Dans ses mains

partie I

 

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Brève note de la webmaster:

C'est avec une très grande satisfaction que nous accueillons la traduction en français de "Nelle Mani" de Alessandra (imperia4@virgilio.it), réalisée par Lady Rose (lady_rose_grandier@yahoo.fr) avec la révision de Alessandra et Marina, et présent même sur les sites Internet: - Le Royaume de la Rose de Versailles http://sweetpoxy.free.fr; www.ladyoscar.net; Le forum du temple des anges: http://forum.aceboard.net/index.php?login=17291

Nous souhaitons à ce récit et a son auteur - et à la traduction même – de renouveler son succès!

Laura

 

Brève note de la traductrice:

 

            Il était environ 23 heures, et j’étais seule chez moi, devant mon ordinateur, à la lumière flottante de petites bougies. Je surfais négligemment à la recherche de sites sur Lady Oscar que je n’avais pas encore explorés, et de fanfictions que je n’avais pas encore lues, et comme je commençais à avoir un peu sommeil, je songeais à aller me coucher, lorsque, par la magie d’un lien, je me retrouvai sur le site italien « Laura’s Little Corner ». J’avais lu un peu partout que les fics italiennes sont les plus belles, alors j’ai décidé d’en lire une avant de me coucher, pour faire de beaux rêves. Attirée par le titre un peu mystérieux, mon choix s’est porté sur Nelle mani. Et moi qui voulais juste une source d’inspiration pour un bon dodo, je me suis retrouvée à passer une nuit blanche à rêver éveillée devant l’admirable récit qui défilait sur mon écran. Un très long, très beau, très passionné, très tendre et très doux rêve, sans doute l’un de mes plus merveilleux rêves nocturnes ! A 9 heures du matin, parvenue au mot fin, des larmes et des étoiles plein les yeux, j’ai cliqué sur l’adresse de l’auteur de cette belle histoire si bien écrite, si débordante d’émotions, pour lui dire toute mon admiration. Et lui proposer de tenter une traduction. Je l’ai faite avec grand plaisir, et beaucoup d’émotion, et j’espère de tout cœur ne pas avoir trahi ce texte, et avoir ainsi bien rempli mon rôle de relais, pour vous permettre de ressentir la même chose que moi à la lecture de ces lignes.

            Lady Rose.

 

 

 

            Un matin, avec trop de soleil. Il regardait en silence derrière la fenêtre en boutonnant sa manchette.

            La veille, il était rentré tard, à la nuit tombée. Et, bien qu’il fût tard, lui était venu le désir de ne pas franchir la grille du palais, de faire faire volte-face à son cheval, et d’aller encore quelque part, tout seul, en suivant la voix des étoiles qu’il voyait briller, impassibles, s’il levait le visage. Tant de temps qu’il n’avait plus regardé le ciel.

            Puis, cependant, il était rentré : il avait décidé de le faire, comme toujours. Et comme toujours, alors qu’il se dirigeait vers l’écurie, il avait posé les yeux sur la fenêtre de sa chambre. Qui, cette nuit aussi, était éclairée.

            Ses mains, dans ses gants, s’étaient resserrées sur les rênes, dans un mouvement instinctif qui avait le goût de la douleur et de la rage, et qu’il avait tout de suite dominé, en serrant les lèvres.

            Je suis ici, Oscar. Je suis rentré.

            Il était rentré à la maison sans faire de bruit, et s’était dirigé vers sa chambre, pour aller au lit. Mais ensuite, il s’était retourné et était revenu sur ses pas. Il avait monté l’escalier éclairé de quelques bougies, jusqu’à l’étage du dessus. Jusqu’à sa chambre. En silence, parce qu’il ne pouvait pas venir là, surtout de nuit. Et ce n’était plus comme avant, lorsqu’il pouvait frapper à sa porte et lui demander de descendre pour rester un moment avec lui. Maintenant elle n’aurait plus accepté, et elle se serait étonnée, peut-être fâchée, de sa présence.

            Qu’est-ce que tu fais, Oscar… Pourquoi n’arrives-tu plus à dormir ?

            La porte était  entrebâillée, et il avait souri. Elle la laissait toujours ouverte, qui sait pourquoi. Il connaissait son habitude, et c’était peut-être là la vraie raison pour laquelle il était monté : il espérait qu’il en était encore ainsi, au moins cela.

            Il était venu pour l’épier, c’est vrai. Et il avait épié. Non sans se mépriser, pendant qu’il le faisait. Et Oscar était là, juste devant lui, assise à son bureau, encore vêtue.

            Mais elle n’écrivait pas.

            Il y avait une bouteille, devant elle. Elle buvait. Ou plutôt, elle avait bu jusqu’à il y a peu, à en juger par le niveau de la liqueur descendu presque jusqu’au fond, et à la courbe de ses épaules, alors qu’elle fixait le verre.

            André avait ouvert grand les yeux, lorsqu’il l’avait vue se lever lentement, et s’appuyer en vacillant à la chaise. Elle n’avait pas simplement bu, elle était complètement ivre. Cela lui avait serré le cœur : elle ne faisait jamais de choses comme cela. Pas délibérément, pas toute seule dans sa chambre.

            Il avait impulsivement ressenti le besoin d’entrer, et il avait serré les poings pour s’empêcher de le faire.

            Mais elle était tombée à terre, en faisant le premier pas, et alors ses poings serrés n’avaient plus suffi, et sans penser à rien il avait ouvert la porte et était allé la relever.

            « Oscar… »

            Il lui avait passé un bras derrière le dos, en la soulevant, la tête penchée vers elle, à genoux près de son corps étendu. Et il lui avait doucement tourné le visage.

            « Oscar… qu’est-ce que tu as fait… »

            Elle l’avait regardé. D’abord sans le reconnaître. Mais ensuite oui, elle l’avait reconnu. Et elle lui avait souri : « C’est toi, André… »

            « Oscar, pourquoi as-tu fait cela ? »

            Une question inutile : elle n’était pas en état de comprendre, et de toute façon elle n’aurait pas répondu. Et il savait, pourquoi.

            « Tu ne dois pas le laisser te faire cela, Oscar », avait-il dit. Et il s’était aperçu que lui était venue l’envie de pleurer.

            Il l’avait prise dans ses bras, et l’avait portée sur le lit.

 

            « André… », avait-elle chuchoté alors qu’il la couchait sur les oreillers, sa main serrant son bras, d’une manière qui avait fait frissonner tout son corps.

            « Dis moi… Oscar… »

            Elle n’avait pas répondu, mais elle l’avait longtemps fixé, d’un regard étrange. « Comment se fait-il que je te trouve toujours pour me relever, quand je suis à terre ? », avait-elle dit dans un rire rauque.

« Je ne sais pas », avait-il répondu avec sérieux, alors qu’il lui ôtait ses bottes.

            Puis il avait senti sa main le serrer encore, et il l’avait vu se soulever et s’asseoir en s’agrippant à son bras. « Je veux un baiser de bonne nuit », lui avait-elle dit.

            « Tu es ivre Oscar ».

            Elle avait ri de nouveau. « Et qu’est-ce que tu en sais ? »

            Il l’avait fixée, cette fois, à quelques centimètres de son visage. Parce que sinon tu n’aurais pas eu à me demander un baiser de bonne nuit, avait-il pensé.

            Mais elle ne s’était pas avouée vaincue, elle avait perdu tout contrôle, cette nuit. Elle lui avait passé la main sur la poitrine, s’insinuant dans la chemise, sur la peau nue, en une caresse qui lui avait coupé le souffle. Un sursaut lui avait échappé, et il avait fermé les yeux. Il s’était laissé attirer à elle, chassant toute pensée consciente, et avaient senti ses lèvres se poser sur les siennes. Elle l’avait embrassé doucement, si langoureusement qu’il en perdit la tête un instant, alors qu’il entendait sa voix pleine d’une ardeur inconnue, d’un ton étrangement léger. Presque frivole, si cela n’avait pas été à cause de l’alcool. « Donne moi un baiser, André… regarde, je suis une femme, même si je n’en ai pas l’air… Je ne te plais pas, André ? »

            Puis elle s’était un peu reculée : « Pourquoi ne restes-tu pas avec moi cette nuit ? », avait-elle ajouté en le provoquant encore.

            Alors même lui avait perdu le contrôle : « Tu ne sais pas à quel point je voudrais rester, avait-il dit en la fixant, tout près d’elle, tu ne le sais pas ». Et la prenant dans ses bras, il avait répondu à ce baiser dans un élan de désir, comme de folie. Il l’avait embrassée passionnément, sans la lâcher, de tout son être. Il l’avait poussée sur les oreillers, cherchant sa bouche encore et encore. Avec tant d’ardeur qu’il ne s’était pas aperçu qu’il parcourait son corps de ses mains, de caresses désespérées et anxieuses.

 

            Mais ensuite il s’en était rendu compte, parce qu’elle avait cessé de plaisanter, et en levant son visage pour la regarder, il avait rencontré ses yeux pleins de stupeur. Et de douleur. Et presque de peur. Même si elle était trop ivre pour réagir. Même pour seulement tenter de se refuser.

            Elle ne lui aurait opposé aucune résistance, s’il était allé plus loin. Il l’avait clairement senti. En cet instant tout dépendait de lui.

            Mais il y avait de la stupeur, de la douleur, et presque de la peur, dans ses yeux.

            « Oscar… »

            Il s’était relevé, haletant,  et était resté à la fixer, comme hors de lui, pendant un très long moment. Puis il avait retrouvé le contrôle et s’était excusé.

            « Excuse moi, Oscar… Excuse moi. Maintenant je m’en vais… je m’en vais… »

            Elle était restée silencieuse, les yeux ouverts.

            Il s’était levé, et puis il avait encore dit qu’il était désolé. Sans pouvoir réfléchir, sans réussir à penser, sentant seulement qu’il était encore excité, qu’il la désirait follement, et que s’en aller était la dernière chose qu’il voulait faire.

            Il était sorti, et avait fermé la porte, en la laissant là.

 

 

*******

 

 

            Ce souvenir l’avait totalement absorbé, et maintenant il regardait fixement à travers la vitre, au-delà de l’horizon. Maintenant il savait qu’il ne pouvait pas se passer de l’avoir. Il ne pouvait vraiment pas.

            Il aurait plutôt préféré ne pas devoir vivre.

 

            Peut-être se rappelait-elle. Probablement non. Elle ne s’était jamais rappelé de rien, le lendemain, chaque fois qu’ils avaient trop bu ensemble.

            Heureusement. Ou malheureusement.

            Il la trouverait en bas, à prendre son petit déjeuner.

            Il enfila sa veste et fit violence à son cœur, pour se décider à descendre.

 

 

*******

 

 

            Il parcourut en silence les quelques escaliers et le couloir sombre qui menaient de l’aile où se trouvait sa chambre au salon. Il entra, et dans le soudain élargissement de cet espace, il fut blessé par la luminosité obstinée qui se répandait à travers les vitres dans la maison. Oscar était bien là, assise à la table inondée de lumière. Il ne réussit pas tout d’abord à distinguer les contours flous de sa silhouette, ses longues jambes croisées, la masse de ses cheveux défaits flamboyant sous le soleil, la main élégante qui tenait la tasse de chocolat, pour la porter à ses lèvres.

            Elle paraissait plus que tranquille, et même parfaitement maîtresse d’elle-même, comme tous les matins.

            « Bonjour André », dit-elle sur un ton aimable, sans sourire.

            Salut Oscar.

            Il regarda les doigts qui serraient l’anse de la tasse, et il les revit sur sa poitrine cette nuit. Il vit ses lèvres qui se posaient sur le bord pour siroter, et il les sentit sur ces lèvres, pleines d’ardeur. Son corps, qui était le même qu’hier, il le reconnut contre sa chair.

            « Bonjour Oscar. »

            « Tu t’es réveillé tard ce matin, dit-elle. Qu’y a-t-il, tu as veillé jusqu’à une heure avancée ? »

            Il pâlit. Non, elle ne se souvenait de rien. Ce n’était pas possible. Elle n’aurait pas plaisanté ainsi, si elle s’était rappelée de ces baisers, de ces caresses qui l’avaient emportée. Effrayée, presque.

            « Je crois justement que oui, répondit-il. Je dois avoir un peu trop bu. Et toi ? »

            Il la vit rougir et boire une gorgée de chocolat, sans rien dire. Oscar ne rougissait jamais, et il en fut presque attendri, en cet instant. De ces baisers, elle n’avait aucun souvenir, mais qu’elle s’était enivrée, oui. Et elle en éprouvait de la honte.

            « Non, je me suis seulement couchée tard, répondit-elle, et ce matin, j’ai pris tout mon temps ».

            Oui, bien sûr… Un bon masque, Oscar. Mais j’étais avec toi, cette nuit.

            Il s’assit, et servit du chocolat même pour lui. C’était son privilège, de pouvoir prendre son petit déjeuner avec Oscar, à la même table. Les domestiques mangeaient aux cuisines, lui non : il déjeunait et dînait avec elle, toujours. C’était elle qui l’avait voulu. André n’était pas un serviteur comme les autres : à la maison tout le monde le savait.

            C’était un privilège, dont il avait besoin comme de l’air, depuis le jour où il avait compris qu’il l’aimait. Et qui parfois lui pesait, parce qu’il l’avait plongé dans des sortes de limbes, qui le rendait étranger aux autres, et ne lui permettait pas, cependant, de l’atteindre, elle.

            « Quel est le programme, aujourd’hui ? » demanda-t-il en observant la main d’Oscar qui s’était posée sur la table dans un tremblement comme de faiblesse. Oscar ne dit rien, porta cette main à son front et secoua imperceptiblement la tête.

            « Je ne sais pas, j’ai un peu mal à la tête, ce matin. Peut-être devrions-nous nous reposer un peu, c’est tout… ».

            Nous devrions. Oui, Oscar, nous devrions. André sourit, et sentit un frémissement de joie lui caresser le cœur, rien qu’un instant. Elle l’incluait toujours dans ses actions, même lorsque celles-ci partaient d’une sensation, d’un état d’esprit entièrement personnel. J’ai mal à la tête, donc nous devrions nous reposer. Ce « nous » qu’elle employait ainsi souvent, sans plus y faire attention, était devenu une raison de vivre, pour lui.

            Oui, il y avait quelque chose d’injuste, même. Mais André n’avait que cela, et s’y accrochait.

            « Tu as quelque chose de particulier en tête, Oscar ? »

            « Je ne sais pas… rester ici... Ou bien faire un tour à cheval… mais tous seuls cependant… sans devoir avertir toute la maisonnée… sans deux heures de préparatifs… »

            « J'y pense moi même, Oscar  ». Il but une autre gorgée de chocolat, et pensa qu’il était bon.

 

 

*******

 

 

            Il n’avait pas mis longtemps à préparer les chevaux. Et il était même passé à la cuisine, de sa propre initiative, pour prendre quelque chose à manger, pour lorsqu’ils auraient faim.

            « Nous pouvons y aller, si tu veux : tout est prêt ». Il lui avait dit cela, en la rejoignant dans le salon. Elle était en train de regarder dehors, par la baie vitrée. Elle  s’était retournée, et lui avait souri avec une joie muette, presque timide.

            Alors il avait pensé qu’il l’aimait, avec une intensité telle qu’il avait envie de fermer les yeux.

            Rien que toi et moi, mon amour. Cette journée est la nôtre.

            Ils étaient montés en selle, et avaient franchi la grille du palais, en passant presque inaperçus.

            « Où allons-nous, André ? » lui avait-elle demandé.

            « Je connais un très bel endroit, avait-il dit, que tu n’as jamais vu ».

            « Oh… », avait-elle réagi. Presque du désappointement, aurait-il dit. Et un soudain intérêt.

            André avait souri.

 

            En effet, il y avait un endroit qu’il avait découvert depuis peu. Depuis qu’elle s’était éloignée de lui, le laissant de plus en plus souvent seul, ne sachant comment combler ce manque qui le privait d’air. Alors parfois il avait pris son cheval et l’avait éperonné sans but précis. Comme la nuit précédente.

            Il s’était retrouvé là, et il avait tout de suite pensé que ce serait merveilleux d’y aller avec elle.

            « Viens, avait-il dit, maintenant ce sera aussi ton secret ».

 

            « André… mais… c’est magnifique... »

            Il l’avait regardée descendre de cheval, en silence. Puis il l’avait imitée. C’était une clairière, une clairière dans le bois, et à côté un fleuve coulait, bondissant en petites cascades qui gazouillaient. Mais sans grondement, comme une musique de ruisseau. Il n’y avait personne.

Ils avaient chevauché longtemps pour arriver là, et ils avaient un peu chaud. Oscar était allée vers l’eau et y avait baigné ses poignets, son visage, en nouant ses cheveux avec un ruban. Puis elle s’était retournée avec un sourire radieux.

            « Et depuis quand connais-tu cet endroit, sans m’en avoir rien dit ? »

            « Depuis peu… », avait-il répondu en la regardant. Elle était belle, et semblait presque être redevenue celle qu’elle était auparavant.

            Oublie le, Oscar. Ne pense pas à lui, je t’en prie.

            Quand ils étaient ensemble, Oscar paraissait revenir des années en arrière. Elle avait presque l’air d’une enfant, parfois. Il y avait un contraste qui lui faisait presque mal, même s’il adorait ces moments. Tout son sérieux, toute la gravité qu’elle affichait devant les autres disparaissait, et elle plaisantait, elle riait toujours, elle avait des gestes d’une familiarité qui le troublait. C’était la familiarité de ceux qui ont grandi ensemble. Mais ce n’était plus comme avant.

            Elle avait ôté ses chaussures, en lui souriant, et remontant son pantalon jusqu’aux genoux, elle avait marché lentement sur le gravier jusqu’à la petite cascade. Puis elle s’était encore baignée. « Viens ! », lui avait-elle lancé.

             « Il ne vaut mieux pas », lui avait-il répondu du rivage. Avec un regard joyeux pour dissimuler son émotion. Alors elle était revenue en arrière, et l’avait éclaboussé.

            Comme d’habitude, avait-il pensé en baissant la tête dans un sourire, et il avait aussi enlevé ses chaussures, en se laissant prendre au jeu. Cela faisait si longtemps que cela n’était plus arrivé.

            Mais lorsqu’en la poursuivant dans l’eau il l’avait attrapée, et l’avait sentie se débattre entre ses bras, et l’avait entendue rire, il avait eu la soudaine impulsion de la tourner vers lui et de l’étreindre, de la pousser sur l’herbe, sur le rivage et de lui donner tous les baisers qu’il contenait sans la laisser partir, et il avait désiré qu’elle fût sienne, en cet instant, et la couvrir de son corps et la prendre, et enfin découvrir la sensation d’entrer en elle, alors il avait dû s’en détacher, parce que s’il ne l’avait pas fait tout de suite, il aurait tout détruit entre eux, pour toujours.

 

            Puis ils s’étaient assis côte à côte, à l’ombre.

            Il l’entendit soupirer, et il se tourna vers elle.

            « Je sais, André. J’ai été bizarre ces jours-ci, je le sais. »

            Il ne dit rien, pour ne pas gâcher cet instant.

            « Tu sais, hier je me suis même enivrée, toute seule. C’est stupide, hein ? » Elle eut un regard lointain, triste.

            Tu n’étais pas seule, Oscar.

            « Je t’ai négligé, n’est-ce pas ? »

Il resta un instant silencieux. Il n’y avait que dans une relation comme la leur que l’on pouvait employer le terme négliger dans ce sens.

Il dit simplement, en baissant la tête : « Tu m’as manqué ».

Elle leva la tête, touchée, et une larme voila son regard. « J’ai de la chance de t’avoir, murmura-t-elle, parfois je pense que ça n’importe à personne, que j’existe ou non… »

            « Pour moi cela importe. Enormément. »

            « Oui, c’est vrai… » admit-elle en esquissant un sourire. « Pardonne moi, dit-elle en effleurant sa main de la sienne, tu es le seul que je ne devrais pas oublier. »

Il resta silencieux, se mordant imperceptiblement la lèvre.

« C’était plus simple quand nous étions seulement tous les deux, n’est-ce pas ? »

Il dû faire appel à une force terrible, pour résister à cette phrase.

« Cela pourrait encore être simple, Oscar… », répondit-il.

« Non, plus maintenant », dit-elle, dans un mouvement de douleur, de souffrance.

 

            Plus maintenant. Plus.

            Pourquoi, Oscar ? Pourquoi ?

 

            « André… »

            « Oui… »

            « Ca ne t’est jamais arrivé, à toi, André ? »

            Non, je t’en prie, ne fais pas cela. Ne le fais pas, Oscar. Ne te confie pas à moi.

            « Quoi, Oscar ? »

            « Tu n’as jamais… »

Elle le regarda un instant. Puis elle baissa la tête de nouveau. « Tu sais… Tu sais ce que je veux dire… »

            Non, je ne le sais pas. Je ne veux pas le savoir.

            Il ne répondit pas. Elle ne poursuivit pas. Triste.

            « Oui, peut-être que je le sais, Oscar… »

Ces mots lui firent reprendre courage. « Tu n’as jamais été amoureux, André ? »

            Tu ne peux pas me demander cela, ce n’est pas juste. Nous ne sommes plus des gamins. Je ne peux pas te répondre, Oscar.

            « André… »

            « Qu’est-ce qu’il y a Oscar ? Qu’est-ce que je dois te dire ? », murmura-t-il, brusquement sérieux. Dans sa voix vibra de la douleur. Presque du ressentiment.

            « Je… ». Il la vit se taire, se renfermer de nouveau en elle-même. « Excuse-moi », lui dit-elle.

            Mais ce silence était encore plus insupportable. L’entendre s’excuser lui faisait plus mal que toute autre chose. Savoir qu’il lui refusait ce réconfort était une douleur qu’il ne pouvait pas supporter.

            Il soupira sans bruit, et accepta la condamnation.

            « Oui, Oscar ».

            Elle se tourna de nouveau,  encouragée et étonnée, une expression interrogative dans les yeux.

            « Quoi… »

            « Oui, ça m’est arrivé ».

            « Je ne m’en étais jamais rendue compte… »

            Cela je le sais.

            « Et quand… »

            « Il y a longtemps ».

Elle continuait à le regarder, et voulait savoir, et n’osait pas demander, pour ainsi dire.

            « Et qu’est-ce qui s’est passé, André ? »

            « Rien ».

            « Rien… ». Elle se tut un moment, alors que l’eau du fleuve coulait, et ils écoutaient le bruit léger de la cascade. « Pourquoi.... » demanda-t-elle finalement.

            « Parce qu’elle non plus ne s’en est jamais rendue compte », répondit-il dans un soupir forcé, presque à voix haute, le regard perdu dans le lointain. Puis il essaya de sourire, pour achever cette conversation.

            Mais elle ne le crut pas. Elle posa de nouveau sa main sur la sienne, et le fixa. « Et tu ne le lui as pas dit ? », demanda-t-elle.

            Elle ne reçut aucune réponse.

            « Et pourquoi André ? Pourquoi ? »

Il avait détourné la tête, et Oscar lui passa son autre main, légère, sur le menton, pour le tourner vers elle, pour le regarder. Elle le fit céder, finalement, et elle lut une telle douleur dans ses yeux que l’air lui manqua.

            « Excuse-moi, Oscar, je ne veux plus en parler », dit-il, inspirant en silence.

            « Mon Dieu, André... », murmura-elle, étonnée. Dans le regard qu’elle lui adressa, il y avait une question, et sa réponse, et un chagrin évident, qu’elle cherchait à cacher. Tu l’aimes encore, André…

            Il la fixa alors, et voulut saisir ses mains, et l’allonger sur l’herbe, et la faire taire en l’embrassant à lui faire mal, parce qu’elle paierait le prix de sa douleur, et elle cesserait d’insister, et de se comporter comme une enfant. Il aurait voulu l’embrasser, comme il l’avait justement embrassée cette nuit. Mais sans s’arrêter,  non sans s’arrêter… Parce qu’elle s’en rappellerait, cette fois, et elle le haïrait même.

            « Cela suffit Oscar, je t’en prie », dit-il, au contraire.

            « Oui… oui… excuse moi, André »,  lui répondit-elle, mais elle ne lâcha pas sa main. Au contraire, elle la pressa davantage, et elle se rapprocha de lui, et dans un élan affectueux, elle l’enlaça, une embrassade qu’il aurait voulu repousser, et qui fit crier son cœur.

            Mais il n’y parvint pas, et il l’étreignit doucement aussi, en ignorant son cœur de toutes ses forces.

 

            « Ce devait être une folle », lui chuchota-t-elle.

            Dans cette voix pleine d’affection il décela une légère nuance de soulagement.

 

            Puis ils s’étaient séparés, et elle l’avait regardé du dessous, avec une expression douce et craintive : mais il n’avait pas réussi à lui lancer la pique qui la rassurait toujours, quand elle avait besoin de savoir ce qu’il y avait. Il n’était pas en mesure de le faire. Pas encore

 

            Ils avaient étendu une couverture sur l’herbe et ils avaient mangé, et peu à peu l’atmosphère était devenu sereine, légère. Ils avaient parlé de toutes sortes de choses sans importance, tout en souriant, et Oscar s’était allongée, les bras derrière la tête, et regardait le feuillage des arbres.

 

            « Tu me conduiras encore ici ? »

            Il n’avait pas répondu, et il s’était allongé à côté d’elle, sur le côté, un coude à terre, et une main soutenant sa tête. Il avait cueilli un brin d’herbe, et avait soufflé dessus, en le tenant entre ses doigts. Puis il lui avait caressé le visage avec, lentement, tandis qu’elle fermait les yeux et souriait.

            « Cela veut dire oui ? », lui demanda-t-elle.

            « Cela veut dire que je te conduirai où tu voudras ».

            Elle garda les yeux fermés, et soupira.

 

            « A quoi tu penses, André ? »

            « Que je voudrais que ce jour ne finisse jamais ». Qu’il n’existerait pas tout le reste, ta maison, ton père, ma grand-mère, nos chambres séparés, ce monde, la reine et les minutes.       Elle se tourna vers lui pour le regarder, et dit qu’elle aussi.

 

            Puis elle lui demanda : « Elle est très belle, André ? »

            Et lui, qui ne s’y attendait pas, s’apprêtait à répondre : « Qui ? ».

Il se reprit à temps, et serra les lèvres. Ce jeu ne lui plaisait pas, il lui faisait mal. Il le mettait trop à nu, il était trop ambigu. Mais il ne sut pas résister à la tentation de lui dire qu’elle était belle.

            « Oui, elle est très belle », murmura-t-il, sans la regarder.

            Elle resta silencieuse, avec les yeux tristes.

            « Et comment doit être une femme, pour faire dire à un homme qu’elle est très belle ? »

            Cette fois ce fut lui qui ne sut plus quoi dire. Mais il la fixa, et eut l’impression que la réponse était contenue dans ses yeux.

            Peut-être fut-ce cela qui lui donna du courage. « André… »

            « Oui… »

            « Tu trouves que je suis belle, André ? »

            « Oui ».

            Elle se tut un instant : « Rien que… oui ? »

            Il la caressa d’un sourire : « Qu’est-ce que ça veut dire « rien que oui » ? »

            « Eh bien, répondit-elle en regardant le ciel et sur un air de plaisanterie, alors qu’elle rougissait pour la seconde fois, ce jour, eh bien, je m’attendais au moins à « tu es splendide »… »

            Il la regarda, et sourit encore. Puis il redevint sérieux. « Tu es splendide. »

Il vit ses yeux azurs, et pensa qu’il n’importait plus, désormais si elle comprenait « Tu es toute la splendeur », dit-il.

            Elle lui adressa un regard qu’elle ne lui avait jamais adressé      . Et elle ne détacha pas ses yeux des siens, cette fois, et il y avait une lueur touchante et reconnaissante, dans sa manière de le fixer, et un appel très doux, dont elle n’était pas consciente, mais que lui sentit. Il s’approcha lentement, alors, presque sans se rendre compte de ce qu’il faisait, s’approcha de son visage qu’elle n’avait pas détourné, comme sous l’emprise d’un charme auquel il ne pouvait se dérober : un instant rare et précieux, qui les prit sans qu’ils se demandent pourquoi. Il garda les yeux ouverts, alors qu’il s’approchait de sa bouche, comme s’il ne croyait pas à ce qu’il faisait, et sentit le parfum de sa peau, de son souffle, et de ses paupières qui se fermaient, et sur ses lèvres il posa ses lèvres, très doucement, sentait qu’elle tressaillait et ne s’en irait pas. Il ferma les yeux lorsqu’il sentit ce contact, et lui donna un baiser léger, s’arrêta un instant, comme suspendu, et puis un autre, trouvant du courage, et puis encore, très doucement, alors qu’elle respirait en tremblant, en silence. Et lorsqu’il la sentit abandonner sa tête en arrière, et ces lèvres s’entrouvrir entre les siennes, il l’enveloppa de ses bras dans un élan de joie et il fut au-dessus d’elle, pour l’embrasser encore. Il le fit avec tendresse et passion, sans dire un mot, dans un silence que personne n’interrompit, sur la douce couverture, avec son cœur devenu fou dans sa poitrine qui battait et la sensation de son corps contre le sien et la certitude qu’elle éprouvait la même chose que lui, et était heureuse. Il l’embrassa encore, et encore, pour graver en lui ses baisers et les mains qu’à présent elle avait posées sur ses épaules, en les entourant doucement, et ce soupir qui lui avait échappé, pendant qu’elle le faisait. Pour se souvenir d’elle et de cet instant, parce qu’ils étaient très beaux, ces baisers : parce qu’ils étaient vraiment ensemble, maintenant, pas comme la nuit précédente, et elle-même voulait l’embrasser, maintenant, et elle ne pouvait plus l’oublier… Il l’embrassa avec tout son être, avec une ardeur pleine de tendresse, un désir d’une douceur brûlante, presque sans respirer pendant qu’il le faisait, comme pour se rassasier et ne pas perdre ce temps, qui était comme un cadeau qui serait volé. Il l’embrassa, tant qu’il ne put résister à l’émotion qui lui emplissait le cœur, tant que cette émotion déborda de sa poitrine et le força à se détacher, et à la regarder, haletant, elle-même haletante, entre ses bras, transportée et incrédule, comme lui était incrédule. Il posa la tête sur son épaule, en soupirant doucement. Entre les fibres de ses vêtements était demeurée l’odeur du vent, et il eut la sensation que le ciel s’ouvrait  grand devant lui. 

            A suivre...

pubblicazione sul sito Little Corner dell'aprile 2005

 

mail to: imperia4@virgilio.it

French translation: Lady Rose - mail to: lady_rose_grandier@yahoo.fr

 

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