoires, c’est évidemment parce que de tels contemplatifs n’avaient pas compris, ni voulu savoir, ce que peut être une organisation révolutionnaire, et même pas ce qu’avait pu être la leur. Cette incompréhension est elle-même produite par l’incapacité de penser et d’agir dans l’histoire, et par le défaitisme individuel qui reconnaît honteusement une telle incapacité et voudrait, non la surmonter, mais la dissimuler. Ceux qui, au lieu d’affirmer et de développer leurs personnalités réelles dans la critique et la décision sur ce que l’organisation à tout moment fait et pourrait faire, choisissaient paresseusement l’approbation systématique n’ont rien voulu d’autre que cacher cette extériorité par leur identification imaginaire au résultat”.

Infatti nella tesi n.45 si comprende come Debord leghi la crisi dell’I.S. alla presenza dei “contemplativi”: “L’ignorance sur l’organisation est l’ignorance centrale sur la praxis; et quand elle est ignorance voulue, elle n’exprime que l’intention peureuse de se tenir en dehors de la lutte historique, tout en affectant, pour les dimanches et les jours de congé, d’aller se promener à côté en spectateurs avertis et exigeants. L’erreur sur l’organisation est l’erreur pratique centrale. Si elle est volontaire, elle vise à utiliser les masses. Sinon, elle est au moins l’erreur complète sur les conditions de la pratique historique. Elle est donc erreur fondamentale dans la théorie même de la révolution”.

Debord è riuscito a scaricare tutti i problemi dell’I.S. sugli stessi situazionisti (eccettuato sé stesso ed il fortunato cofirmatario delle Tesi). Tuttavia se Debord ha cacciato tutti gli altri, come può parlare ancora di uguaglianza? Ecco la risposta (tesi n.52): “Quant à l’égalité qui s’est manifestée si souvent dans l’I.S., et plus que jamais quand elle a entraîné sa récente épuration, d’une part elle retombe dans l’anecdotique, puisque les situationnistes acceptant en fait une position hiérarchique se trouvaient être justement les plus faibles: en découvrant en pratique leur néant, nous avons encore une fois combattu le mythe triomphaliste de l’I.S., et confirmé sa vérité. D’autre part, il faut en tirer une leçon qui s’applique généralement aux périodes d’activités avant-gardistes - dont nous commençons seulement à sortir -, périodes où les révolutionnaires se trouvent obligés, même s’ils veulent l’ignorer, de jouer avec le feu de la hiérarchie, et n’ont pas tous, comme l’I.S. l’a eue, la force de ne pas s’y brûler: la théorie historique n’est pas le lieu de l’égalité, les périodes de communauté égale y sont les pages blanches”.

La teoria non è il luogo dell’uguaglianza e dunque il teorico (più uguale degli altri)  ha schiacciato tutti gli altri. L’aspetto ironico della faccenda è insito nel titolo stesso che raccoglie le Tesi e gli annessi, ovvero La Véritable Scission dans l’Internationale, giacché non si è affatto in presenza di una scissione, perché se da un lato c’é Debord, dall’altro non c’è più nessuno.

Il mistero viene spiegato nella tesi n.56: “Il a suffi alors de déclarer qu’une scission était devenue nécessaire. Chacun dut choisir son camp; et chacun d’ailleurs eut sa chance, puisque la question à résoudre était infiniment plus profonde que l’éclatante insuffisance de tel ou tel camarade. Le fait que cette scission forcée n’ait produit de l’autre côté aucun scissionniste qui puisse se soutenir ne change en rien son caractère de scission véritable; mais en confirme le contenu même. Dans l’I.S., à mesure que le nombre se rétrécissait, les capacités de manœuvre de tous ceux qui eussent aimé gardé quelque chose du statu quo diminuaient. Le fait même que cette scission ait eu pour programme d’interdire le confort précédent des situationnistes qui n’accomplissaient rien de ce qu’ils affirmaient ou contresignaient rendait toujours plus impossible aux autres de persévérer dans le même mode du bluff sans que les conclusions en fussent aussitôt tirées. Ceux qui n’ont pas les moyens de lutter pour ce qu’ils veulent ou contre ce qu’ils ne veulent pas, ceux-là ne peuvent faire nombre que peu de temps”.

E nella tesi n.57: “Au contraire des précédentes épurations qui, dans des circonstances historiques moins favorables, devaient viser à renforcer l’I.S. et l’ont chaque fois renforcée, celle-ci visait à l’affaiblir. Il n’est point de sauveur suprême : c’est à nous qu’il incombait, encore une fois, de le montrer. La méthode et les buts de cette épuration ont été naturellement approuvés par les éléments révolutionnaires extérieurs avec lesquels nous étions en contact, sans aucune exception. On comprendra vite que ce qu’a fait l’I.S. dans la récente période où elle a gardé un relatif silence, et qui est expliqué dans les présentes thèses, constitue une de ses plus importantes contributions au mouvement révolutionnaire. Jamais on ne nous a vus mêlés aux affaires, aux rivalités et aux fréquentations, des politiciens les plus gauchistes ou de l’intelligentsia la plus avancée. Et maintenant que nous pouvons nous flatter d’avoir acquis parmi cette canaille la plus révoltante célébrité, nous allons devenir encore plus inaccessibles, encore plus clandestins. Plus nos thèses seront fameuses, plus nous serons nous-mêmes obscurs”.

L’oscuro Debord si appresta a concludere con una sorta di apologia del fatto compiuto (tesi n. 58): “La véritable scission dans l’I.S. a été celle-là même qui doit maintenant s’opérer dans le vaste et informe mouvement de contestation actuel: la scission entre, d’une part, toute la réalité révolutionnaire de l’époque et, d’autre part, toutes les illusions à son propos”.

Poi, con quella che sembra una negazione freudiana (la verità filtra attraverso la sua negazione) si apre la tesi n.59: “Loin de prétendre rejeter sur d’autres toute la responsabilité des défauts de l’I.S., ou les expliquer par des particularités psychologiques de quelques situationnistes malheureux, nous acceptons au contraire ces défauts comme ayant fait aussi partie de l’opération historique que l’I.S. a menée. Le jeu n’était pas ailleurs. Qui crée l’I.S., qui crée des situationnistes, a dû aussi créer leurs défauts. Qui aide l’époque à découvrir ce qu’elle peut n’est pas plus abrité des tares du présent qu’innocent de ce qui pourra advenir de plus funeste. Nous reconnaissons toute la réalité de l’I.S. et, en somme, nous nous réjouissons qu’elle soit cela”.

Lo stesso criterio di interpretazione si può applicare alla tesi successiva (la penultima): “Que l’on cesse de nous admirer comme si nous pouvions être supérieurs à notre temps; et que l’époque se terrifie elle-même en s’admirant pour ce qu’elle est”.

Credo che sia possibile interpretare le Tesi in funzione degli scopi personali del leader oscuro dell’I.S. La questione dei pro-situs, cioè dei lettori dell’Internazionale Situazionista, gioca a favore di questa interpretazione. 

La condanna senza appello dei lettori contemporanei dell’I.S. (i famigerati pro-situs) sposta l’interesse di Debord verso le generazioni successive, alle quali trasmettere il modello esemplare della propria grandezza.

Numerose sono le Tesi dedicate ai pro-situs (perlomeno dalla n.25 alla n.38). Esse costituiscono un saggio autonomo all’interno delle Tesi:

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“Des spectateurs enthousiastes de l’I.S. ont existé à partir de 1960, mais d’abord en très petit nombre. Dans les cinq dernières années, ils sont devenus une foule. Ce processus a commencé en France, où ils se sont vu attribuer l’appellation populaire de pro-situs, mais ce nouveau mal français a gagné bien d’autres pays. Leur quantité ne multiplie pas leur vide : tous font savoir qu’ils approuvent intégralement l’I.S., et ne savent rien faire d’autre. En devenant nombreux, ils restent identiques: qui en a lu un ou en a vu un les a tous lus et les a tous vus. Ils sont un produit significatif de l’histoire actuelle, mais ils ne la produisent nullement en retour. Le milieu pro-situ figure apparemment la théorie de l’I.S. devenue idéologie - et la vogue passive d’une telle idéologie absolue et absolument inutilisable confirme par l’absurde l’évidence que le rôle de l’idéologie révolutionnaire s’est achevé avec les formes bourgeoises de révolutions -, mais en réalité ce milieu exprime cette part de la réelle contestation moderne qui a dû rester encore idéologique, prisonnière de l’aliénation spectaculaire, et instruite seulement selon ses termes. La pression de l’histoire aujourd’hui a tellement grandi que les porteurs d’une idéologie de la présence historique sont contraints de rester parfaitement absents.

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Le milieu pro-situ ne possède rien que ses bonnes intentions, et il veut tout de suite en consommer illusoirement les rentes, sous la seule forme de l’énoncé de ses creuses prétentions. Ce phénomène pro-situ a été, dans l’I.S., blâmé par tous, en tant qu’il était vu comme une imitation subalterne extérieure, mais il n’a pas été compris par tous. Il doit être reconnu, non comme un accident superficiel et paradoxal, mais comme la manifestation d’une aliénation profonde de la partie la plus inactive de la société moderne devenant vaguement révolutionnaire. Il nous fallait connaître cette aliénation comme une véritable maladie infantile de l’apparition du nouveau mouvement révolutionnaire; d’abord parce que l’I.S., qui ne peut d’aucune manière être extérieure ou supérieure à ce mouvement, n’avait certainement pas pu se tenir elle-même au-dessus de cette sorte de déficience, et ne pouvait prétendre échapper à la critique qu’elle nécessite. D’autre part, si l’I.S. continuait imperturbablement, dans des circonstances autres, à jouer comme précédemment, elle pouvait devenir la dernière idéologie spectaculaire de la révolution, et cautionner une telle idéologie. L’I.S. eût risqué alors d’entraver le mouvement situationniste réel: la révolution.

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La contemplation de l’I.S. n’est qu’une aliénation supplémentaire de la société aliénée; mais le seul fait qu’elle soit possible exprime à l’envers le fait qu’il se constitue à présent un parti réel dans la lutte contre l’aliénation. Comprendre les pro-situs, c’est-à-dire les combattre, au lieu de se borner à les mépriser abstraitement pour leur nullité et parce qu’ils n’avaient pas accès à l’aristocratie situationniste, était pour l’I.S. une nécessité primordiale. Il nous fallait en même temps comprendre comment l’image de cette aristocratie situationniste avait pu se former, et quelle couche inférieure de l’I.S. pouvait se satisfaire de donner d’elle-même, à l’extérieur, cette apparence de valorisation hiérarchique, qui ne lui venait que d’un titre: cette couche devait être elle-même la nullité enrichie par le seul brevet de son appartenance à l’I.S. Et de tels situationnistes non seulement existaient manifestement, mais révélaient à l’expérience qu’ils ne voulaient rien d’autre que persévérer dans leur insuffisance diplômée. Ils communiaient avec les pro-situs, quoique en se définissant eux-mêmes comme hiérarchiquement bien distincts, dans cette croyance égalitaire selon laquelle l’I.S. pourrait être un monolithe idéal, où chacun d’emblée pense sur tout comme tous les autres, et agit de même à la perfection: ceux qui, dans l’I.S., ne pensaient ni n’agissaient revendiquaient un tel statut mystique, et c’est lui que les spectateurs pro-situs ambitionnaient d’approcher. Tous ceux qui méprisent les pro-situs sans les comprendre - à commencer par les pro-situs eux-mêmes, parmi lesquels chacun voudrait s’affirmer grandement supérieur à tous les autres - espèrent simplement faire croire, et se faire croire, qu’ils sont sauvés par quelque prédestination révolutionnaire, qui les dispenserait de faire la preuve de leur propre efficacité historique. La participation à l’I.S. fut leur jansénisme, comme la révolution est leur Dieu caché. Ainsi, abrités de la praxis historique, et se croyant extraits par on ne sait quelle grâce du monde de la misère des pro-situs, ils ne voyaient dans cette misère que la misère, au lieu d’y voir aussi la partie dérisoire d’un mouvement profond qui ruinera la vieille société.

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Les pro-situs n’ont pas vu dans l’I.S. une activité critico-pratique déterminée expliquant ou devançant les luttes sociales d’une époque, mais simplement des idées extrémistes ; et pas tant des idées extrémistes que l’idée de l’extrémisme ; et en dernière analyse moins l’idée de l’extrémisme que l’image de héros extrémistes rassemblés dans une communauté triomphante. Dans le travail du négatif les pro-situs redoutent le négatif, et aussi le travail. Après avoir plébiscité la pensée de l’histoire, ils restent secs parce qu’ils ne comprennent pas l’histoire, et la pensée non plus. Pour accéder à l’affirmation, qui les tente fort, d’une personnalité autonome, il ne leur manque que l’autonomie, la personnalité, et le talent d’affirmer quoi que ce soit.

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Les pro-situs, dans leur masse, ont appris qu’il ne peut plus exister d’étudiants révolutionnaires, et restent des étudiants en révolutions. Les plus ambitieux éprouvent la nécessité d’écrire, et même de publier leurs écrits, pour notifier abstraitement leur existence abstraite, en croyant par là lui donner quelque consistance. Mais, dans ce domaine, pour savoir écrire il faut avoir lu, et pour savoir lire il faut savoir vivre : voilà ce que le prolétariat devra apprendre d’une seule opération, dans la lutte révolutionnaire. Cependant le pro-situ ne peut envisager critiquement la vie réelle, car toute son attitude a précisément pour but d’échapper illusoirement à son affligeante vie, en cherchant à se la masquer, et surtout en tentant vainement d’égarer les autres à ce propos. il doit postuler que sa conduite est essentiellement bonne, parce que «radicale», ontologiquement révolutionnaire. En regard de cette garantie centrale imaginaire, il tient pour rien mille erreurs circonstancielles ou comiques déficiences. Il ne les reconnaît, au mieux, que par le résultat qu’elles ont entraîné à son détriment. Il s’en console et s’en excuse en affirmant qu’il ne commettra plus ces erreurs-là et que, par principe, il ne cesse de s’améliorer. Mais il est aussi démuni devant les erreurs suivantes, c’est-à-dire devant la nécessité pratique de comprendre ce qu’il fait au moment même de le faire: évaluer les conditions, savoir ce que l’on veut et ce que l’on choisit, quelles en seront les conséquences possibles, et comment les maîtriser au mieux. Le pro-situ dira qu’il veut tout, parce qu’en réalité, désespérant d’atteindre le moindre but réel, il ne veut rien de plus que faire savoir qu’il veut tout, dans l’espoir que quelqu’un admirera du coup son assurance et sa belle âme. Il lui faut une totalité qui, comme lui, soit sans aucun contenu. Il ignore la dialectique parce que, refusant de voir sa propre vie, il refuse de comprendre le temps. Le temps lui fait peur parce qu’il est fait de sauts qualitatifs, de choix irréversibles, d’occasions qui ne reviendront jamais. Le pro-situ se déguise le temps en simple espace uniforme qu’il traversera, d’erreur en erreur et d’insuffisance en insuffisance, en s’enrichissant constamment. Comme le pro-situ craint toujours qu’elle ne s’applique à son propre cas, il déteste la critique théorique chaque fois qu’elle est mêlée de faits concrets, donc chaque fois qu’elle a une existence effective: tous les exemples l’effraient, car il ne connaît bien que le sien propre, et c’est celui qu’il veut cacher. Le pro-situ voudrait être original en réaffirmant ce qu’il a, en même temps que tant d’autres, reconnu pour désormais évident; il n’a jamais songé à ce qu’il pourrait faire dans diverses situations concrètes qui, elles, sont chaque fois originales. Le pro-situ, qui s’en tient à la répétition de quelques généralités, en calculant que ses erreurs y seront moins précises et ses autocritiques immédiates plus aisées, traite avec prédilection du problème de l’organisation, parce qu’il cherche la pierre philosophale qui pourrait opérer la transmutation de sa solitude méritée en organisation révolutionnaire utilisable pour lui. Comme il ne sait pas du tout de quoi il s’agit, le pro-situ ne voit les progrès de la révolution que dans la mesure où celle-ci s’occuperait de lui. De sorte qu’il croit généralement qu’il convient de dire que le mouvement de mai 1968 a reflué depuis. Mais il veut bien tout de même répéter que l’époque est de plus en plus révolutionnaire, pour que l’on croie qu’il est comme elle. Les pro-situs érigent leur impatience et leur impuissance en critères de l’histoire et de la révolution ; et de la sorte ils ne voient presque rien progresser en dehors de leur serre bien close, où réellement rien ne change. En fin de compte, tous les pro-situs sont éblouis par le succès de l’I.S. qui, pour eux, est vraiment quelque chose de spectaculaire, et qu’ils envient aigrement. Évidemment, tous les pro-situs qui ont essayé de nous approcher ont été si mal traités qu’ils se trouvent ensuite contraints de révéler, même subjectivement, leur véritable nature d’ennemis de l’I.S.; mais ceci revient au même puisqu’ils restent, dans cette nouvelle position, aussi peu de chose. Ces roquets sans dents voudraient bien découvrir comment l’I.S. a pu faire, et même si l’I.S. ne serait pas en quelque chose coupable d’avoir suscité une telle passion; et alors ils utiliseraient la recette à leur profit. Le pro-situ, carriériste qui se sait sans moyens, est amené à afficher d’emblée la réussite totale de ses ambitions, atteintes par postulat le jour où il s’est voué à la radicalité: le plus débile foutriquet assurera qu’il connaît au mieux, depuis quelques semaines, la fête, la théorie, la communication, la débauche et la dialectique ; il ne lui manque plus qu’une révolution pour parachever son bonheur. Là-dessus, il commence à attendre un admirateur, qui ne vient pas. On peut faire remarquer ici la forme particulière de mauvaise foi qui se révèle dans l’éloquence par laquelle cette platitude se rengorge. D’abord, c’est là où elle est le moins pratique qu’elle parle le plus de révolution; là où son langage est le plus mort et le plus coriace qu’elle prononce le plus souvent les mots de «vécu» et de passionnant ; là où elle manifeste le plus d’infatuation et de vaniteux arrivisme, elle a tout le temps à la bouche le mot de prolétariat. Ceci revient à dire que la théorie révolutionnaire moderne, ayant dû faire une critique de la vie tout entière, ne peut se dégrader, chez ceux qui voudront la reprendre sans savoir la pratiquer, qu’en une idéologie totale qui ne laisse plus rien de vrai à aucun des aspects de leur pauvre vie.

30

Tandis que l’I.S. a toujours su railler impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de ses premières tentatives, en montrant à chaque moment les hypothèses, les oppositions et les ruptures qui ont constitué son histoire même - et notamment en mettant sous les yeux du public en 1971 la réédition intégrale de la revue Internationale situationniste, où se trouve consigné tout ce processus -, c’est au contraire comme un bloc que les pro-situs, absolument divisés entre eux, ont tous constamment prétendu pouvoir admirer l’I.S. Ils se gardent d’entrer dans les détails partout lisibles des affrontements et des choix, pour se borner à approuver complètement ce qui est advenu. Et présentement, quoiqu’ils aient tous quelque chose de foncièrement vaneigemiste, tous les pro-situs donnent hardiment à Vaneigem à terre le coup de pied de l’âne, en oubliant qu’ils n’ont jamais fait preuve du centième de son ancien talent; et ils salivent encore devant la force, qu’ils ne comprennent pas mieux. Mais la moindre critique réelle de ce qu’ils sont dissout les pro-situs en expliquant la nature de leur absence, car eux-mêmes ont déjà continuellement démontré cette absence en essayant de se faire voir : ils n’ont intéressé personne. Quant aux situationnistes qui ne furent eux-mêmes que contemplatifs - ou, pour quelques-uns, principalement contemplatifs -, et qui pouvaient se réjouir de susciter un certain intérêt en tant que membres de l’I.S., ils ont découvert dans l’heure en devant sortir de l’I.S. la dureté d’un monde où ils se trouvent désormais contraints d’agir personnellement; et presque tous rejoignent, en se heurtant à des conditions identiques, l’insignifiance des pro-situs.

31

Quand l’I.S. a choisi initialement de mettre l’accent sur l’aspect collectif de son activité, et de présenter la plus grande partie de ses textes dans un relatif anonymat, c’était parce que, réellement, sans cette activité collective, rien de notre projet n’eût pu se formuler ni s’exécuter, et parce qu’il fallait empêcher la désignation parmi nous de quelques célébrités personnelles que le spectacle eût pu alors manipuler contre notre but commun: ceci a réussi parce qu’aucun parmi ceux qui avaient les moyens d’acquérir une célébrité personnelle, au moins tant qu’il était dans l’I.S., ne l’a voulu; et parce que ceux qui pouvaient le vouloir n’en avaient pas les moyens. Mais par là sans doute ont été posées les bases de la constitution ultérieure, dans la mystique des situphiles, de l’ensemble de l’I.S. en vedette collective. Cette tactique fut bonne cependant, car ce qu’elle nous a permis d’atteindre avait infiniment plus d’importance que les inconvénients qu’elle a pu favoriser au stade suivant. Quand la perspective révolutionnaire de l’I.S. n’était apparemment que notre projet commun, il fallait d’abord défendre ses possibilités mêmes d’existence et de développement. Aujourd’hui qu’elle est devenue le projet commun de tant de gens, les besoins de la nouvelle époque vont d’eux-mêmes retrouver, au-delà de l’écran des conceptions irréelles qui ne peuvent pas se traduire en forces - et pas même en phrases -, les œuvres et les actes précis que la lutte révolutionnaire actuelle doit s’approprier et vérifier; et qu’elle dépassera.

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La cause la plus vraie du malheur des spectateurs de l’I.S. ne tient pas à ce qu’a fait ou n’a pas fait l’I.S.; et l’influence même de quelques simplifications, stylistiques ou théoriques, du primitivisme situationniste n’y joue qu’un très faible rôle. Les pro-situs et vaneigemistes sont bien davantage le produit de la faiblesse et de l’inexpérience générales du nouveau mouvement révolutionnaire, de l’inévitable période de contraste aigu entre l’ampleur de sa tâche et la limitation de ses moyens. La tâche que l’on se donne, dès que l’on a commencé à réellement approuver l’I.S., est en elle-même écrasante. Mais, pour les simples pro-situs, elle l’est absolument ; d’où leur immédiate débandade. C’est la longueur et la dureté de ce chemin historique qui créent, dans la part la plus faible et la plus prétentieuse de l’actuelle génération pro-révolutionnaire, celle qui, avec d’autres mots, ne sait encore que penser et vivre selon les modèles fondamentaux de la société dominante, le mirage d’une sorte de raccourci touristique vers ses buts infinis. Comme compensation de son immobilité réelle et de sa souffrance réelle, le pro-situ consomme l’illusion infinie d’être, non seulement en route, mais littéralement toujours à la veille d’entrer dans la Terre Promise de la réconciliation heureuse avec le monde et avec lui-même, là où sa médiocrité insupportable sera transfigurée en vie, en poésie, en importance. Ce qui revient à dire que la consommation spectaculaire de la radicalité idéologique, dans son espoir de se distinguer hiérarchiquement des voisins, et dans sa permanente déception, est identique à la consommation effective de toutes les marchandises spectaculaires, et comme elle condamnée.

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Ceux qui décrivent le phénomène, véritablement sociologique, des pro-situs comme quelque chose d’inouï, que l’on ne pouvait même pas imaginer avant la stupéfiante existence de l’I.S., sont bien naïfs. Chaque fois que des idées révolutionnaires extrêmes ont été reconnues et reprises par une époque, il s’est produit dans une certaine jeunesse un ralliement enthousiaste en tout point comparable ; notamment parmi des intellectuels ou semi-intellectuels déclassés qui aspirent à tenir un rôle social privilégié, catégorie dont l’enseignement moderne a multiplié la quantité, en même temps qu’abaissé encore la qualité. Sans doute les pro-situs sont-ils plus visiblement insuffisants et malheureux, parce qu’aujourd’hui les exigences de la révolution sont plus complexes, et la maladie de la société plus éprouvante. Mais la seule différence fondamentale avec les périodes où se sont recrutés les blanquistes, les sociaux-démocrates dits marxistes ou les bolcheviks, réside dans le fait qu’auparavant cette sorte de gens étaient embrigadés et employés par une organisation hiérarchique, alors que l’I.S. a laissé les pro-situs massivement au-dehors.

34

Pour comprendre les pro-situs, il faut comprendre leur base sociale et leurs intentions sociales. Les premiers ouvriers ralliés aux idées situationnistes - généralement issus du vieil ultra-gauchisme et donc marqués par le scepticisme qui découle de sa longue inefficacité, initialement très isolés dans leurs usines et relativement sophistiqués par leur connaissance restée sans emploi, quoique parfois assez subtile, de nos théories - ont pu fréquenter, non sans le mépriser, le milieu infra-intellectuel des pro-situs, et s’y imprégner de plusieurs de ses tares; mais dans l’ensemble les ouvriers qui depuis lors découvrent collectivement les perspectives de l’I.S., dans la grève sauvage ou toute autre forme de critique de leurs conditions d’existence, ne deviennent d’aucune façon des pro-situs. Et du reste, en dehors des ouvriers, tous ceux qui ont entrepris une tâche révolutionnaire concrète ou qui ont effectivement rompu avec le genre de vie dominant ne sont pas non plus des pro-situs: le pro-situ se définit d’abord par sa fuite devant de telles tâches et devant une telle rupture. Les pro-situs ne sont pas tous des étudiants poursuivant réellement une qualification quelconque à travers les examens de la présente sous-Université; et a fortiori ils ne sont pas tous des fils de bourgeois. Mais tous sont liés à une couche sociale déterminée, soit qu’ils se proposent d’en acquérir réellement le statut, soit qu’ils se bornent à en consommer par avance les illusions spécifiques. Cette couche est celle des cadres. Quoiqu’elle soit certainement la plus apparente dans le spectacle social, elle semble rester inconnue pour les penseurs de la routine gauchiste, qui ont un intérêt direct à s’en tenir au résumé appauvri de la définition des classes du XIXe siècle : ou bien ils veulent dissimuler l’existence de la classe bureaucratique au pouvoir ou visant le pouvoir totalitaire, ou bien, et souvent simultanément, ils veulent dissimuler leurs propres conditions d’existence et leurs propres aspirations en tant que cadres petitement privilégiés dans les rapports de production dominés par la bourgeoisie actuelle.

35

Le capitalisme a continuellement modifié la composition des classes à mesure qu’il transformait le travail social global. Il a affaibli ou recomposé, supprimé ou même créé des classes qui ont une fonction secondaire dans la production du monde de la marchandise. Seuls la bourgeoisie et le prolétariat, les classes historiques primordiales de ce monde, continuent d’en jouer entre elles le destin, dans un affrontement qui est essentiellement resté le même. Mais les circonstances, le décor, les comparses, et même l’esprit des protagonistes principaux, ont changé avec le temps, qui nous a conduits au dernier acte. Le prolétariat selon Lénine, dont la définition en fait corrigeait celle de Marx, était la masse des ouvriers de la grande industrie ; les plus qualifiés professionnellement se trouvant même rejetés dans une situation marginale suspecte, sous la notion d’«aristocratie ouvrière». Deux générations de staliniens et d’imbéciles, en s’appuyant sur ce dogme, ont contesté aux travailleurs qui ont fait la Commune de Paris, travailleurs encore assez proches de l’artisanat ou des ateliers de la très petite industrie, leur pleine qualité de prolétaires. Les mêmes peuvent aussi s’interroger sur l’être du prolétariat actuel, perdu dans les multiples stratifications hiérarchiques, depuis l’ouvrier spécialisé des chaînes de montage et le maçon immigré jusqu’à l’ouvrier qualifié et le technicien ou semi-technicien; et l’on va même jusqu’à rechercher byzantinement si le conducteur de locomotive produit personnellement de la plus-value. Lénine avait cependant raison en ceci que le prolétariat de Russie, entre 1890 et 1917, se réduisait essentiellement aux ouvriers d’une grande industrie moderne qui venait d’apparaître dans la même période, avec le récent développement capitaliste importé dans ce pays. En dehors de ce prolétariat, il n’existait en Russie d’autre force révolutionnaire urbaine que la partie radicale de l’intelligentsia, alors que tout s’était passé fort différemment dans les pays où le capitalisme, avec la bourgeoisie des villes, avait connu son mûrissement naturel et son apparition originale. Cette intelligentsia russe cherchait, comme partout ailleurs les couches homologues plus modérées, à réaliser l’encadrement politique des ouvriers. Les conditions russes favorisaient un encadrement de nature directement politique dans les entreprises : les unions professionnelles furent dominées par une sorte d’aristocratie ouvrière qui appartenait au parti social-démocrate, et à sa fraction menchevique plus souvent qu’à la bolchevique, tandis qu’en Angleterre par exemple la couche équivalente de trade-unionistes pouvait rester apolitique et réformiste. Que le pillage de la planète par le capitalisme à son stade impérialiste lui permette d’entretenir un plus grand nombre d’ouvriers qualifiés mieux payés, voilà une constatation qui, sous un voile moraliste, est sans aucune portée pour l’évaluation de la politique révolutionnaire du prolétariat. Le dernier ouvrier spécialisé de l’industrie française ou allemande d’aujourd’hui, même s’il est un immigré particulièrement maltraité et indigent, bénéficie lui aussi de l’exploitation planétaire du producteur de jute ou de cuivre dans les pays sous-développés, et n’en est pas moins un prolétaire. Les travailleurs qualifiés, disposant de plus de temps, d’argent, d’instruction, ont donné, dans l’histoire des luttes de classes, des électeurs satisfaits de leur sort et respectueux des lois, mais aussi souvent des révolutionnaires extrémistes, dans le spartakisme comme dans la F.A.I.  Considérer comme aristocratie ouvrière les seuls partisans et employés des dirigeants syndicaux réformistes, c’était masquer sous une polémique pseudo-économiste la véritable question économico-politique de l’encadrement extérieur des ouvriers. Les ouvriers, pour leur indispensable lutte économique, ont un besoin immédiat de cohésion. Ils commencent à savoir comment ils peuvent acquérir eux-mêmes cette cohésion dans les grandes luttes de classes, qui sont en même temps toujours, pour toutes les classes en conflit, des luttes politiques. Mais dans les luttes quotidiennes - le primum vivere de la classe -, qui paraissent être seulement des luttes économiques et professionnelles, les ouvriers ont obtenu d’abord cette cohésion par une direction bureaucratique qui, à ce stade, est recrutée dans la classe elle-même. La bureaucratie est une vieille invention de l’État. En saisissant l’État, la bourgeoisie a d’abord pris à son service la bureaucratie étatique, et a développé seulement plus tard la bureaucratisation de la production industrielle par des managers, ces deux formes bureaucratiques étant les siennes propres, à son service direct. C’est à un stade ultérieur de son règne que la bourgeoisie en vient à utiliser aussi la bureaucratie subordonnée, et rivale, qui s’est formée sur la base des organisations ouvrières, et même, à l’échelle de la politique mondiale et du maintien de l’équilibre existant dans l’actuelle division des tâches du capitalisme, à utiliser la bureaucratie totalitaire qui possède en propre l’économie et l’État dans plusieurs pays. À partir d’un certain point du développement général d’un pays capitaliste avancé, et de son État-providence, même les classes en liquidation qui, étant constituées de producteurs indépendants isolés, ne pouvaient se doter d’une bureaucratie, et envoyaient seulement les plus doués de leurs fils dans les grades inférieurs de la bureaucratie étatique - paysans, petite bourgeoisie commerçante -, confient leur défense, devant la bureaucratisation et l’étatisation générales de l’économie moderne concentrée, à quelques bureaucraties particulières: syndicats de jeunes agriculteurs, coopératives paysannes, unions de défense des commerçants. Cependant les ouvriers de la grande industrie, ceux dont Lénine se réjouissait franchement que la discipline de l’usine les ait, d’une manière mécaniste, conditionnés à l’obéissance militaire, à la discipline de la caserne, voie par laquelle il entendait lui-même faire triompher le socialisme dans son parti et dans son pays, ces ouvriers, qui ont aussi appris dialectiquement tout le contraire, restent assurément, sans être tout le prolétariat, son centre même : parce qu’ils assument bel et bien l’essentiel de la production sociale et peuvent toujours l’interrompre, et parce qu’ils sont plus que personne d’autre portés à la reconstruire sur la table rase de la suppression de l’aliénation économique. Toute définition simplement sociologique du prolétariat, qu’elle soit conservatrice ou gauchiste, cache en fait un choix politique. Le prolétariat ne peut être défini qu’historiquement, par ce qu’il peut faire et par ce qu’il peut et doit vouloir. De la même manière, la définition marxiste de la petite bourgeoisie, qui depuis a fait tant d’usage comme plaisanterie stupide, est également d’abord une définition qui repose sur la position de la petite bourgeoisie dans les luttes historiques de son temps, mais elle repose, au contraire de celle du prolétariat, sur une compréhension de la petite bourgeoisie comme classe oscillante et déchirée, qui ne peut vouloir successivement que des buts contradictoires, et qui ne fait que changer de camp avec les circonstances qui l’entraînent. Déchirée dans ses intentions historiques, la petite bourgeoisie a été aussi, sociologiquement, la classe la moins définissable et la moins homogène de toutes: on pouvait y ranger ensemble un artisan et un professeur d’université, un petit commerçant aisé et un médecin pauvre, un officier sans fortune et un préposé aux postes, le bas clergé et les patrons pêcheurs. Mais aujourd’hui, et certes sans que toutes ces professions se soient fondues en bloc dans le prolétariat industriel, la petite bourgeoisie des pays économiquement avancés a déjà quitté la scène de l’histoire pour les coulisses où se débattent les derniers défenseurs du petit commerce expulsé. Elle n’a plus qu’une existence muséographique, en tant que malédiction rituelle que chaque bureaucrate ouvriériste lance gravement à tous les bureaucrates qui ne militent pas dans sa secte.

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Les cadres sont aujourd’hui la métamorphose de la petite bourgeoisie urbaine des producteurs indépendants, devenue salariée. Ces cadres sont, eux aussi, très diversifiés, mais la couche réelle des cadres supérieurs, qui constitue pour les autres le modèle et le but illusoires, tient en fait à la bourgeoisie par mille liens, et s’y intègre plus souvent encore qu’elle n’en vient. La grande masse des cadres est composée de cadres moyens et de petits cadres, dont les intérêts réels sont encore moins éloignés de ceux du prolétariat que ne l’étaient ceux de la petite bourgeoisie - car le cadre ne possède jamais son instrument de travail -, mais dont les conceptions sociales et les rêveries promotionnelles se rattachent fermement aux valeurs et aux perspectives de la bourgeoisie moderne. Leur fonction économique est essentiellement liée au secteur tertiaire, aux services, et tout particulièrement à la branche proprement spectaculaire de la vente, de l’entretien et de l’éloge des marchandises, en comptant parmi celles-ci le travail-marchandise lui-même. L’image du genre de vie et des goûts que la société fabrique expressément pour eux, ses fils modèles, influence largement des couches d’employés pauvres ou de petits-bourgeois qui aspirent à leur reconversion en cadres; et n’est pas sans effet sur une partie de la moyenne bourgeoisie actuelle. Le cadre dit toujours d’un côté; de l’autre côté, parce qu’il se sait malheureux en tant que travailleur, mais veut se croire heureux en tant que consommateur. Il croit d’une manière fervente à la consommation, justement parce qu’il est assez payé pour consommer un peu plus que les autres, mais la même marchandise de série : rares sont les architectes qui habitent les gratte-ciel arriérés qu’ils édifient, mais nombreuses sont les vendeuses des boutiques de simili-luxe qui achètent les vêtements dont elles doivent servir la diffusion sur le marché. Le cadre représentatif est entre ces deux extrêmes ; il admire l’architecte, et il est imité par la vendeuse. Le cadre est le consommateur par excellence, c’est-à-dire le spectateur par excellence. Le cadre est donc, toujours incertain et toujours déçu, au centre de la fausse conscience moderne et de l’aliénation sociale. Contrairement au bourgeois, à l’ouvrier, au serf, au féodal, le cadre ne se sent jamais à sa place. Il aspire toujours à plus qu’il n’est et qu’il ne peut être. Il prétend, et en même temps il doute. Il est l’homme du malaise, jamais sûr de lui, mais le dissimulant. Il est l’homme absolument dépendant, qui croit devoir revendiquer la liberté même, idéalisée dans sa consommation semi-abondante. Il est l’ambitieux constamment tourné vers son avenir, au reste misérable, alors qu’il doute même de bien occuper sa place présente. Ce n’est point par hasard (cf. De la misère en milieu étudiant) que le cadre est toujours l’ancien étudiant. Le cadre est l’homme du manque: sa drogue est l’idéologie du spectacle pur, du spectacle du rien. C’est pour lui que l’on change aujourd’hui le décor des villes, pour son travail et ses loisirs, depuis les buildings de bureaux jusqu’à la fade cuisine des restaurants où il parle haut pour faire entendre à ses voisins qu’il a éduqué sa voix sur les haut-parleurs des aéroports. Il arrive en retard, et en masse, à tout, voulant être unique et le premier. Bref, selon la révélatrice acception nouvelle d’un vieux mot argotique, le cadre est en même temps le plouc. Dans ce qui précède, c’est bien sûr pour garder la simplicité du langage théorique que nous avons dit l’homme. Il va de soi que le cadre est en même temps, et même en plus grand nombre, la femme qui occupe la même fonction dans l’économie, et adopte le style de vie qui y correspond. La vieille aliénation féminine, qui parle de libération avec la logique et les intonations de l’esclavage, s’y renforce de toute l’aliénation extrême de la fin du spectacle. Qu’il s’agisse de leur métier ou de leurs liaisons, les cadres feignent toujours d’avoir voulu ce qu’ils ont eu, et leur angoissante insatisfaction cachée les mène, non à vouloir mieux, mais à avoir davantage de la même privation devenue plus riche. Les cadres étant fondamentalement des gens séparés, le mythe du couple heureux prolifère dans ce milieu quoique démenti, comme le reste, par la réalité la plus immédiatement pesante. Le cadre recommence essentiellement la triste histoire du petit-bourgeois, parce qu’il est pauvre et voudrait faire croire qu’il est reçu chez les riches. Mais le changement des conditions économiques les différencie diamétralement sur plusieurs points qui sont au premier plan de leur existence: le petit-bourgeois se voulait austère, et le cadre doit montrer qu’il consomme tout. Le petit-bourgeois était étroitement associé aux valeurs traditionnelles, et le cadre doit suivre en courant les pseudo-nouveautés hebdomadaires du spectacle. La plate sottise du petit-bourgeois était fondée sur la religion et la famille ; celle du cadre est liquéfiée dans le courant de l’idéologie spectaculaire, qui ne lui laisse jamais de repos. Il peut suivre la mode jusqu’à applaudir l’image de la révolution - beaucoup ont été favorables à une part de l’atmosphère du mouvement des occupations - et certains d’entre eux croient même aujourd’hui approuver les situationnistes.

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Le comportement des pro-situs s’inscrit entièrement dans les structures de cette existence des cadres et d’abord, comme pour ceux-ci, cette existence leur appartient bien plus en tant qu’idéal reconnu qu’en tant que genre de vie réel. La révolution moderne, étant le parti de la conscience historique, se trouve dans le conflit le plus direct avec ces partisans et esclaves de la fausse conscience. Elle doit d’abord les désespérer en rendant leur honte encore plus honteuse! Les pro-situs sont à la mode, dans un moment où n’importe qui se déclare partisan de créer des situations sans retour, et où le programme d’un risible parti socialiste occidental se propose gaillardement de changer la vie. Le pro-situ, il ne craindra jamais de le dire, vit des passions, dialogue avec transparence, refait radicalement la fête et l’amour, de la même manière que le cadre trouve chez l’éleveur le petit vin qu’il mettra lui-même en bouteilles, ou fait escale à Katmandou. Pour le pro-situ comme pour le cadre, le présent et l’avenir ne sont occupés que par la consommation devenue révolutionnaire: ici, il s’agit surtout de la révolution des marchandises, de la reconnaissance d’une incessante série de putschs par lesquels se remplacent les marchandises prestigieuses et leurs exigences; là, il s’agit principalement de la prestigieuse marchandise de la révolution elle-même. Partout, c’est la même prétention à l’authenticité dans un jeu dont les conditions mêmes, aggravées encore par la tricherie impuissante, interdisent absolument au départ la moindre authenticité. C’est la même facticité du dialogue, la même pseudo-culture contemplée vite et de loin. C’est la même pseudo-libération des mœurs qui ne rencontre que la même dérobade du plaisir: sur la base de la même radicale ignorance puérile mais dissimulée, s’enracine et s’institutionnalise, par exemple, la perpétuelle interaction tragi-comique de la jobardise masculine et de la simulation féminine. Mais au-delà de tous les cas particuliers, la simulation générale est leur élément commun. La particularité principale du pro-situ, c’est qu’il remplace par de pures idées la camelote que le cadre accompli consomme effectivement. C’est le simple son de la monnaie spectaculaire, que le pro-situ croit pouvoir imiter plus aisément que cette monnaie elle-même; mais il est encouragé dans cette illusion par le fait réel que ces marchandises que la consommation actuelle feint d’admirer font, elles aussi, beaucoup plus de bruit que de jouissance. Le pro-situ voudra posséder toutes les qualités de l’horoscope : intelligence et courage, séduction et expérience, etc., et s’étonne, lui qui n’a songé ni à les atteindre ni à en faire usage, que la moindre pratique vienne encore renverser son conte de fées par ce triste hasard qu’il n’a même pas su les simuler. De même, le cadre n’a jamais pu faire croire à aucun bourgeois, ni à aucun cadre, qu’il était au-dessus du cadre.

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Le pro-situ, naturellement, ne peut dédaigner les biens économiques dont dispose le cadre, puisque toute sa vie quotidienne est orientée par les mêmes goûts. Il est révolutionnaire en ceci qu’il voudrait les avoir sans travailler; ou plutôt les avoir tout de suite en travaillant dans la révolution anti-hiérarchique qui va abolir les classes. Trompé par le facile détournement des maigres allocations d’études, par lesquelles la bourgeoisie actuelle précisément recrute ses petits cadres dans diverses classes - passant aisément par profits et pertes la fraction de ces subsides qui sert quelque temps à l’entretien de gens qui cesseront de suivre la filière -, le pro-situ en vient à penser secrètement que la société présente devrait bien le faire vivre assez richement, quoiqu’il soit sans travail, sans argent et sans talent, du seul fait qu’il s’est déclaré un pur révolutionnaire. Et il croit en outre se faire reconnaître comme révolutionnaire parce qu’il a déclaré qu’il l’était à l’état pur. Ces illusions passeront vite : leur durée est limitée aux deux ou trois années pendant lesquelles les pro-situs peuvent croire que quelque miracle économique les sauvera, ils ne savent comment, en tant que privilégiés. Bien peu auront l’énergie, et les capacités, pour attendre ainsi l’accomplissement de la révolution, qui elle-même ne manquerait pas de les décevoir partiellement. Ils iront au travail. Certains seront cadres et la plupart seront des travailleurs mal payés. Beaucoup de ceux-ci se résigneront. D’autres deviendront des travailleurs révolutionnaires”.

Debord sfrutta, in queste tesi, il modello di analisi utilizzato in De la misère en milieu étudiant. I situazionisti sottoponevano ad una critica particolarmente aspra la loro area di riferimento, cioè i loro presumibili lettori (gli studenti, i disoccupati intellettuali, i quadri dell’industria culturale, gli operatori dei media, mentre, a dispetto delle loro intenzioni dichiarate, le pubblicazioni situazioniste non hanno mai interessato l’ambiente operaio, il milieu ouvrier di cui parlava Vaneigem), spingendoli verso una relazione masochistica o di pura ipocrisia. Il meccanismo ha funzionato oltre la fine dell’I.S.

Risulta stravagante che Debord pretenda dai “miserabili” pro-situs “que l’on cesse de nous admirer comme si nous pouvions être supérieurs à notre temps”, senza adottare un analogo metro di giudizio (riconoscendo l’impossibilità di essere superiori alla propria epoca) verso i propri lettori. Evidentemente pretendeva di essere ammirato proprio per il motivo che affermava di negare e cioè per una impossibilità (che evidentemente solo per lui non era più valida).

In conclusione a me pare che Debord, successivamente alla conferenza di Venezia avesse preso coscienza che una fase della sua vita si fosse conclusa e allo stesso tempo di aver conseguito i principali obiettivi che si doveva essere proposto quando aveva cominciato con i lettristi. Aveva pubblicato la Società dello spettacolo poco prima dello scoppio di una rivolta epocale, intuiva chiaramente che il concetto indicato dal titolo del libro sarebbe divenuta l’espressione più usata per definire l’epoca che gli veniva incontro, infine era riuscito ad associare il gruppo che aveva fondato e dirigeva oscuramente da più di dieci anni ai fatti del maggio (ad alcuni di essi almeno). Un’impresa nella quale si univano le indubbie doti analitiche del teorico al sospetto (che equivaleva al più grande riconoscimento) che possedesse segrete abilità nel campo della sovversione. Da quel momento in poi Debord avrebbe dovuto difendere gelosamente il credito che aveva ottenuto - difenderlo dagli amici (i più insidiosi, come al solito) e dai nemici. L’Internazionale Situazionista aveva fatto il suo tempo. Doveva scioglierla e fare in modo che non emergessero eventuali eredi capaci di oscurarlo (i pretendenti dovevano essere screditati, come accadde in seguito a Denevert, Voyer, Semprun, Sanguinetti, Baudet, Martos e a tanti altri).

A posteriori si può concludere dicendo che la paranoia di Debord non era poi tanto  giustificata. Avrebbe potuto risparmiarsi sospetti, calunnie e intrighi. Tanto nessun altro sarebbe riuscito a prendere il suo posto. 

Per fare un esempio: l’Encyclopédie des Nuisances, sottotitolata Dictionnaire de la déraison dans les arts, les sciences et les métiers, che prese ad uscire nel novembre del 1984 con il Discours préliminaire, trascorso più di un decennio dalla fine dell’I.S., iniziò la sua avventura dove Debord aveva lasciato cadere il discorso critico (in effetti Debord, dopo il 1972 non scrisse più nulla di teoreticamente importante, limitandosi a redigere i commentari di ciò che egli aveva già scritto, il proprio panegirico oppure la propria autodifesa quando fu sospettato della morte di Lebovici).
Nelle Thèses sur l’I.S. et son temps viene proposto il modello di analisi della società industriale che proseguirà con l’Encyclopédie des nuisances (ed anche il nome stesso dell’impresa: “(…) la simple sensation immédiate des nuisances et des dangers, plus oppressants à chaque trimestre, qui aggressent tout d’abord et principalement la grande majorité, c’est-à-dire les pauvres, constitue déjà un immense facteur de révolte, une exigence vitale des exploités, tout aussi matérialiste que l’a été la lutte des ouvriers du XIXe siècle pour la possibilité de manger”). Per esempio nelle tesi seguenti:

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“Le monde de la marchandise, qui était essentiellement inhabitable, l’est devenu visiblement. Cette connaissance est produite par deux mouvements qui réagissent l’un sur l’autre. D’une part le prolétariat veut posséder toute sa vie, et la posséder comme vie, comme la totalité de sa réalisation possible. D’autre part la science dominante, la science de la domination,calcule désormais avec exactitude la croissance toujours accélérée des contradictions internes qui suppriment les conditions générales de survie dans la société de la dépossession.

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Les symptômes de la crise révolutionnaire s’accumulent par milliers, et ils sont d’une telle gravité que le spectacle est maintenant obligé de parler de sa propre ruine. Son faux langage évoque ses ennemis réels et son désastre réel.

(...)

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Tandis que le monde de la marchandise est contesté par les prolétaires à un degré de profondeur que leur critique n’avait jamais atteint, et qui est justement le seul qui convenait à leurs fins - une critique de la totalité -, le fonctionnement du système économique est lui-même entré, de son propre mouvement, dans la voie de l’auto-destruction. La crise de l’économie, c’est-à-dire du phénomène économique tout entier, crise de plus en plus patente dans les récentes décennies, vient de franchir un seuil qualitatif. Même l’ancienne forme de la simple crise économique, que le système avait réussi à surmonter, on sait comment, pendant la même période, reparaît comme une possibilité de l’avenir proche. Ceci est l’effet d’un double processus. D’une part les prolétaires, pas seulement en Pologne, mais aussi bien en Angleterre ou en Italie, sous la figure des ouvriers qui échappent à l’encadrement syndical, imposent des revendications de salaire et des conditions de travail qui déjà perturbent gravement les prévisions et les décisions des économistes étatiques qui gèrent la bonne marche du capitalisme concentré. Le refus de l’actuelle organisation du travail dans l’usine est déjà un refus direct de la société qui se fonde sur cette organisation, et dans ce sens quelques grèves italiennes ont éclaté le lendemin même du jour où les patrons avaient accepté toutes les revendications précédentes. Mais la simple revendication salariale, quand elle est assez fréquemment renouvelée et chaque fois qu’elle fixe un pourcentage d’augmentation suffisamment élevé, montre clairement que les travailleurs prennent conscience de leur misère et de leur aliénation sur l’ensemble de leur existence sociale, qu’aucun salaire ne pourra jamais compenser. Par exemple, le capitalisme ayant ordonné à son gré l’habitat extra-urbain des travailleurs, ceux-ci seront bientôt portés à exiger que leurs pénibles heures de transport quotidien leur soientpayées pour ce qu’elles sont en fait: un véritable temps de travail. Dans toutes ces luttes qui reconnaissent encore le salariat, le syndicalisme doit être lui-même encore accepté dans son principe; cependant il n’est accepté qu’en tant que forme apparemment mal adaptée, et perpétuellementdébordée. Mais les syndicats ne peuvent durer indéfiniment dans une telle conjoncture socio-politique ; et ils sentent qu’ils s’usent. Dans les discours des ministres bourgeois et des bureaucrates staliniens, la même peur retrouve les mêmes mots: Je pose la question: est-ce qu’on va recommencer de nouveau comme en 1968? Je réponds: non, cela ne doit pas recommencer. (Déclaration de Georges Marchais à Strasbourg, le 25 février 1972.) D’autre part, les prolétaires de la société de l’abondance marchande, sous la figure des consommateurs qui se dégoûtent des pauvres biens semi-durables dont ils ont été longuement saturés, créent de menaçantes difficultés pour l’écoulement de la production. De sorte que le seul but avoué du développement actuel de l’économie, et qui est effectivement la seule condition de la survie de tous dans le cadre du système reposant sur le travail-marchandise, la création de nouveaux emplois, se ramène à cette entreprise de créer des emplois que les travailleurs ne veulent plus assumer; afin de produire cette partie croissante des biens qu’ils ne veulent plus acheter. Mais c’est à un niveau beaucoup plus profond qu’il faut comprendre que l’économie marchande, avec cette technologie précise dont le développement est inséparable du sien, est entrée en agonie. L’apparition récente dans le spectacle d’un flot de discours moralisateurs et promesses de remèdes de détail à propos de ce que les gouvernements et leurs mass media appellent la pollution, à la fois veut dissimuler et doit révéler cette évidence: le capitalisme a enfin apporté la preuve qu’il ne peut plus développer les forces productives. Ce n’est pas quantitativement, comme beaucoup avaient cru devoir le comprendre, qu’il se sera montré incapable de poursuivre ce développement, mais bien qualitativement. Cependant ici la qualité n’est en rien une exigence esthétique ou philosophique: c’est une question historique par excellence, celle des possibilités mêmes de la continuation de la vie de l’espèce. Le mot de Marx: Le prolétariat est révolutionnaire ou n’est rien, trouve à ce moment son sens final ; et le prolétariat qui arrive devant cette alternative concrète est véritablement la classe qui réalise la dissolution de toutes les classes. Les choses sont donc à cette heure arrivées au point que les individus doivent s’approprier la totalité existante des forces productives, non seulement pour pouvoir s’affirmer eux-mêmes, mais encore, en somme, pour assurer leur existence (Idéologie allemande).

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La société qui a tous les moyens techniques d’altérer les bases biologiques de l’existence sur toute la Terre est également la société qui, par le même développement technico-scientifique séparé, dispose de tous les moyens de contrôle et de prévision mathématiquement indubitable pour mesurer exactement par avance à quelle décomposition du milieu humain peut aboutir - et vers quelles dates, selon un prolongement optimal ou non - la croissance des forces productives aliénées de la société de classes. Qu’il s’agisse de la pollution chimique de l’air respirable ou de la falsification des aliments, de l’accumulation irréversible de la radioactivité par l’emploi industriel de l’énergie nucléaire ou de la détérioration du cycle de l’eau depuis les nappes souterraines jusqu’aux océans, de la lèpre urbanistique qui s’étale toujours plus à la place de ce que furent la ville et la campagne ou de l’explosion démographique, de la progression du suicide et des maladies mentales ou du seuil approché par la nocivité du bruit - partout, les connaissances partiellessur l’impossibilité, selon les cas plus ou moins urgente et plus ou moins mortelle, d’aller plus loin constituent, en tant que conclusions scientifiques spécialisées qui restent simplement juxtaposées, un tableau de la dégradation générale et de l’impuissance générale. Ce lamentable relevé de la carte du territoire de l’aliénation, peut avant son engloutissement, est naturellement effectué à la manière dont a été construit le territoire lui-même: par secteurs séparés. Sans doute ces connaissances du parcellaire sont-elles désormais contraintes de savoir, par la concordance malheureuse de toutes leurs observations, que chaque modification efficace et rentable à court terme sur un point déterminé se répercute sur la totalité des forces en jeu, et peut entraîner ultérieurement une perte plus décisive. Cependant une telle science, servante du mode de production et des apories de la penséequ’il a produite, ne peut concevoir un véritable renversement du cours des choses. Elle ne sait pas penser stratégiquement, ce que d’ailleurs personne ne lui demande ; elle ne détient pas davantage les moyens pratiques d’y intervenir. Elle peut donc discuter seulement del’échéance, et des meilleurs palliatifs qui, s’ils étaient appliqués fermement, reculeraient cette échéance. Cette science montre ainsi, au degré le plus caricatural, l’inutilité de la connaissance sans emploi et le néant de la pensée non dialectique dans une époque emportée par le mouvement du temps historique. Ainsi le vieux slogan, la révolution ou la mort, n’est plus l’expression lyrique de la conscience révoltée, c’est le dernier mot de la pensée scientifique de notre siècle. Mais ce mot ne peut être dit que par d’autres; et non par cette vieille pensée scientifique de la marchandise, qui révèle les bases insuffisamment rationnelles de son développement au moment où toutes les applications s’en déploient dans la puissance de la pratique sociale pleinement irrationnelle. C’est la pensée de la séparation, qui n’a pu accroître notre maîtrise matérielle que par les voies méthodologiques de la séparation, et qui retrouve à la fin cette séparation accomplie dans la société du spectacle, et dans son auto-destruction.

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La classe qui accapare le profit économique, n’ayant d’autre but que de conserver la dictature de l’économie indépendante sur la société, a dû jusqu’ici considérer et diriger l’incessante multiplication de la productivité du travail industriel comme s’il s’agissait toujours du mode de production agraire. Elle a poursuivi constamment le maximum de production purement quantitative, à la manière des anciennes sociétés qui, elles, effectivement incapables de jamais reculer les limites de la pénurie réelle, devaient récolter à chaque saisontout ce qui pouvait être récolté. Cette identification au modèle agraire se traduit dans le modèle pseudo-cyclique de la production abondante des marchandises où l’on a sciemmentintégré l’usure aux objets produits aussi bien qu’à leurs images spectaculaires, pour maintenir artificiellement le caractère saisonnier de la consommation, qui justifie l’incessante reprise de l’effort productif et maintient la proximité de la pénurie. Mais la réalité cumulative de cette production indifférente à l’utilité ou à la nocivité, en fait indifférente à sa propre puissancequ’elle veut ignorer, ne s’est pas laissé oublier et revient sous la forme la pollution. La pollution est donc un malheur de la pensée bourgeoise ; que la bureaucratie totalitaire ne peut qu’imiter pauvrement. C’est le stade suprême de l’idéologie matérialisée, l’abondance effectivement empoisonnée de la marchandise, et les retombées misérables de la splendeur illusoire de la société spectaculaire.

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La pollution et le prolétariat sont aujourd’hui les deux côtés concrets de la critique de l’économie politique. Le développement universel de la marchandise s’est entièrement vérifié en tant qu’accomplissement de l’économie politique, c’est-à-dire en tant que renoncement à la vie. Au moment où tout est entré dans la sphère des biens économiques, même l’eau des sources et l’air des villes, tout est devenu le mal économique. La simple sensation immédiate des nuisances et des dangers, plus oppressants à chaque trimestre, qui aggressent tout d’abord et principalement la grande majorité, c’est-à-dire les pauvres, constitue déjà un immense facteur de révolte, une exigence vitale des exploités, tout aussi matérialiste que l’a été la lutte des ouvriers du XIXe siècle pour la possibilité de manger. Déjà les remèdes pour l’ensemble des maladies que crée la production, à ce stade de sa richesse marchande, sont trop chers pour elle. Les rapports de production et les forces productives ont enfin atteint un point d’incompatibilité radicale, car le système social existant a lié son sort à la poursuite d’une détérioration littéralement insupportable de toutes les conditions de vie”.